Un édito de Jacques Sapir à retrouver en podcast dans l’émission Russeurope Express du 28 novembre.
Il s’agit, pour les organisateurs de cette initiative, de prendre prétexte de ce jour de promotions exceptionnelles pour nous interroger sur le modèle économique qui sous-tend Amazon.
Le géant américain s’est développé en jouant sur l’attrait pour la facilité, mais aussi sur les économies d’échelle qu’engendre une course effrénée à la taille la plus grande. De fait, la multinationale a vendu plus de 11 milliards de produits l’année dernière. Ses prix bas et ses promotions quotidiennes poussent à la surconsommation, et les conséquences écologiques sont désastreuses.
«Mettre le monde à votre porte»
En dépit des récentes promesses de Jeff Bezos sur les énergies renouvelables ou la compensation de ses émissions, le bilan en termes de pollution est tout à fait catastrophique. Il va d’ailleurs au-delà de la simple firme Amazon. Celle-ci, tout comme les entreprises qui l’imitent, est très dépendante d’internet. Or le développement du commerce en ligne est une catastrophe sur le plan écologique, qu’il s’agisse de la hausse de consommation électrique engendrée par un usage constant d’internet, ou de la hausse de consommation de carburant qui se cache derrière la promesse de «mettre le monde à votre porte». Les GAFA sont désormais parmi les grands pollueurs mondiaux.
Jacques Sapir et Clément Ollivier reçoivent Alma Dufour, militante de l’association Les Amis de la Terre, et Anaïs Henneguelle, membre des Économistes atterrés et maîtresse de conférences à l’université Rennes 2.
Mais le désastre est aussi social. Le modèle économique d’Amazon repose sur une baisse constante des coûts. On estime que pour un emploi créé par l’entreprise de Jeff Bezos, deux emplois sont détruits dans le secteur commercial. Les salariés d’Amazon, dont de nombreux intérimaires, enchaînent des tâches cadencées par les algorithmes de leurs scanners. Dans les nouveaux entrepôts, ils deviennent de simples auxiliaires des quelques 100.000 robots de préparation des commandes.
Ainsi, la firme de Seattle cible des bassins d’emploi sinistrés pour s’implanter à moindre frais. Mais les emplois promis par Amazon conduisent à l’aveuglement des élus et des membres des gouvernements, qui préfèrent couper des rubans plutôt que de s’interroger sur la disparition de milliers de commerces de proximité, pourvoyeurs d’emplois et de lien social partout en France.
Annuler une taxe en faveur des sans-abris
Enfin, il y a un désastre fiscal, qui fait partie du modèle même des GAFA, et qui est particulièrement évident avec Amazon. Échapper à l’impôt et aux contraintes légales est une véritable obsession pour son patron Jeff Bezos. En bonne multinationale, Amazon déclare artificiellement ses profits dans des paradis fiscaux comme le Luxembourg, en Europe, ou le Delaware aux États-Unis, un État fédéré connu pour sa législation fiscale particulièrement… «accommodante». En France, Amazon a annoncé unilatéralement qu’elle répercuterait la modique taxe GAFA sur ses fournisseurs. Ce sont donc eux, et non la plateforme, qui devront en assumer le coût. À Seattle, la ville de son siège, Amazon est allé jusqu’à faire annuler une taxe sur les multinationales en faveur des sans-abris, pourtant votée à l’unanimité par le conseil municipal.
On le voit, derrière l'apparente modernité des GAFA, c'est un monde ancien qui transparaît, et qui n'est pas sans rappeler le XIXe siècle: celui d'un capitalisme sauvage et sans principes, bref celui des «barons-brigands» américains.
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