Le 13 décembre 2019, Christian Boa, 27 ans, a remporté le prix du meilleur entrepreneur ivoirien de l’année 2019 dans le secteur de l’éducation. Et l’entreprise qu’il a fondée, BrainStation, a été désignée meilleure start-up du secteur. Il est parvenu à se hisser au sommet parmi 600 participants et cinq finalistes. Un succès fulgurant qui a été possible en moins d’un an.
En 2009, après un second cycle au lycée classique d’Abidjan, Christian Boa s’est rendu à Accra, au Ghana, pour apprendre pendant un an l’anglais. L’année d’après, il s’est inscrit dans la plus grande université publique du pays pour y suivre un bachelor en sciences économiques, business et administration.
À son retour à Abidjan en 2015, il a exercé en tant que coordinateur du programme bilingue à l’International Bilingual Schools of Africa (IBSA). Il a dans ce cadre intégré une équipe qui expérimente un programme éducatif innovant en Côte d’Ivoire: dispenser la moitié des cours en français et l’autre en anglais.
En 2017, il est chargé de communication au lycée américain. Et en 2018, il se retrouve à la First Group Dubaï. Au sein de cette entreprise de promotion immobilière de luxe britannique basée dans la principale ville des Émirats arabes unis, il est chargé d’ouvrir de nouveaux marchés en Afrique et trouver de nouveaux investisseurs.
«Je suis quelqu’un qui s’ennuie vite et qui aime avoir des expériences nouvelles. C’est l’une des raisons qui m’a emmené à entreprendre et qui a fini par donner naissance à BrainStation», confie au micro de Sputnik le jeune célibataire père d’un enfant.
«En Côte d’Ivoire, la plupart des collégiens ou ceux qui ont le bac et qui désirent s’orienter vers la robotique vont étudier ailleurs. Et bien souvent, ils accusent un certain retard vis-à-vis de leurs pairs qui pratiquent depuis plus longtemps», explique-t-il.
Voyant là une opportunité à saisir, Christian Boa, qui n’avait jusque-là strictement aucune notion en codage et robotique, s’est mis à parcourir plusieurs établissements spécialisés pour s’informer sur leur fonctionnement. Il va même jusqu’à faire du freelance pour certaines écoles dans le but d’être formé en retour.
À la fin de sa mission, c’est avec une valise chargée de matériel de robotique qu’il a regagné Abidjan. Il a continué de s’autoformer tout en suivant des cours en ligne, avant de contacter une amie, Alice Roman (actuelle responsable pédagogique de BrainStation), alors responsable d’une école de robotique à Dakar, pour l’embarquer dans son ambitieux projet: celui de développer la culture du codage et de la robotique en Côte d’Ivoire.
Jusqu’à février 2019, Christian Boa s’est appliqué, sur fonds propres, à structurer au mieux son projet. Il a établi des programmes ludo-pédagogiques bien définis (pouvant être intégrés dans des programmes scolaires), qui allient efficacité et qualité, pour des apprenants dont l’âge varie de 4 à 15 ans.
L’aventure a alors démarré avec Luke International School, qui est la première école d’Abidjan à adhérer au projet.
«Pour cette première expérience, on n’a eu que des retours positifs. Avec nos ateliers pratiques et dynamiques, les enfants ont surtout le sentiment de s’amuser et pourtant, ils apprennent», déclare-t-il.
Le jeune entrepreneur est formel: «Le codage et la robotique ne sont pas une affaire de petit génie mais au contraire quelque chose d’accessible à tous pour peu qu’on ait de la volonté et un minimum de créativité.»
«Dans un monde où tout est de plus en plus automatisé, où les interactions homme-machine se font de plus en plus courantes et complexes, la Côte d’Ivoire se doit de suivre», soutient-il.
Christian Boa veut que tous les Ivoiriens puissent bénéficier des services de BrainStation. À cet effet, la start-up compte organiser au premier trimestre 2020 des formations gratuites dans des dizaines d’écoles primaires publiques d’Abidjan pour donner l’opportunité à des enfants issus de communautés à faibles revenus de bénéficier d’un premier contact avec la robotique.
Il sera ensuite question de maintenir ces ateliers dans les écoles publiques qui auront été ciblées et de les étendre à d’autres villes du pays. Mais pour cela, la start-up compte sur l’appui de partenaires éventuels qui voudront bien l’aider.
«Les formations gratuites que nous comptons organiser au profit d’écoles publiques, sauf appuis extérieurs, seront une opération entièrement financée par BrainStation. Notre start-up a aussi une dimension sociale qui a été voulue dès le départ. Nous croyons que la base de tout pays qui se veut développé, c’est une éducation de qualité accessible à tous», confie l’entrepreneur.
Le système éducatif ivoirien, estime Christian Boa, est à la traîne par rapport à d’autres pays, surtout en matière de technologie.
«Si on se veut compétitif, c’est encore le moment d’agir, il n’est pas trop tard. Aujourd’hui, tout ce qu’on consomme en matière de technologie nous vient d’ailleurs. Pourtant, il y a un potentiel immense en Côte d’Ivoire, il m’est arrivé à plusieurs reprises de rencontrer de jeunes gens qui ont des projets qui défient l’imaginaire. Malheureusement, il n’existe pas de plateforme pour qu’ils puissent exprimer leur talent», déplore-t-il.
Selon une étude publiée en 2017 par Dell et l’Institut pour le futur, 85% des métiers de 2030 n’existent pas encore. Le Forum économique mondial ajoute que 65% des enfants qui entrent au primaire exerceront des métiers qui n’existent pas encore et ces métiers seront, entre autres, dans le domaine du numérique, de l’intelligence artificielle ou de la robotique.
«BrainStation donne progressivement aux enfants les compétences nécessaires pour embrasser plus tard des métiers comme roboticien ou développeur de jeux vidéo. À ce propos, la plupart des gens l’ignorent, mais l’industrie des jeux vidéo est plus importante que la musique et le cinéma réunis. Elle a brassé en 2018 dans le monde un chiffre d’affaires de 120 milliards de dollars», explique l’entrepreneur.
Dans sa stratégie d’action, BrainStation met l’accent autant sur les filles que sur les garçons. Une façon de faire évoluer la pensée collective qui veut que le codage et la robotique soient des activités essentiellement masculines. D’ailleurs, la start-up est composée d’une équipe de deux femmes et deux hommes.
Le fondateur de BrainStation est pleinement convaincu d’avoir un rôle à jouer dans le développement de la Côte d’Ivoire. Un développement qui commence par revoir les fondamentaux de l’éducation.