La région de Ghomrassen, dans le sud-est tunisien, confirme son statut de capitale indétrônable de la science-fiction. Les amateurs de Star Wars y viennent souvent se délecter des paysage lunaires ayant servi de décor, en 1977, au premier épisode de la saga hollywoodienne. Les moins cinéphiles viennent visiter les six grottes préhistoriques qu’abrite la région afin d’y découvrir les joyaux de l’art rupestre du Néolithique. Sans compter les vestiges de l’Empire romain, comme cette muraille vieille de 2000 ans, ou encore ces villages antiques, et parfois quelques fossiles de dinosaures! Autant de curiosités bien connues dont regorge cette région méridionale de la Tunisie. Mais comme si tout cela ne suffisait pas à rameuter les touristes, une bien étrange statue avait surgi de terre.
Des photos sont prises et, rapidement, le monument devient la risée de la Toile un peu partout dans le pays. «Il n’y a pas une œuvre qui représente mieux la situation actuelle», ironise un internaute, en référence au résultat du premier tour de la présidentielle, face auquel un certain nombre de Tunisiens s’apprêtent à faire un choix difficile. «Finalement, on nous a installé la statue de [X, ndlr] dans un rond-point» ricane un autre, en citant le nom d’un candidat à la présidentielle particulièrement controversé.
«Tu manges un couscous à Kairouan, tu le chies à Ghomrassen»
«Une crotte à Ghomrassen, œuvre de la mairie tenue par les islamistes», croit déduire cet autre internaute.
Cette page dédiée à la ville de Ghomrassen déplore «un scandale», et s’en prend à la mairie et à l’artiste. «Nous sommes désormais mis à l’index!»
La désapprobation des habitants est telle que de jeunes Ghomrassnis ont procédé, dès le lendemain de son installation, à la «profanation» de la sculpture. Devant la polémique suscitée par l’œuvre d’art, la mairie, mais aussi le sculpteur qui en est l’auteur, ont dû s’expliquer.
«Je me suis porté volontaire pour réaliser ce travail, qui s’inscrit dans une campagne de propreté organisée par la mairie. L’idée était d’attirer l’attention sur les effets néfastes de ces déchets en plastique sur l’environnement, et dont la dégradation dans la nature prend du temps. Nous sommes étouffés par ces bouteilles en plastique, et on peut en faire bon nombre de choses!», a déclaré Zid Assal, en regrettant que la plupart des retours sur les réseaux sociaux soient négatifs.
La mairie de Ghomrassen a tenu à préciser sur sa page Facebook, -sans doute aussi pour mettre un terme aux moqueries sur les réseaux sociaux-, que la réalisation de cette sculpture s’inscrivait dans le cadre des Journées du volontariat, avec le concours de la société civile. À cette occasion, il a été procédé au ramassage de déchets en plastique, au nettoyage et à la décoration de certaines rues de la ville, etc. Des actions menées de pair avec une campagne de sensibilisation puisque «la propreté de la ville est de notre responsabilité à tous», précise l’équipe municipale dans un post publié sur sa page Facebook.
«639 tonnes de déchets en plastique sont jetées chaque année à Ghomrassen»
«Les habitants de Ghomrassen sont-ils condamnés à troquer la pollution environnementale contre de la pollution visuelle?» lâche cruellement cet internaute. Un jugement un peu trop sévère de l’avis de quelques connaisseurs, qui estiment que cette œuvre célèbre, au-delà de son caractère engagé, «l’esthétique de la laideur».
«Le sculpteur Zid Assal s’était-il rendu coupable d’une faute? C’est juste une œuvre artistique, sujette à critique. Ça s’arrête là.»
«Le sculpteur international Zid Assal (…) a transmis un message sur la nécessité de faire davantage attention au règne de la laideur et des déchets dans notre vie. La sculpture était faite pour provoquer, sans plus. Elle n’était même pas achevée, d’ailleurs. Le tour du monde qu’a fait l’information, en moins de 24 heures, les condamnations qu’elle a suscitées, prouvent le rôle (positif) joué par Facebook», insiste cet ami du sculpteur.
Une réunion associant conseil municipal et société civile a été convoquée, pour le lundi 30 septembre, afin d’envisager les suites à donner à cette affaire. Des indiscrétions ne laissent planer aucun doute sur l’intention des responsables locaux de faire enlever la sculpture. Car si la mairie a donné le temps à la polémique de se calmer, au bout de plusieurs jours, il est difficile de laisser pisser davantage le mérinos…