Fresques médiévales de la ville russe de Novgorod: la participation fructueuse d'une équipe française

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En mission à Novgorod, dans le nord-est de la Russie, des spécialistes du Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) ont étudié plusieurs sites datant du Moyen Âge et partagé leur expérience avec leurs confrères russes. Stéphanie Duchêne, membre de l’équipe française, s’est confiée à Sputnik sur les résultats de cette collaboration.

L’une des plus importantes villes de la Russie ancienne, Novgorod-le-Grand (Velikiy Novgorod) attire les chercheurs du monde entier par ses sites historiques uniques. Les spécialistes du Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) n’y ont pas fait exception. Au cours de la mission qu’ils ont effectuée entre le 8 et 11 octobre, ils ont pu examiner plusieurs monuments et partager avec leurs confrères russes leur expérience de l’utilisation de différents instruments d’analyse mobile.

Contactée par Sputnik, Stéphanie Duchêne, chimiste au Pôle Peintures Murales et Polychromie du LRMH, a raconté les détails de cette mission organisée dans le cadre d’un accord franco-russe conclu en 2018.

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Mme Duchêne a notamment travaillé sur des fresques réalisées par Théophane le Grec (v.1350-v.1410) dans l’église de la Transfiguration-du-Sauveur-sur-Iline (Spas na Ilinié) ainsi que sur des fragments de peintures murales détruites pendant la Seconde Guerre mondiale conservés au Centre de restauration de peintures murales Antonovo.

Une mission «extrêmement enrichissante»

Mme Duchêne a précisé que, même s’il y avait eu plusieurs missions préparatoires, il s’agissait de la première mission de «collaboration effective» avec des spécialistes russes.

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«Nous avons beaucoup travaillé. Nous avons montré à nos confrères russes comment on peut utiliser les appareils d’analyse sur site. Nous avons répondu aux questions tant des restaurateurs que des conservateurs. Notre mission a été extrêmement enrichissante. Nous avons rencontré des gens très intéressants, nous avons été très bien accueillis. Nous étions une dizaine de Français de différents laboratoires et nous nous accordons tous à dire que cette mission était vraiment formidable».

Une méthode spectroscopique

L’étude des fresques de Théophane le Grec, maître d’Andreï Roublev (v.1370-1428), a donné à Mme Duchêne l’occasion de présenter à ses confrères russes un LIBS ou Laser Induced Breakdown Spectroscopy, un instrument de spectroscopie qui permet de faire de l’analyse élémentaire.

«J’ai montré ce que pouvait être la caractérisation sur site. Dans l’église de la Transfiguration, les peintures que les fouilles ont permis de mettre au jour sont évidemment dans un état assez précaire. Nous avons voulu identifier les matériaux, puis les états de conservation. Nous cherchons à établir si les pigments ont viré parce qu’il y a eu des traitements ou parce qu’il y a eu un incendie dans l’église, etc.»
© Photo Stéphanie Duchêne Stéphanie Duchêne analysant à l'aide du LIBS une icône du XIVe siècle de l'école de Novgorod (aujourd'hui conservée au Musée russe)
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Stéphanie Duchêne analysant à l'aide du LIBS une icône du XIVe siècle de l'école de Novgorod (aujourd'hui conservée au Musée russe)

La méthode permet notamment, poursuit la spécialiste, de différencier les matériaux d’origine des matériaux de restauration pour ainsi garder la trace de l’histoire de l’œuvre et ne pas intervenir là où ce n’est pas nécessaire.

«Concernant la caractérisation, c’est-à-dire de mon domaine de spécialité, nous avons pu montrer à quel point la collaboration, la coopération entre instituts est importante. En France, on dit souvent: "tout seul, on va plus vite, mais à plusieurs, on va plus loin". Je pense que cette maxime est en l’occurrence très pertinente. […] Développer ces instrumentations portables permet souvent de pouvoir échanger avec les restaurateurs sur site, de pouvoir vraiment interagir et de répondre de manière plus adéquate aux questions qui peuvent être posées. Il me semble que cette mission nous a donné la possibilité de nous en convaincre une fois encore», a-t-elle ajouté.

La technique de Théophane le Grec

Même si le rapport exposant les résultats de la mission ne doit paraître qu’au mois de janvier prochain, Mme Duchêne a fait part à Sputnik de ses impressions relatives à l’étude des fresques de Théophane le Grec.

«Il est essentiel de comprendre la technique de Théophane le Grec, qui est un artiste qui a beaucoup travaillé dans la région de Novgorod. La qualité des peintures murales, même après des bombardements, un ensevelissement, des fouilles archéologiques, est incroyable. Elles sont d’une très grande qualité et témoignent d’une très grande maîtrise de la technique de la peinture murale», explique la spécialiste.
© Photo Stéphanie Duchêne Stéphanie Duchêne analysant à l'aide du LIBS des fresques de Théophane le Grec dans l’église de la Transfiguration-du-Sauveur-sur-Iline à Novgorod
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Stéphanie Duchêne analysant à l'aide du LIBS des fresques de Théophane le Grec dans l’église de la Transfiguration-du-Sauveur-sur-Iline à Novgorod

D’après elle, l’un des objectifs est de déterminer avec précision quels pigments Théophane le Grec a utilisés, car certains ne sont pas présents dans la région de Novgorod.

«Cela signifie qu’il s’agit de pigments qui venaient d’ailleurs. Établir l’origine de ces matériaux présente un intérêt particulier pour les archéologues qui pourront ainsi retracer les circuits de commerce et d’échanges. […] J’ai travaillé dans une abside où un trône est représenté sur l’un des murs. On voit que les pigments utilisés sur le trône ne sont pas les mêmes que ceux utilisés en décoration murale pour des parties peut-être un peu moins nobles. Ces choix sont très intéressants. Comme ce sont des peintures qui n’ont pas beaucoup été travaillées à notre époque, elles témoignent d’autant mieux de la mise en œuvre de Théophane le Grec», a-t-elle conclu.
Les travaux de restauration

Tout en soulignant qu’elle n’était pas elle-même restauratrice, Mme Duchêne a tenu à souligner combien elle avait été impressionnée par les méthodes de restauration utilisées par des spécialistes du Centre de restauration de peintures murales Antonovo. Celui-ci possède une collection considérable de fragments et il y est possible de travailler en laboratoire.

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«Je travaille avec des restaurateurs, mais je n’ai pas leur savoir. Mes connaissances m’ont toutefois permis de comprendre combien la méthode de remise en place des peintures murales développée au centre Antonovo est incroyable. Plus d’un million de fragments de peintures murales sont minutieusement étudiés pour être réassemblés. C’est vraiment incroyable. Cette méthode qui a été développée pour reposer des peintures murales sur des voûtes, c’est-à-dire des surfaces qui ne sont pas planes, est réellement exceptionnelle».

Et d’ajouter:

«J’ai travaillé en Italie sur des peintures murales qui avaient été bombardées pendant la Deuxième Guerre mondiale. On repose systématiquement sur des supports-plans. Ces méthodes qui ont été développées, comme je crois le savoir dans ce centre de Novgorod, sont particulièrement intéressantes».
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