Dans un arrêté rendu public lundi dernier, le gouvernement burkinabè a détaillé les nouveaux prix à la pompe dans diverses localités du pays. À Ouagadougou, la capitale, le litre du super est passé de 657 à 670 francs CFA (+13 francs) et le litre du gasoil 571 à 580 francs CFA (+9 francs). Toutefois, c’est à Arly, dans le sud-est du Burkina Faso, qu’on enregistre les prix les plus élevés avec 700 francs pour le super et 610 francs pour le gasoil.
Depuis le début de l’année 2019, le gouvernement fait face à des contestations sociales tous azimuts. Notamment dans le secteur de la santé où, depuis avril, les hôpitaux publics tournent au ralenti en raison d’une grève des agents qui dénoncent leurs conditions de vie et de travail.
Le 16 septembre dernier, la police a promptement dispersé à l'aide de gaz lacrymogène une marche de protestation à l’appeld’organisations syndicales et de la société civile dont la Confédération générale du travail (CGTB) et le Mouvement burkinabè des droits de l'homme et des peuples (MBDHP).
Cette marche visait, entre autres, à exiger du gouvernement des meilleures conditions de vie pour les populations et des actions efficaces de lutte contre le terrorisme.
«C’est un fait, il y a actuellement, au sein de la société burkinabè, une grogne perceptible à tous les niveaux. Sur le plan économique, rien ne va. Le monde des affaires est paralysé. La pauvreté ambiante gagne du terrain», a confié au micro de Sputnik Moussa Zerbo, député à l’Assemblée nationale et porte-parole de l’Union pour le progrès et le changement (UPC), le principal parti de l’opposition.
La crainte du député est que, dans l’immédiat, «cette augmentation ait à son tour un impact sur le coût du transport comme sur celui des produits de consommation courante et qu’au final, ce soit le consommateur qui en souffre».
«Même si la hausse n’avait été que d’un franc, cela n’aurait rien changé. Le fait est que la vie est déjà suffisamment chère pour qu’on en rajoute une couche. La situation que traverse le Burkina est difficile pour tous, alors que chacun porte sa croix! Le peuple porte déjà la sienne, que le gouvernement en fasse autant. Le pays était déjà en crise à l’arrivée au pouvoir des autorités actuelles qui ont martelé qu’elles pouvaient nous en sortir, alors qu’elles le fassent», s’insurge l’étudiante en quête d’emploi.
Comme de nombreux jeunes Burkinabè, Solange Ky peine à trouver un emploi et enchaîne les stages précaires et les concours nationaux à l’issue plus qu’incertaine.
«Les concours de la fonction publique, c’est vraiment n’importe quoi. J’ai passé le 20 octobre dernier le concours de greffier, nous étions 1.500 pour 70 places. Et sinon, pour tous les concours directs d’accès à la fonction publique, nous sommes plus d’un million pour 5.800 postes», poursuit-elle.
Son désarroi est également partagé par Marylène Kéré, diplômée en commerce et marketing, pour qui la frustration des Burkinabè, en particulier des jeunes, est «légitime».
«Nous, jeunes, avions tellement espéré du Président Roch Kaboré – qui s’est présenté comme l’homme providentiel après la chute de Blaise Compaoré. Nous voilà à l’horizon 2020 et toujours rien pour la jeunesse. Pas d’emplois et pas de ressources pour nous permettre d’entreprendre. Rien ne va. Et comme si tout ceci ne suffisait pas, il y a les terroristes qui sèment la mort dans le pays et les forces de défense et de sécurité sont sous-équipées pour leur faire face», déplore-t-elle au micro de Sputnik.
Le lien possible entre la hausse des prix du carburant et la lutte contre le terrorisme
Pour de nombreux internautes, cette hausse des prix du carburant sonne comme la «dernière trouvaille» du gouvernement qui a besoin des ressources financières pour endiguer la montée en puissance des groupes djihadistes dans le pays. Une hypothèse que rejette le député Moussa Zerbo.
«Le gouvernement n’a avancé aucune raison officielle pour justifier cette hausse. Dans l’hypothèse où elle intervient dans l’optique de soutenir la lutte contre le terrorisme, il aurait, au préalable, fallu sensibiliser le peuple. Je suis convaincu que dans ce cas, c’est volontairement que les Burkinabè y auraient adhéré», déclare-t-il.
La situation sécuritaire est toujours aussi préoccupante au Burkina Faso, où les offensives armées imputées par les autorités à des groupes djihadistes se succèdent à un rythme effréné. Et le nombre de morts et de déplacés internes ne cesse d’augmenter.
Depuis 2015, les attaques armées ont fait plusieurs centaines de morts, tant du côté des forces de défense et de sécurité que des civils. Et à la mi-octobre 2019, le nombre de déplacés s’élevait à près de 500.000.
Face aux critiques acerbes de l’opposition, Me Bénéwendé Sankara, président de l’Union pour la renaissance/Parti sankariste (UNIR/PS), membre de la majorité présidentielle, avait déclaré en septembre, au micro de Sputnik, «qu’il n’est pas sûr que, dans des circonstances similaires, l’opposition puisse faire mieux».
«Ses propos n’engagent que lui. Comment peut-on préjuger de l’attitude de quelqu’un qu’on n’a pas vu dans une posture? Pour l’heure, ce n’est pas l’opposition qui tient les rênes du pays mais bien eux. Et le peuple attend d’eux qu’ils nous disent ce qu’ils ont comme solution à nos problèmes», a réagi Moussa Zerbo.
Pour ce qui les concerne, les Burkinabè commencent à tourner leurs regards vers la présidentielle de 2020 et les alternatives qu’elle a à leur offrir.