Le 23 janvier 2018, Juan Guaido, le président de l’Assemblée nationale soutenu par les États-Unis et la Colombie, se proclamait Président de la République. En vain. Le 5 janvier, il revendique avoir été réélu dans l’hémicycle dans une atmosphère houleuse, face à un autre député de l’opposition, Luis Parra. Nicolas Maduro est toujours solidement amarré au pouvoir. Et Washington estime que c’est dû au soutien de la Russie et de Cuba.
Alors que Donald Trump est empêtré dans son procès pour impeachment et de graves tensions avec l’Iran au Moyen-Orient, son Administration vise également le Venezuela. «Nous étudions de près le rôle de la Russie et nous n’allons pas permettre le niveau de soutien que nous avons vu ces derniers temps sans réagir», a déclaré le 6 janvier le représentant spécial américain pour le Venezuela, Elliot Abrams. Celui-ci a dit envisager «des sanctions économiques supplémentaires contre des entités et des individus».
Sputnik France: Comment expliquer cette politique de sanctions économiques vis-à-vis de la Russie, qui soutient le gouvernement légal à Caracas?
Maurice Lemoine: «Tout cela n’a strictement aucun sens. C’est complètement absurde. La vraie question qui se pose, c’est l’échec total de la stratégie d’agression des États-Unis contre le Venezuela. Avec cette annonce de sanctions contre la Russie, ils sont en train de jeter un écran de fumée sur ce qu’il s’est passé dimanche dernier. Se déroulait une élection à l’Assemblée nationale, dans laquelle l’opposition divisée n’a pas réélu Juan Guaido et a élu un représentant de la droite modérée. Cela marque évidemment l’échec de toute la stratégie de Washington, qui avait été enclenchée le 23 janvier 2019 avec la proclamation de Juan Guaido comme Président du Venezuela.
Un an après, Nicolas Maduro est toujours là. Un an après, cette opposition putschiste a commis tellement d’erreurs et a été impliquée dans de nombreuses affaires, notamment de corruption. On a découvert aussi les liens de l’entourage de Guaido avec les paramilitaires colombiens. Une partie même de l’opposition vénézuélienne s’est retournée contre Guaido et l’a évincé de la présidence de l’Assemblée nationale. Pour une raison qui m’échappe, les États-Unis tentent de dresser un contre-feu.»
Maurice Lemoine: «C’est terrible. Je ne peux pas toutes les détailler, mais ce n’est pas si compliqué. Ils ont confisqué des propriétés vénézuéliennes sur le territoire des États-Unis, en particulier une des filiales de la compagnie pétrolière nationale, PDVSA, qui aux États-Unis s’appelle Citgo. Ils l’ont confisqué au mépris du droit international. C’est un manque à gagner de 11milliards de dollars par an pour le Venezuela. Ils ont fait confisquer des entreprises vénézuéliennes appartenant à l’État vénézuélien en Colombie, ils mettent des obstacles aux exportations vénézuéliennes de pétrole. Il faut savoir qu’aujourd’hui, lorsque le Venezuela vend du pétrole, cela se passe dans des conditions clandestines. C’est-à-dire que vous avez des navires qui s’approchent du Venezuela et qui interrompent tout leur système de positionnement GPS pour passer inaperçus et qui vont charger du brut vénézuélien. Ensuite, ils vont en haute mer le transvaser dans d’autres pétroliers. Il s’agit de piraterie internationale de la part des États-Unis, puisque tout cela résulte de lois extraterritoriales. On est dans le grand banditisme.»
Sputnik France: Quelle est la nature du soutien russe et cubain si décrié par Washington?
Maurice Lemoine: «Cuba, c’est une histoire politique et idéologique. C’est la proximité, au départ, de Fidel Castro et d’Hugo Chavez. C’est une logique de gauche latino-américaine. La Russie vient se greffer là-dessus au début du gouvernement d’Hugo Chavez pour des raisons toutes bêtes, d’ailleurs. Ça rappelle l’histoire de Cuba et de l’Union soviétique. Quand Hugo Chavez arrive en 1999 au pouvoir au Venezuela, l’aviation de chasse vénézuélienne a deux types d’appareils qui sont des Mirage français et des F-16 américains. Dès l’arrivée au pouvoir de Chavez, les États-Unis vont mettre un embargo sur les pièces de rechange pour les F-16. Et donc Chavez va se tourner vers la Russie pour acheter des Sukhoi. Cela va marquer le début du rapprochement de Chavez et de la Russie.
Il va ensuite y avoir une concordance politique sur le fait que les deux pays refusent l’unilatéralisme des États-Unis. Ils souhaitent un monde plus multipolaire, dans la logique de ce que sont les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Du fait de cette proximité, la Russie a investi beaucoup d’argent au Venezuela, en particulier dans l’industrie pétrolière depuis quelques années. Elle a donc maintenant des intérêts au Venezuela et dans ces conditions, il n’est pas question de lâcher Maduro.»