Que cache la tournée internationale de Maurice Kamto?

© AFP 2024 STEPHANE DE SAKUTINMaurice Kamto, lors de la conférence de presse qu'il a donnée à Paris le 30 janvier 2020.
Maurice Kamto, lors de la conférence de presse qu'il a donnée à Paris le 30 janvier 2020. - Sputnik Afrique
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Après sa sortie de prison, Maurice Kamto a entamé une longue tournée à l’étranger. Dans son périple, le principal opposant de Paul Biya a rencontré des partenaires internationaux et communié avec la diaspora camerounaise. Dès lors, beaucoup s’interrogent sur sa nouvelle stratégie. Qui sont les soutiens de Maurice Kamto à l’étranger? Décryptage.

Paul Biya - Sputnik Afrique
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Depuis sa libération, la stratégie de Maurice Kamto, président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) et principal opposant au pouvoir de Paul Biya, polarise l’attention de nombreux observateurs. Après sa décision de boycotter les élections locales, exigeant au préalable la réforme du système électoral et la résolution du conflit séparatiste en cours dans la zone anglophone du pays, il s’est lancé ces dernières semaines dans une tentative de mobilisation de la diaspora camerounaise et des partenaires étrangers du Cameroun, avec en toile de fond «la recherche des solutions dans les crises que traverse le Cameroun».

De Washington à Paris en passant par Toronto, l’opposant camerounais est allé de rencontres en rencontres. Aristide Mono, chercheur et politologue camerounais, enseignant en sciences politiques à l’université de Yaoundé II, nous livre son analyse.

«Le président du MRC est dans une dynamique de construction d’une assise politique tant sur le plan local qu’international. On est en fait dans la continuité hors des frontières camerounaises de la quête des sympathisants et soutiens», explique-t-il au micro de Sputnik.

Début janvier, à Washington, Maurice Kamto avait déjà rencontré Tibor Nagy, le sous-secrétaire d’État américain en charge des Affaires africaines. Une rencontre qu’affiche fièrement le «Monsieur Afrique» de Donald Trump sur son compte Twitter, comme s’il mettait en relief les rapports convulsifs entre la Maison-Blanche et le pouvoir de Yaoundé.

Tibor Nagy, qui totalise depuis ces derniers mois assez de points de rupture avec les dirigeants camerounais, notamment sur la gestion militaire de la crise anglophone et le respect des droits de l’Homme dans le pays, démontre par cette autre posture, selon Aristide Mono, son désaveu de Paul Biya.

«Tibor Nagy est, indépendamment de tout soutien avéré au président du MRC, dans une phase de désaveu public du régime de Yaoundé, ce qui nous permet de supposer que Maurice Kamto a là un allié de conviction. Tout d’abord parce qu’ils partagent le même combat. Mais aussi parce que cet allié est un bras agissant (en Afrique) du Président américain, une proximité qui n’est pas à négliger en cas de projet d’adoubement officiel du président du MRC par la Maison-Blanche», projette l’analyste.

Maurice Kamto à Paris lors de la conférence de presse qu'il a donnée le 30 janvier 2020. - Sputnik Afrique
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En revanche, si Washington s’est parfois montré défavorable à la démarche de Paul Biya dans la résolution des multiples crises en cours dans le pays, ce n’est pas le cas de Paris qui a souvent défendu la ligne officielle de Yaoundé, compte tenu des intérêts français au Cameroun. «Les autorités françaises n’ont pas, jusqu’ici, pris suffisamment au sérieux la situation qui prévaut actuellement au Cameroun», a déclaré Maurice Kamto face à la presse le 30 janvier dernier à  Paris en marge de sa tournée européenne.

Dans cette démarche de lobbying international, le patron du MRC s’est rendu ce mercredi 5 février, dans les locaux du Parlement européen à Bruxelles en Belgique. Maurice Kamto s’y est entretenu avec Marie Arena, une députée européenne membre du Parti socialiste belge. À la suite de leurs échanges, l’eurodéputée s’est exprimée dans une publication sur Facebook:

«La seule façon de créer les conditions pour éradiquer la violence et consolider une paix durable au Cameroun, c'est de tenir des élections transparentes, libres et crédibles, où les partis d'opposition, tels que le MRC, peuvent s’inscrire et faire campagne en toute liberté», a-t-elle posté.

Un discours qui conforte dans leur position Maurice Kamto et ses partisans. D’ailleurs, l’ex-ministre de Paul Biya avait bénéficié du soutien du Parlement européen à travers la pression mise sur Yaoundé pour sa libération ainsi que celle d’autres prisonniers politiques, l’année dernière. Les eurodéputés se sont très souvent prononcés sur la crise en cours dans les régions anglophones, fustigeant sa gestion par les officiels camerounais.

Le soutien du Parlement européen est un apport important qui, du point de vue de notre analyste, pourrait aboutir à une pression plus forte sur le Cameroun au vu de la coopération économique entre les deux entités. 

«Les sanctions économiques de l’Union européenne peuvent considérablement impacter le régime de Yaoundé car l’UE s’est affirmée au fil des ans comme le premier partenaire commercial du pays avec près de 55% des exportations et 32% de ses importations en 2019», souligne Aristide Mono.

La diaspora, un pis-aller pour Maurice Kamto ?

Interdit d’organiser tout meeting au Cameroun depuis sa sortie de prison le 5 octobre 2019 après 9 mois de détention dans le cadre des marches de protestation des résultats de la présidentielle d’octobre 2018, Maurice Kamto s’en est remis à la diaspora. Le leader du MRC l’a rencontrée le 1er février dernier à Paris, à l’occasion d’une grande réunion. Plusieurs dizaines de milliers de ressortissants camerounais ont répondu présent et ont tenu à manifester leur soutien au leader politique. Une forte mobilisation qui témoigne sans doute du soutien de ces Camerounais pour le combat du MRC.

«L’enjeu important est le retour d’ascenseur vis-à-vis de cette diaspora qui, depuis quelques années a fait de lui le symbole de la résistance contre le pouvoir de Yaoundé […] Il revient naturellement à Maurice Kamto de faire preuve de reconnaissance et de renforcer sa proximité physique avec ces jeunes qui en ont surement besoin», commente Aristide Maono.

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Après le meeting de Paris, l’opposant a mis le cap sur l'Amérique du Nord. De Toronto à Washington, les ressortissants camerounais se sont mobilisés tout au long de ces rencontres et de son parcours. Un succès peu surprenant, dans un contexte de guerre ouverte entre les activistes de cette diaspora et le pouvoir de Paul Biya, récemment ciblé par de violentes attaques qui l’ont finalement poussé hors de sa légendaire réserve. Paul Biya a déclaré son mécontentement dans son discours à la nation, le 31 décembre dernier, en lançant des piques à ces ressortissants de plus en plus militants, davantage audibles et présents dans le débat public au Cameroun.

«Je pense qu’aujourd’hui, plus que jamais, la diaspora camerounaise est résolument engagée dans la lutte pour la transition. Sa plus-value, c’est sa capacité à contourner ce que les opposants locaux opprimés appellent "la dictature à huis clos"», analyse Aristide Mono.

Au cours de sa tournée internationale, le patron du MRC s’est à coup sûr taillé une visibilité à la fois auprès de l’opinion internationale et des partenaires occidentaux. Pour Aristide Mono, l’objectif affiché est clair: «Solliciter des soutiens internationaux et renforcer les acquis, notamment ses rapports avec des gouvernants, partenaires du Cameroun, qui lui font déjà confiance. Et une telle démarche, lorsqu’elle est fructueuse, ne peut que provoquer une désaffection internationale du pouvoir du Président Paul Biya.»

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Suffisant pour se repositionner dans la bataille pour la succession au Cameroun? Non, rétorque le politologue, «le MRC, pour le moment, ne justifie pas d’une emprise nationale prouvée, il ne jouit pas d’une occupation territoriale avérée. Et il est difficile de rentabiliser ses seules alliances internationales à des fins d’éjection de ses adversaires du pouvoir. Même si la communauté internationale obtient le départ du Président Paul Biya, les mécanismes de passation de pouvoir de gré à gré resteront un obstacle pour le président du MRC. Mais attendons, rien n’est statique en politique».

Cependant, à Yaoundé, l’on voit d’un mauvais œil cette exposition des crises internes sur la scène internationale. À l'heure où les peuples africains s'insurgent contre les ingérences des puissances étrangères, Maurice Kamto ne navigue-t-il pas aussi à contre-courant en sollicitant ces mêmes puissances?

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