Alger et Paris s’apprêtent à reprendre le dialogue. La semaine prochaine s’annonce importante pour les relations entre les deux pays. Dimanche, les chefs d’État algérien et français se rencontreront à Berlin à l’occasion de la Conférence internationale sur la paix en Libye. Ce sera d’ailleurs la première sortie internationale d’Abdelmadjid Tebboune. Puis, immédiatement après, le ministre des Affaires étrangères français se rendra à Alger pour une visite de travail d’une journée. «Nous n’avons pas encore la date précise de la venue de Jean-Yves Le Drian, mais elle aura lieu probablement en fin de semaine», a appris Sputnik d’un diplomate français en poste à Alger. Le Drian devrait être reçu par le Président Tebboune et aura des entrevues avec son homologue Sabri Boukadoum et avec Abdelaziz Djerad, le Premier ministre algérien.
«Paris avait soutenu l’option de la prolongation du quatrième mandat de Bouteflika. Deux émissaires français, dont l’avion a atterri à la base militaire de Boufarik, ont rencontré en toute discrétion le général Bachir Tartag (ancien coordinateur des services de renseignements) et Saïd Bouteflika, le frère du Président. Lors de cette réunion, Saïd a présenté son idée de prolongement du mandat présidentiel. La France, par la voix de ses deux fonctionnaires, a soutenu cette idée mais à la condition que les autorités algériennes engagent de profondes réformes politiques», souligne Naoufel Brahimi El Mili dans une déclaration à Sputnik.
Selon le politologue, c’est au lendemain de cette réunion, soit le lundi 11 mars, qu’Abdelaziz Bouteflika rendait public une déclaration dans laquelle il annonçait son intention de renoncer à un cinquième mandat, d’annuler l’élection présidentielle prévue le 18 avril et d’organiser une Conférence nationale inclusive et indépendante. Lakhdar Brahimi, ancien médiateur des Nations unies et de la Ligue arabe en Syrie, a joué un rôle central dans la mise en œuvre du plan des frères Bouteflika. Plan que le général Ahmed Gaïd Salah a fait échouer deux semaines plus tard.
«Nous assistons à une fin d’un cycle et au début d’un autre. Durant des années, les relations France-Algérie étaient gérées par le Président Bouteflika en personne. Puis, durant le 4e mandat, les officiels français se sont retrouvés face à un Président aphone. Emmanuel Macron n’a pu communiquer avec son homologue, il n’y a eu que des échanges protocolaires. Ahmed Ouyahia était son seul interlocuteur, d’abord en qualité de directeur de cabinet de la présidence de la République puis comme Premier ministre», note-t-il dans une déclaration à Sputnik.
Farid Alilat, auteur d’une biographie du Président déchu, «Bouteflika, l’histoire secrète» (Édition du Rocher), perçoit une volonté d’insuffler «une nouvelle dynamique dans l’appareil diplomatique algérien».
«Abdelmadjid Tebboune a rencontré le Président du Conseil italien, le ministre italien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, le Président du Conseil présidentiel du GNA libyen et le ministre turc des Affaires étrangères. Il participera à la Conférence internationale sur la paix en Libye à l’invitation de la chancelière allemande. Et pour la première fois depuis huit ans, un Président algérien sera présent au sommet de l’Union africaine».
La semaine prochaine, Jean-Yves Le Drian se retrouvera donc face à un personnel diplomatique conduit par son homologue Sabri Boukadoum, personnage particulièrement tatillon lorsqu’il s’agit de la souveraineté de l’Algérie. Les deux ministres devraient aborder les dossiers traditionnels inscrits dans le registre des relations algéro-françaises: coopération dans la lutte antiterroriste au Sahel, libre circulation des personnes, coopération économique…
Naoufel Brahimi El Mili estime que deux autres points seront inscrits à l’ordre du jour de cette visite: la crise libyenne et la mosquée de Paris.
Les autorités algériennes estiment que l’intronisation de Hafiz est «un coup d’état» contre Mustapha Chérif, penseur et philosophe algérien spécialiste du dialogue entre les religions et les civilisations. Le nouveau recteur de la mosquée de Paris, qui a succédé à Dalil Boubakeur, a été à la tête du comité de soutien du candidat Bouteflika lors de la présidentielle de 2014. Il aurait également la réputation d’être «trop proche de certains cercles de décision parisiens».