Au Burkina Faso, le feu récurrent des djihadistes dégrade encore plus la situation humanitaire

© REUTERS / Joe PenneyOuagadougou, capitale de Burkina Faso
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La situation humanitaire au Burkina Faso se dégrade inexorablement au gré des attaques armées toujours plus nombreuses et meurtrières. Près de 300.000 déplacés internes et 1,2 million de personnes en insécurité alimentaire sont à déplorer. Des organisations internationales, comme le CICR, réclament davantage de moyens. Décryptage.

Au Burkina, les offensives armées imputées par les autorités à des groupes djihadistes se succèdent désormais à un rythme effréné. Le nombre de morts aussi. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), le pays compte en septembre 2019 près de 300.000 déplacés internes et 1,2 million de personnes en insécurité alimentaire.

Le dimanche 8 septembre, sur l’axe Dablo-Kelbo, l’attaque d’un convoi humanitaire transportant des vivres à destination de déplacés dans la région du Centre-Nord a fait quatorze morts. Quinze autres personnes sont décédées quand leur camion de transport a heurté une mine sur la route Barsalogho-Guendbila.

Au total, en une seule journée, pas moins de 29 civils ont été tués et plusieurs autres blessés lors de ces deux incidents qui se sont produits dans la même région.

Auparavant, une autre offensive avait choqué tout le pays. Le 19 août dernier, l’attaque coordonnée de plusieurs groupes armés, qui visait le détachement militaire de Koutougou (province du Soum, nord du Burkina), a occasionné la mort de 24 soldats burkinabè.

L’attaque de Koutougou n’a toujours pas été officiellement revendiquée mais elle serait, selon des médias burkinabè, une action menée par le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM) fondé en mars 2017 et dirigé par le malien Iyad Ag Ghali.

Cet énième revers de l’armée burkinabè, le plus cuisant vis-à-vis des djihadistes, a provoqué un mouvement d’humeur dans le camp militaire Guillaume-Ouédraogo de Ouagadougou. Dans la nuit du jeudi 22 au vendredi 23 août, des tirs de colère effectués par des soldats burkinabè stationnés dans la caserne ont, momentanément, plongé la capitale dans la panique. Aucun blessé n’a été à déplorer.

Dans un pays en proie à des attaques récurrentes, la psychose du terrorisme règne désormais.  Une rumeur persistante annonçant sur les réseaux sociaux l’instauration à compter du lundi 9 septembre d’un couvre-feu à Ouagadougou a ainsi dû être démentie par le ministère de la Sécurité.

Des défis humanitaires qui ne cessent de croître

Depuis 2015, le Burkina est sous le feu de groupes djihadistes venus pour la plupart du Mali. Ceux-ci ont vraisemblablement décidé, à compter de 2017, de «réorienter» leurs actions dans ce pays voisin où ils ont trouvé un terreau propice, face à une armée burkinabè qui manque de ressources et qui n’a pas la maîtrise de son territoire.

Tant les forces de défense et de sécurité, les civils, que les communautés religieuses sont indistinctement les cibles de ces groupes le plus souvent non identifiés.

En dix mois, du 1er janvier au 10 août 2019, l’ACLED (Armed Conflict Location & Event Data Project), une ONG de collecte et d’analyse de données sur les violences armées et politiques, a recensé pas moins 313 attaques armées au Burkina Faso. C’est largement plus que les 190 enregistrées sur toute l’année 2018.

Au cours de ces 313 offensives, au moins 88 éléments des forces de défense et de sécurité (soldats, gendarmes, policiers, forestiers, etc.) et 276 civils ont été tués.

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Au Burkina Faso, une urgence humanitaire sans précédent

Toutes ces attaques, mais aussi les menaces d’offensives, occasionnent des déplacements massifs de populations. Le nombre de personnes déplacées, selon OCHA, est passé de 50.000 en décembre 2018 à 160.000 en mai 2019, pour atteindre les 300.000 début septembre.

Ces déplacés ont trouvé refuge dans des communautés hôtes ou sur des sites dans les régions du Sahel, du Nord, de l’Est, du Centre-Nord, mais aussi dans la capitale, Ouagadougou. Par ailleurs, 2.024 écoles sont actuellement fermées (contre un peu plus d’un millier en mai), une situation qui prive plus de 330.000 enfants (contre environ 146.000 en mai) d’un accès à l’éducation. 

Selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui est l’une des organisations humanitaires les plus importantes opérant au Burkina Faso, 1,2 million de Burkinabè sont actuellement en insécurité alimentaire et plus d’un demi-million sont privés de soins de santé ou ont le plus grand mal à se faire soigner.

«Des milliers de familles d’éleveurs et d’agriculteurs sont désormais dans l’impossibilité de survenir à leurs besoins. En plus de l’insécurité alimentaire, il y a un problème d’accès aux soins de santé qui est actuellement très sérieux dans le pays», déplore au micro de Sputnik Steven Anderson, le coordinateur communication pour le CICR, dans la délégation régionale basée à Abidjan, qui couvre huit pays, dont le Burkina Faso.

En 2019, 125 centres de santé ont été affectés par des attaques armées. Soixante ont fermé et 65 ne sont plus que «partiellement opérationnels». Devant la dégradation de la situation humanitaire au Burkina Faso, le CICR envisage de «renforcer d’ici à 2020 ses structures et moyens dans le pays», selon Steven Anderson.

«Ici, au Burkina Faso, nous sommes une simple mission et dépendons donc de la délégation régionale qui est basée à Abidjan. Pour 2020, nous prévoyons – mais cela reste à confirmer – un doublement du budget qui est actuellement de 5,5 millions de dollars. Dans ce cas, la mission au Burkina Faso deviendra une délégation à part entière jouissant d’une autonomie pour ses activités», poursuit Steven Anderson.

Pour faire face aux défis humanitaires croissants au Burkina Faso, le CICR ainsi que d’autres organismes continuent d’en appeler au déboursement de l’aide internationale promise.

Sur les 187 millions de dollars requis pour l’assistance humanitaire au Burkina Faso en 2019, seulement 30%, soit 55,6 millions de dollars, avaient été perçus au 31 août dernier.

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