Elle est un visage de la féminisation du milieu numérique en Afrique. Arielle Kitio fait partie de la classe encore très rare des femmes africaines passionnées du digital. À 26 ans seulement, la jeune dame a déjà remporté de nombreux prix nationaux et internationaux. Arielle est lauréate du prix Afrique innovante 2018 décerné par la fondation Norbert-Segard, vainqueur du grand prix de l’innovation PMExchange 2017 au Cameroun, Pitch HUB Africa 2018, Prix Orange de l’Entrepreneur Social 2017, Meilleur projet d’Éducation et d’Apprentissage au World Summit Awards 2017.
Arielle a aussi reçu le prix du Top 7 des projets entrepreneuriaux lors du Youth Connekt Africa de Kigali décerné par la CNUCED en juillet 2017. Depuis novembre 2016, elle est mentor certifié décerné par Mentoring Standard USA, Tech Women Emerging leader 2016 décerné par l’Institute of International Education (IIE) et le département d’État américain, pour ne citer que ces récompenses. Auréolée de ces nombreuses couronnes, cette reine du code informatique qui aime à partager sa passion raconte la genèse de cette folle aventure digitale à Sputnik.
«Un peu plus jeune, mon ambition n’était pas de poursuivre dans les sciences, je voulais être magistrat. C’est le système d’orientation scolaire qui a conduit à mon insertion dans les séries scientifiques et je ne le regrette pas. J’ai beaucoup aimé la physique, un peu moins la chimie, j’ai aimé les mathématiques, d’ailleurs à mon arrivée à l’université je voulais me spécialiser en physique mais un heureux hasard m’a redirigé vers l’informatique», se souvient-elle au micro de Sputnik.
«J’ai véritablement commencé dans le numérique autour de 2012 en rejoignant des communautés comme Google Developers Group, Women Techmakers et bien d’autres. Ce sont des initiatives qui avaient pour ambition de vulgariser l’utilisation des technologies par le grand public, la maîtrise des technologies de pointe, avec un point d’honneur sur les femmes, pour ce qui est des communautés Women Techmakers par exemple», nous confie la codeuse.
«J’avais remarqué que les filles étaient moins dynamiques, moins volontaires, moins à l’aise dans tout ce qui était pratique liée à la technologie. Je me suis rendue compte, en m’agrégeant à des communautés qui contribuaient à démystifier la science pour ces jeunes filles-là qu’il serait plus éclairé et plus sage de débuter leur initiation dès le bas âge. Débuter à l’université c’est un peu comme soigner un mal au seuil plutôt qu’aux racines, puisque c’est depuis le primaire et le secondaire qu’elles font face à des problèmes avec tout ce qui est technique, tout ce qui est handzone dans la science et la technologie, c’est dans ce sens que nous avons opté pour l’encadrement des jeunes des écoles primaire et du secondaire», explique-t-elle au micro de Sputnik.
«Tout a commencé avec le mentoring de quelques jeunes filles dans des compétitions internationales pour ce qui est du codage (c’est la programmation informatique, qui permet l'écriture des programmes pour développer des logiciels, ou page Web). De fil en aiguille, on s’est rendu compte qu’on créait le même problème. En ne formant que des filles, on excluait les jeunes garçons qui avaient aussi besoin de cette initiation. Donc nous sommes allés vers des formations beaucoup plus inclusives, mais il demeure que 60% de nos formations sont dédiées à la jeune fille», relate Arielle au micro de Sputnik.
Deux ans seulement après son lancement, son centre affiche des résultats impressionnants. Plus de 6.500 enfants formés à travers le monde et plus d’un million de lignes de codes écrites par les élèves. Sa startup a mis sur pied plusieurs logiciels à l’instar de «ABC code» certifié par l’Union africaine et l’Unesco. Des succès doublés de récompenses qui motivent la jeune dame.
«Ce qui me motive aussi à continuer dans ce projet c’est la satisfaction et l’évolution des jeunes apprenants que nous encadrons. Lorsque je lis dans les yeux d’un de ces enfants la capacité et la volonté ardentes de s’affirmer, je me dis qu’il y a de bonnes raisons de poursuivre notre action. Lorsque je vois des parents se réjouir des réalisations de leurs enfants avec notre encadrement, cela me conforte dans l’idée que nous permettons aux enfants africains et camerounais de s’outiller convenablement pour créer de la valeur grâce à la technologie. La maîtrise de la technologie demande deux choses: le cerveau et Internet. Lorsqu’un enfant se dit déjà "j’ai la capacité, je veux" c’est la chose la plus importante parce qu’il pourra trouver tout ce dont il a besoin pour se perfectionner sur Internet», dit-elle satisfaite du chemin parcouru.
«Des parents et des écoles étaient réticents à notre offre de formation. Ils n’avaient pas une idée précise de ce qu’est la créativité, ce que c’est qu’une formation personnalisée. Certains parents estiment qu’il n’y a pas une urgence véritable à imprégner leurs enfants à l’école du numérique, étant donné que ces derniers vont à l’école. De ce fait, ils trouvent des raisons diverses pour repousser l’échéance (du début de la formation pour leurs enfants) à plus tard. Et pourtant l’école et le diplôme ne sont pas forcément synonymes de compétence», commente la codeuse au micro de Sputnik.
«Nous sommes à l’œuvre actuellement pour la mise sur pied d’un kit qui permettra aux enfants d’acquérir des connaissances dans le domaine des nouvelles technologies (robotique, mathématiques, sciences, technologies, arts) de manière autonome sans Internet. Le dispositif en question est physique, doté d’une bande dessinée, d’une clef USB, d’un circuit électronique. Ce kit a une capacité de 32 gigaoctet de ressources éducatives puisées dans Wikipédia, IBM entre autres. Aussi, nous travaillons à la mise sur pied d’une plateforme de e-learning d’ici septembre 2019», relate-t-elle.
Du haut de ses multiples réalisations, cette geek qui veut démystifier l’univers informatique auprès du grand public s’accroche toujours à son principal cheval de batailles.
«Je milite pour qu’il y ait plus de femme dans le domaine de la technologie. Ce n’est pas un combat. Mon initiative n’est pas sexiste, elle concerne tous les jeunes. Je voudrais que chaque jeune fille qui s’intéresse à la science n’ait pas de stéréotype, n’ait pas à subir la pression sociale ou sa propre pression à elle-même. Je ne souhaite surtout plus qu’une fille se dise qu’un homme ferait mieux qu’elle. J’aimerais que chaque jeune fille soit au courant des opportunités qu’elle peut facilement saisir, qu’elle ne manque pas de les saisir du fait d’une appréhension ou sous l’influence de la société, mais que ce soit le fait de sa volonté», conclut-elle au micro de Sputnik.