Le coup d’envoi du Black Friday, ou vendredi noir, a été donné par les commerces. Impossible d’y échapper à moins d’être un ermite. Avec la multitude de panneaux publicitaires, de spots radios et de newsletters, les enseignes ont mis le paquet pour attirer les clients. Un effort payant puisque selon l’institut GfK, environ deux tiers des consommateurs français de 15 ans et plus ont l’intention d’acheter un produit lors du Black Friday. Ils sont d’ailleurs prêts à dépenser 230 euros en moyenne à cette occasion.
Une préoccupation désormais politique
Des inquiétudes partagées par une partie de la classe politique. La ministre de la Transition écologique Élisabeth Borne a alerté lundi 25 novembre contre «la frénésie de consommation» et la pollution que génère cette opération commerciale. Les députés ont enfoncé le clou en adoptant dans la nuit de lundi 25 au mardi 26 novembre un amendement interdisant les campagnes de promotions Black Friday. Portée par Delphine Batto, députée non-inscrite et ancienne ministre de l’Écologie, l’amendement doit être encore examiné dans l’hémicycle à partir du 9 décembre. Celui-ci permettra notamment d’intégrer la publicité du Black Friday aux «pratiques commerciales agressives», passibles d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300.000 euros
Pour le député Matthieu Orphelin (ex-LREM), proche de Nicolas Hulot, «Le “Black Friday” célèbre un modèle de consommation antiécologique et antisociale».
Amendement adopté, à une large majorité, pour lutter contre les pratiques abusives du #BlackFriday ! Stop à la surconsommation et aux communications qui trompent les consommateurs. Bravo @delphinebatho ! #EconomieCirculaire #directAN pic.twitter.com/TbfwuHlma7
— Matthieu ORPHELIN (@M_Orphelin) November 25, 2019
Les militants écologistes sur le qui-vive
Un constat que partagent par les militants écologistes et qu’ils n’hésitent pas à dénoncer par le biais d’actes de désobéissance civile. Ce vendredi 29 novembre, des membres d’ATTAC et de Greenpeace ont décidé de «s’attaquer» à Amazon en bloquant le siège français du géant du numérique.
🔴 #EnDirect | « #BlockFriday»: les militants @attac_fr occupent un lieu stratégique d’ #Amazon à #Paris#VendrediNoirPourAmazon
— Sputnik France (@sputnik_fr) November 29, 2019
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À la Défense, ce sont les militants de Youth for Climate France et Extinction Rebellion (XR) qui ont investi le centre commercial des Quatre-Temps pour alerter sur les dérives du capitalisme qui contribuent au réchauffement climatique.
Les militants écolos accrochent une banderole avec l’inscription: «Brûlons le capitalisme, pas le pétrole» dans le centre commercial des 4 Temps à la Défensehttps://t.co/6rGFi7NdtA@Youth4Climatefr @xrFrance #BlockFriday #BlackFriday #4Temps #LaDéfense pic.twitter.com/AvHEN6Inuu
— Sputnik France (@sputnik_fr) November 29, 2019
Jeudi 28 novembre, des dizaines de militants ont, quant à eux, brièvement bloqué un centre de distribution du géant Amazon en région parisienne. Entre 50 et 100 membres des groupes ANV-COP21 et Les Amis de la Terre ont ainsi installé des bottes de paille et formé des barrages humains devant le centre de Brétigny-sur-Orge (Essonne) pour dénoncer les pratiques de la multinationale américaine.
Des motivations expliquées par Alma Dufour des Amis de la Terre sur le plateau de Russeurope Express, l'émission d’économie politique de Jacques Sapir et Clément Ollivier:
«Amazon c’est la plus grande multinationale, première capitalisation boursière, [865 milliards de dollars, ndlr] même si elle est le miroir de ce que font d’autres entreprises, elle va plus loin et plus vite que les autres. À ce titre, elle est un vrai danger.»
Et d’ajouter,
«On veut sensibiliser le grand public, lui faire passer un message, mais ça va au-delà. On a un vrai blocage de la part de l’État qui refuse de prendre son rôle de régulateur. C’est aussi à lui que l’on s’adresse en appelant à un “vendredi noir” pour Amazon où le mot d’ordre est de perturber plus ou moins fortement l’activité de la multinationale.»
Pour les militants des différentes associations, les griefs contre Amazon sont multiples. Selon un rapport publié par ATTAC, les Amis de la Terre et l’Union syndicale Solidaires, le géant américain n’est ni plus ni moins qu’un «désastre écologique, social et fiscal»:
«On estime que pour un emploi créé par la firme de Jeff Bezos, deux emplois sont détruits dans le secteur commercial. Les salariés d’Amazon, dont de nombreux intérimaires, enchaînent des tâches cadencées par les algorithmes de leurs scanners.»
Et de poursuivre:
«Dans ses nouveaux entrepôts, ils deviennent des auxiliaires de 100.000 robots de préparation des commandes. Et, bientôt, les livreurs, déjà nombreux à être ubérisés, pourront être remplacés par des drones.»
Des attaques réfutées par Amazon qui dans un tweet rappelle qu’«avec plus de 9.300 emplois en CDI en France d’ici la fin de l’année, nous sommes devenus un employeur majeur et notre marketplace a permis de créer des milliers d’emplois supplémentaires au sein des petites et moyennes entreprises qui vendent sur notre site.»
Les marques s’engagent, argument marketing ou engagement écoresponsable?
De nombreuses enseignes prennent le contrepied des «hyper promotions», appelant à une «consommation raisonnée» pour le Black Friday. Simple argument marketing ou véritable engagement politique, près de 700 marques ont rejoint le collectif «Make Friday Green again» afin de sensibiliser leur clientèle aux enjeux d’une consommation responsable. C’est le cas d’enseignes comme Le Slip Français, Faguo ou encore Hast Paris qui dans un post Instagram rappelle son leitmotiv:
«Consommer moins, et investir dans des vêtements de qualité, que vous allez porter longtemps, se renseigner avant d’acheter, voilà ce que nous encourageons au quotidien. Alors ce vendredi, tout n’est pas permis!»
Des alternatives qui pourraient changer les habitudes des consommateurs. Selon le baromètre de la consommation responsable 2019 GreenFlex-Ademe, près de neuf français sur dix aimerait vivre dans une société où la consommation prendrait moins de place. 27% d’entre eux estiment que la priorité est de réduire leurs achats en général, alors qu’ils n’étaient que 14% en 2017.