L’étonnante remontada des souverainistes québécois aux élections fédérales canadiennes

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Selon les sondages, le Premier ministre sortant canadien, Justin Trudeau, a de bonnes chances d’être réélu à l’élection du 21 octobre prochain. Des projections qui détonnent avec la remontée du Bloc québécois, un parti défendant la souveraineté du Québec à Ottawa. Le Bloc, que l’on croyait sans avenir, pourrait surprendre. Analyse.

Les souverainistes québécois reviendront-ils en force à Ottawa le 21 octobre prochain? C’est loin d’être improbable, selon les projections très suivies du site Québec 125. Maintenant deuxième au Québec dans les intentions de vote (24%), le Bloc a le vent en poupe, derrière les Libéraux de Trudeau (34%) et devant les Conservateurs (19%). À l’échelle fédérale, les Libéraux ont environ 70% des chances être reconduits au pouvoir.

D’après les mêmes chiffres, le Bloc pourrait faire élire 22 députés à la prochaine élection, alors qu’il n’en compte actuellement que 10 à Ottawa. Avant le début de la campagne, les projections prévoyaient un nombre de 13 députés bloquistes. L’arrivée du nouveau chef du parti, Yves-François Blanchet, n’est pas étrangère à ces récents succès.

Une remontée spectaculaire?

L’élection d’une vingtaine de députés permettrait au Bloc d’aspirer à redevenir la grande formation qu’il a été par le passé. Fondé en 1991 par l’ex-Premier ministre québécois Lucien Bouchard, le Bloc a déjà réussi à faire élire 54 députés en 1993 et en 2004. En 1993, il avait même réussi à former l’opposition officielle à Ottawa, un coup de tonnerre dans l’histoire canadienne. Les grandes députations du Bloc ont toujours été perçues comme un véritable affront du Québec par une partie du Canada anglais. Parti souverainiste, le Bloc est souvent considéré comme une menace pour l’unité canadienne.

Des analystes estiment même que le Bloc pourrait obtenir une place de faiseur de roi. Si aucune majorité claire ne se dégageait du scrutin, il pourrait alors être le parti-pivot sans lequel il serait impossible de former une coalition gouvernementale. Le vote des députés bloquistes sur les projets de loi deviendrait alors déterminant pour la survie du gouvernement. Ce scénario commence à inquiéter les défenseurs de l’industrie pétrolière de l’Alberta, qui souhaitent que l’on achemine le pétrole de l’Ouest vers l’Est afin qu’il soit exporté vers d’autres pays.

De fait, le Bloc a promis de s’opposer à tout projet de construction d’oléoduc passant sur le territoire québécois. Une position calquée sur celle du Premier ministre québécois François Legault, pour qui «il n’y a aucune acceptabilité sociale» pour un tel projet. Les bloquistes ont d’ailleurs choisi de se présenter comme un parti plus vert que les Verts canadiens, une stratégie qui semble aussi porter ses fruits. Yves-François Blanchet n’hésite pas à parler de «pétrole sale» pour critiquer cette industrie.

Le Bloc québécois, parti souverainiste... et écologiste

Arborant le slogan «Le Québec, c’est nous», le Bloc profite surtout de la grande vague nationaliste initiée au Québec par le gouvernement Legault. Yves-François Blanchet a souvent fait valoir que son parti porterait la voix de l’Assemblée nationale du Québec à Ottawa, notamment sur la question de la laïcité. Dans la Belle Province, le climat politique est effectivement marqué par le regain du nationalisme.

La loi québécoise sur la laïcité de l’État est devenue un thème central de la campagne fédérale, même dans d’autres provinces du pays, où elle ne sera évidemment pas appliquée. Après avoir hésité et entretenu le flou sur la question, Justin Trudeau affirme maintenant clairement qu’il fera contester la loi devant les tribunaux s’il est réélu. Rappelons qu’environ 70% des Québécois soutiennent la Loi 21.

«Ce que les Québécois ont voulu à Québec, on n’ira pas le détruire à Ottawa. […] Les demandes de François Legault étaient déjà dans le programme du Bloc, parce que c’est la convergence naturelle des positions nationalistes. […] Tous les partis fédéralistes sont opposés à ce qu’est l’essence même des valeurs actuelles à l’Assemblée nationale du Québec», déclarait Yves-François Blanchet dans une entrevue accordée le 19 septembre dernier à Radio Canada.

Cette possible renaissance du Bloc pourrait d’autant plus surprendre qu’il n’avait obtenu que quatre sièges à l’élection de 2011. Un score qui avait faire dire à de nombreux observateurs que le parti était à l’agonie. À la suite de cette élection, le Bloc québécois avait perdu son statut de parti officiel au parlement fédéral, et par le fait même son budget de recherche et son droit de parole minimal.

Aux dernières élections fédérales de 2015, le parti a réussi à faire élire 10 députés, mais a ensuite été déchiré par de graves conflits internes. Contestant le leadership de Martine Ouellette, son ancien chef, certains députés bloquistes avaient même démissionné avant de revenir au bercail. Le 11 juin dernier, Mme Ouellette a elle-même été contrainte de démissionner après avoir essuyé une pluie de critiques. La perspective du succès contribuera-t-elle à remettre de l’ordre dans les rangs bloquistes?

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