Algérie: sur «le plan politique le Hirak a défait le bloc au pouvoir le plus intégré à la mondialisation»

© Sputnik . Kamal LouadjManifestation en Algérie, 6 décembre 2019
Manifestation en Algérie, 6 décembre 2019 - Sputnik Afrique
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Le Hirak achève sa première année en Algérie. Dans un entretien accordé à Sputnik, Brahim Zitouni, expert et analyste politique, a étudié la genèse de ce mouvement, ses acquis, ses faiblesses et sa probable évolution à l’avenir.

Le mouvement de contestation populaire du 22 février en Algérie, le Hirak, souffle sa première bougie ce samedi. Né suite à l’annonce de l’ex-Président déchu Abdelaziz Bouteflika de briguer un cinquième mandat, le Hirak a été qualifié par l’actuel chef de l’État Abdelmadjid Tebboune «de phénomène salutaire» qui «a épargné au pays une catastrophe».

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Ainsi, lors de sa rencontre jeudi 20 février avec des médias nationaux, le Président Tebboune avait annoncé sa décision de consacrer par décret le 22 février journée nationale chômée et payée. Cette fête portera le nom de «Journée nationale de la fraternité et de la cohésion entre le peuple et son armée pour la démocratie». Par ailleurs, M.Tebboune a souligné que bon nombre des revendications du Hirak avaient été satisfaites. Pour le reste, le gouvernement les prend en charge, a-t-il ajouté, soutenant que les Algériens avaient le droit de continuer à manifester à condition de préserver le Hirak de l’infiltration de certaines forces internes et externes hostiles à l’Algérie.

Aux origines du Hirak

Pour Brahim Zitouni, expert et analyste politique, les raisons du Hirak relèvent essentiellement de deux catégories.

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«La première appartient au temps court, celui qui s’évalue à 10 ans, des effets directs de la mauvaise gouvernance, gabegie, détournements de la rente pétrolière au détriment des couches populaires et au profit d’une minorité de richissimes».

«La seconde relève du moyen terme», elle est «due à la massification de l’éducation qui a profondément bouleversé les rapports entre administration et administrés, l’urbanisation très rapide qui a vu son taux passer de 30% à l’indépendance en 1962 pour atteindre 75% aujourd’hui». «L’ensemble des changements a vu l’irruption d’une jeunesse éduquée à l’horizon bloqué par l’incapacité d’une économie rentière à répondre au spectre de ses besoins politiques et économiques multiformes».

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Dans ce registre, M.Zitouni a affirmé que «nous pouvons dire sans crainte d’être démenti que sur le plan politique le Hirak a défait le bloc au pouvoir le plus intégré à la mondialisation et à l’ordre énergétique fossile [vivant de la rente des hydrocarbures, ndlr]», précisant que «de ce point de vue nous pouvons dire que nous vivons un moment de basculement».

Ainsi, le Président Tebboune, élu le 12 décembre 2019, est décidé à «rompre par une série de mesures d’ordre juridique, fiscale et administrative avec le système du régime unique de la rente pétrolière», a indiqué Brahim Zitouni. Cependant, selon lui, le chef de l’État a besoin d’un soutien populaire pour aller vers «la transition énergétique et démocratique [et] vers un système de production diversifiée», en plus du rôle des élites dans ce domaine. «Or cette dimension de mobilisation populaire encadrée par une intelligence politique de premier niveau fait cruellement défaut aujourd’hui», a-t-il précisé.

Quelle évolution à venir?

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Le Hirak qui est apparu dans un contexte mondial où les systèmes politiques vivent une profonde crise de la représentativité à l’aune «de la numérisation poussée et invasive de la vie de tous les jours», n’arrive pas à se structurer à cause de «la corruption des élites politiques, syndicales, associatives, achetées par le régime du détournement du pétrole afin de faire fuir les citoyens d’un engagement positif au service de la Nation», a expliqué Brahim Zitouni.

Pour l’expert, les forces de la rente qui cherchent par tous les moyens à conserver leurs privilèges sont actuellement «faibles car leur horizon est limité dans le temps par l’horloge de l’exploitation des énergies fossiles». «Aussi, elles cherchent des alliances au niveau international afin de pérenniser un rapport de force interne qu’elles savent pertinemment en leur défaveur en raison des immenses besoins sociaux auxquels elles sont dans l’incapacité structurelle de répondre», a-t-il dit.

Bien qu’il soit très difficile de passer d’un système à un autre «dans un contexte de pressions internationales», selon M.Zitouni, «il existe un facteur d’initiative stratégique qui a constitué une surprise de taille, contrairement aux autres protestations populaires de par le monde». «Ce fut le pacifisme impeccable du mouvement social auquel a répondu de façon tout aussi exceptionnel la maturité de nos forces armées». «On comprend dès lors mieux pourquoi la direction de l’armée algérienne est prise pour cible par les forces de la négation», a-t-il conclu.
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