Dans l’avion qui le ramenait à Paris après une visite officielle en Israël, Emmanuel Macron a confié à la presse qui l’accompagnait que «la France doit revisiter la mémoire de la guerre d’Algérie pour mettre un terme au conflit mémoriel qui rend la chose très dure en France». Il a ajouté que s’il parvenait à le régler, ce dossier aura «à peu près le même statut que ce qu’avait la Shoah pour Chirac en 1995».
Dans un entretien accordé à Sputnik, Mohamed Lamine Belghit, historien et professeur académicien à l’Université d’Alger, affirme que «ce qui s’était passé en Algérie était pire que la Shoah».
Il a par ailleurs expliqué que la polémique qui a suivi les déclarations de Macron en France obéissait à une logique électoraliste à l’approche de la présidentielle de 2022.
Les Algériens comme les «Indiens d’Amérique»
Ainsi M.Belghit estime que ce qui s’est passé en Algérie «ne peut être comparé qu’à ce qu’ont vécu les Indiens d’Amérique entre le 15e et 18e siècle, où plus de 10 millions d’entre eux ont été massacrés lors de la colonisation de ce continent».
Est-il possible de régler la question mémorielle?
«Ouvrir le dossier du génocide français en Algérie est une affaire très délicate», a expliqué Mohamed Lamine Belghit, car «les pires crimes contre l’Humanité commis par l’armée française de 1830 à 1962 en Algérie ont eu lieu sous la Ve République dirigée par le général De Gaulle [1958-1962, ndlr]». «Aucun homme politique français n’a le courage d’assumer la responsabilité de porter une telle accusation à l’égard du général De Gaulle qui est vénéré comme le père sauveur de la patrie et dont la période de passage au pouvoir est qualifié de glorieuse», dénonce-t-il.
«Ceci en plus des milliers de camps de concentration construits en Algérie entre 1958 et 1962 après la réforme constitutionnelle décidée par De Gaulle et dont même Jean-Paul Sartre avait parlé dans son texte "Le colonialisme est un système" où il avait affirmé que "le colonialisme est notre honte; […] il nous infecte de son racisme […]; il oblige nos jeunes gens à mourir malgré eux pour les principes nazis que nous combattions il y a dix ans […]"», explique-t-il.
Les élections présidentielles de 2022 en ligne de mire
Mohamed Lamine Belghit assure qu’«Emmanuel Macron est déjà dans une logique de préparation de sa réélection [en 2022, ndlr] et ses déclarations ne sont en fait qu’un ballon d’essai envoyé en direction des électeurs français d’origine maghrébine qui atteignent en nombre un peu plus de sept millions d’électeurs en métropole». De ce point de vue, «le Président Macron est très intelligent, il manie parfaitement le bâton et la carotte», ajoute-t-il.
À ce propos, «il est bien de rappeler que l’Algérie a une grande capacité d’influence sur les élections en France», indique-t-il, précisant qu’elle a les moyens «d’orienter le vote de la communauté immigrée malgré les frictions sociales et politiques entre cette dernière et les nouveaux migrants».
Des promesses non tenues
Dans ce sens, l’historien rappelle que «lors de ses différentes visites en Algérie [en février 2017 en tant que candidat présidentiel, en décembre 2017 et mars 2018 en tant que Président de la République, ndlr] M.Macron a fait beaucoup de promesses concernant le traitement de la question mémorielle entre les deux pays, mais force est de constater qu’aucune d’elles n’a été tenue, à l’instar de la question de la restitution de dizaines de crânes de résistants algériens exposés au Musée de l’Homme à Paris».