La donnée, nouveau carburant des constructeurs automobiles

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Sommés par les pouvoirs publics de se convertir à l’électromobilité et subissant le ralentissement des ventes de véhicules thermiques, les constructeurs automobiles cherchent désespérément de nouveaux relais de croissance. Le juteux marché des données leur apparaît dès lors comme un nouvel eldorado… qui n’est pas sans risques.

C’était en décembre 2017, le constructeur automobile français Renault annonçait en fanfare l’acquisition de 40% du capital de la revue économique Challenges. Janvier 2020, le magnat de la presse Claude Perdriel se fend d’un communiqué laconique, qui annonce le rachat les parts de Renault, entérinant la fin d’un partenariat qui n’aura duré que deux petites années.

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Les déboires de Carlos Ghosn, l’ancien président du constructeur, n’auront pas peu joué dans ce retrait en catimini, peut-on raisonnablement conjecturer. Cependant, c’est aussi l’aveu que les acteurs traditionnels du secteur de l’automobile cherchent encore à entrer de plain-pied dans le numérique des automobiles 3.0. Ébauchées comme connectées, autonomes et électriques, ces automobiles du futur proche attisent l’inquiétude et l’âpreté des noms qui comptent dans le secteur industriel, mais ces derniers tâtonnent pour trouver la pierre philosophale, en raison d’un espace nouveau où compétences traditionnelles et modernes s’enchevêtrent.

Transmuter la donnée en pétrole

Il est souvent énoncé que les données sont le pétrole du XXIe siècle, et de citer –avec une certaine justesse– les grands noms de la révolution du numérique que sont les GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple) et les NATU (Netflix, AirBnB, Twitter et Uber). Après tout, Google est capitalisé à 429 milliards de dollars tandis que General Motors ne pèse que 47,74 milliards de dollars, ce qui en dit long sur la puissance financière de sociétés digitales, capables de ridiculiser les anciens barons de l’industrie.

D’où la volonté des grandes enseignes de l’automobile de capitaliser sur un processus très prometteur: la circulation d’informations par leurs produits, de l’agrégation des données à leur diffusion, en passant par leur valorisation. Ce fut par ailleurs le souhait initial de Renault avec le projet AEX (Augmented Editorial Experience), qui supposait que passagers et conducteurs, rendus passifs par l’autonomisation des véhicules, seraient disposés à consommer des données pour s’occuper.

Avec les automobiles 3.0, il faut moins savoir où forer pour faire jaillir le «pétrole informationnel» que comment le raffiner pour en tirer la plus-value essentielle. Sur ce plan, les solutions les plus diverses sont expérimentées: les uns sautent à pieds joints dans l’inconnu, tandis que d’autres préfèrent circonscrire les potentialités avec mesure.

Le véhicule étendu, entre auxiliaire numérique et convergence technologique

Ces différentes approches sont symptomatiques de ce saut qualitatif et quantitatif: avec la troisième révolution de l’automobile, les vieilles gloires entendent profiter de la manne des données ou plus prosaïquement ne pas être dépossédées de leur savoir-faire par des parvenus du secteur informatique.

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Il existe plusieurs modalités. La première est l’approche externe, qui opte pour un prestataire de confiance rompu aux solutions numériques données (comme AvtoVaz et le moteur de recherche russe Yandex). La seconde solution est l’approche interne, qui crée un département de recherche et développement afin de conserver la main sur les flux de données (c’est le cas d’Opel et OpelConnect, qui regroupe plusieurs fonctions comme l’appel d’urgence automatique ou le contrôle de charge des batteries). La troisième possibilité est le partenariat mixte avec un codéveloppement (exemple de Renault et Otodo, liant votre véhicule avec les objets connectés de votre maison).

Chaque approche a ses avantages et ses inconvénients, en termes de coût économique comme d’efficacité et de sécurité.

Des normes, des lois et des interrogations

Le phénomène que l’on appelle désormais véhicule étendu (par rapport à la connectivité sans fil), symbolisé par l’abréviation ExVe (Extended Vehicle) est désormais régi par trois normes ISO: 20078, 20079 et 20080.

D’autres lois peuvent aussi s’inviter dans cette volonté de clarifier les règles du jeu. La France a récemment transposé en décembre 2019 un texte européen avec la Loi d’orientation des mobilités. Elle dispose que «sont rendues accessibles et réutilisables dans les conditions prévues au présent chapitre et aux articles 3 à 8 du règlement délégué (UE) 2017/1926 de la Commission du 31 mai 2017 précité, les données statiques et dynamiques sur les déplacements et la circulation ainsi que les données historiques concernant la circulation.»

La tâche est complexe, puisque collectivités territoriales, constructeurs et partenaires techniques sont collecteurs et fournisseurs de données. Cependant, il est précisé que la CNIL (Commission Nationale Informatique et Libertés) sera consultée pour toute ordonnance à ce sujet et que le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) est garant de la protection des données personnelles.

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À charge toutefois pour les constructeurs, équipementiers et entreprises du numérique de répondre clairement aux enjeux de cybersécurité en raison de l’explosion des connexions induites par cette extension et de maillage des infrastructures, mises à jour à échéance. Ils devront surtout organiser les conditions d’extraction, d’exploitation, de diffusion et de partage des données, dans la transparence et le respect des droits de l’usager.

La valorisation est ardue, mais l’enjeu est de taille et vaut la dépense en «jus de cerveau»: comme le rappelle la CCFA (Comité des Constructeurs Français d’Automobiles), le nombre de données transitant par les véhicules contemporains est de l’ordre de 25 giga-octets/heure. De quoi aiguiser les appétits d’acteurs économiques toujours à l’affût de relais de croissance. Reste à apporter des réponses satisfaisantes sur les points évoqués.

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