Le Burkina Faso, l’autre pays du fromage

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Fromage blanc, emmental, tommes, bries... autant de saveurs, parfois rehaussées par des épices locales, auxquelles se familiarisent progressivement les papilles des Burkinabè. Au pays des hommes intègres, le fromage connaît un succès discret, mais grandissant depuis plusieurs années.

Le Burkina Faso est réputé pour son pagne tissé Faso Dan Fani, son chapeau de Saponé, son poulet flambé, ses fraises et… bientôt pour ses fromages, comme l’espère sa petite armée de producteurs locaux.

Contrairement à la France, où l’on en consomme en moyenne 26 kg par personne et par an, il n’existe pas encore de chiffres sur la consommation de fromage au Burkina Faso.

Cependant, il est avéré que celle-ci a beaucoup crû, au gré de l’émergence, au cours de la décennie écoulée, d’une classe moyenne aux goûts raffinés.

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Et c’est le fromage blanc qui trône dans le palais des Burkinabè, comme le souligne sans hésiter un producteur local, installé à Bobo-Dioulasso.

À l’origine musicien, le Français Erwann Bouvier, qui vit au Burkina Faso depuis une quinzaine d’années, s’est lancé en 2019 dans la production de fromage, un marché de niche auquel il croit:

«Le marché du fromage au Burkina Faso est porteur. Il y a quantité de consommateurs potentiels, notamment occidentaux, dans les mines (le pays en compte 12  industrielles), les ambassades, les grands restaurants. De plus, les Burkinabè en sont de plus en plus friands. On rencontre un grand succès auprès d’eux», confie Erwann Bouvier à Sputnik.

À Bobo-Dioulasso, la deuxième plus grande ville du Burkina Faso, il existe une petite tradition du fromage que Erwann Bouvier entend perpétuer.

Le «Fromager du Faso», qu’il a mis sur pied, aidé de son chef de production David Kontiebo – formé dans une autre fromagerie de Bobo-Dioulasso, qui a depuis fermé ses portes –, produit artisanalement depuis septembre  2019 jusqu’à 10 types de fromage.

On y trouve du fromage frais (nature, aux épices, à la ciboulette, fromage blanc), du Bobolais (gentilé de Bobo-Dioulasso, un fromage de caractère dont l’affinage dure deux semaines) ou encore des tommes nature, au cumin ou au bleu, dont l’affinage (phase essentielle de maturation et d’acquisition de la saveur) dure jusqu’à trois mois.

Si certains procédés de fabrication sont les mêmes que ceux de fromages importés, le fromage produit au Burkina Faso se distingue par son goût. Une particularité qu’Erwann Bouvier explique par le lait local utilisé.

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Il est, en effet, de notoriété publique que la nourriture donnée au bétail à une influence directe sur la qualité du lait et l’arôme du fromage.

Pour ses produits, ce producteur local s’approvisionne quasi exclusivement auprès d’éleveurs peuls. Ainsi, il utilise du lait de zébu pour la grande majorité de ses fromages et du lait de montbéliarde (une race bovine française acclimatée) pour la tomme.

Les fromages importés ont généralement un coût élevé qui ne favorise leur consommation que par une frange privilégiée de Burkinabè, issus de la classe moyenne ou supérieure.

Aussi les producteurs locaux s’attellent-ils à rendre accessibles leurs fromages au plus grand nombre. Mais ils misent également sur un autre paramètre pour s’affirmer sur ce marché.

Pour Erwann Bouvier, de même qu’un autre fromager – qui a choisi de garder l’anonymat – installé à Ouagadougou, la clé du succès grandissant du fromage made in Burkina réside dans l’accent particulier mis sur la qualité.

«Au Fromager du Faso, il nous est parfois arrivé de nous débarrasser du fromage produit parce que la qualité recherchée n’avait pas été atteinte. On a certes des contraintes, mais il est crucial pour de petites productions telles que la nôtre d’être toujours au top», explique Erwann Bouvier.

Outre la qualité et le prix, le producteur anonyme intègre à ses recettes de fromages des épices locales comme le soumbala ou le moringa.

Autant de stratégies qui font que le fromage local a de beaux jours devant lui.

Un potentiel laitier largement inexploité

Avec son cheptel – troisième plus important en Afrique de l’Ouest après le Niger et le Mali –estimé en 2017 à plus de 8  millions de bovins, plus de 7 millions d’ovins et plus de 11 millions de caprins, le Burkina Faso dispose d’un potentiel laitier excédant 250 millions de litres, selon une étude diligentée par l’Union économique et monétaire ouest-africain (UEMOA).

Mais seulement 5% sont effectivement récoltées par les unités locales.

Des études révèlent que la faiblesse de la production laitière s’explique par le mode extensif et traditionnel de l’élevage, mais aussi par le potentiel génétique limité du bétail.

La production locale, déjà insuffisante et autoconsommée jusqu’à 80%, est loin de satisfaire la demande nationale.

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Par conséquent, le Burkina Faso importe –d’Europe en particulier– jusqu’à 30% des produits laitiers consommés: lait en poudre (plus de 80% des importations), lait concentré, beurre, yaourt et bien évidemment fromage. «La vache qui rit» est d’ailleurs le fromage importé le plus prisé des Burkinabè.

Le lait importé se vendant généralement moins cher que le lait local, il constitue une menace sérieuse pour les producteurs locaux qui tirent l’essentiel de leurs revenus de leur production.

Cette problématique, loin d’être propre au Burkina Faso, est commune à la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest.

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