La démission forcée du Président bolivien ne s’explique peut-être pas par le désir des États-Unis de mettre la main sur les riches réserves de lithium du pays, mais sans doute par leur volonté d’en finir pour de bon avec l’industrialisation de cet «or blanc», estime dans un entretien à Sputnik l’économiste mexicain Oscar Ugarteche.
L’annulation du contrat de mise en exploitation de la Saline Uyuni — signé en 2018 par l’entreprise allemande ACI Systems (ACISA), spécialisée dans le développement de l’énergie durable, avec la société publique bolivienne Yacimientos del Litio Bolivianos (YLB) — a été l’une des premières conséquences de la déstabilisation de la Bolivie après l’élection présidentielle du 20 octobre 2019. Aux termes du contrat, 51% de l’exploitation conjointe devaient revenir à la Bolivie, contre 49% pour l’Allemagne qui devait investir 1,3 milliard de dollars pour la construction de quatre usines destinées à élaborer différents sous-produits, dont le carbonate de lithium et le chlorure de potassium, et à fabriquer des batteries. L’industrialisation de l’or blanc devait débuter en 2022.
Quel rôle pour le lithium dans le coup d’État?
Les réserves en lithium de la Saline Uyuni, qui s’étend sur près de 11 kilomètres carrés, sont évaluées à 10 milliards de tonnes, soit un tiers des réserves mondiales.
Par ailleurs, sous la présidence d’Evo Morales, la YLB a signé un autre accord, cette fois avec le groupe chinois Xinjian Tbea Group, pour la mise en exploitation des marais salins de Coipasa, à la frontière avec le Chili et de Pastos Grandes, près de la frontière nord-ouest de l’Argentine.
«Il faut attendre pour connaître le sort du contrat que la Bolivie a conclu avec la Chine. Je pense qu’il sera lui aussi résilié sous peu. […] Ainsi, le gouvernement bolivien, avec à sa tête Jeanine Avez [sénatrice qui s’est proclamée Présidente par intérim, ndlr], arrête de facto la promotion de l’énergie propre en Europe et en Chine», relève M.Ugarteche.
Qui derrière le coup d’État?
Pour l’économiste mexicain, tout comme dans leur guerre commerciale avec la Chine, où les États-Unis s’appliquent à bloquer la promotion de technologies propres et à empêcher le changement du modèle énergétique mondial, Washington s’oppose à toute participation étrangère pour le développement de l’énergie propre sur le continent américain.
«Les Américains n’ont pas d’intérêts économiques, mais géopolitiques en Bolivie qui se situe au cœur du continent. […] Sous Morales, ils ont perdu leur contrôle sur le pays et s’emploient à présent à le rétablir», constate l’expert.
Par ailleurs, il rappelle que le gouvernement d’Evo Morales a mené une politique économique atypique qui lui a permis d’enregistrer des résultats inédits. Le PIB du pays a quadruplé, alors que le taux de pauvreté de la population est passé de 32% à 15%.
«Critiquer ce modèle économique signifie critiquer une alternative réelle pour le continent. […] Le gouvernement d’Evo Morales a obtenu un succès économique et permis un progrès considérable dans un pays de l’hémisphère ouest, totalement soumis aux États-Unis, chose que Washington ne veut pas admettre», résume Oscar Ugarteche.
La Bolivie possède d’importantes réserves de lithium, métal alcalin incontournable pour la fabrication de batteries de téléphones portables et de voitures électriques, et les plus importantes réserves d’eau salée du monde. Les marais salants servent à l’évaporation de l’eau pour séparer les sels de lithium. Avec environ 85% des réserves de lithium dans le monde, la Bolivie fait partie avec l’Argentine et le Chili du «Triangle du lithium». Ces réserves présentent des conditions d’exploitation uniques avec des coûts de production bien inférieurs à ceux des combustibles fossiles.