Parcourir 200 km dans les Alpes en uniforme du XVIIIe siècle et reconstituer une bataille pour commémorer le 220e anniversaire de la dernière campagne militaire du célèbre généralissime russe Alexandre Souvorov, tel est la mission du projet Souvorov 220 lancé en septembre par un groupe de passionnés de plusieurs pays, a indiqué à Sputnik Boris Megorski, l’un des organisateurs.
Se mettre à l’épreuve pour être digne de ses ancêtres
Les participants, qui ont entamé leur parcours le 23 septembre à Airolo et comptent passer par plusieurs cols alpins dont ceux du Saint-Gothard, du Chinzig Chulm et du Panix, avant le 3 octobre, suivent les traces de l’armée de Souvorov «en chaussures inconfortables et en uniforme inconfortable de l’époque» et par la même saison, a indiqué à Sputnik Maxime Gouzevitch, un participant français au projet qui réside à Genève.
«C’est une épreuve extrême, un défi des siècles passés. Pouvons-nous le relever? Les Russes d’aujourd’hui, sont-ils capables de faire ce que leurs ancêtres ont fait? Au moins par un temps de paix», se sont demandés les organisateurs sur leur site officiel.
Selon Boris Megorski, 39 passionnés, des Russes, des Britanniques, un Français et un Suisse, se sont préparés pendant des mois à cet événement dans l’Oural, les régions de Moscou et de Novgorod en Russie, ainsi qu’à Neuchâtel, en Suisse.
«Nous n’avons pas l’intention de répéter le calendrier des mouvements de l’armée de Souvorov, mais la distance en kilomètres est la même. Par exemple, le 25 septembre, nous avons parcouru 22 km. Nous ne voulons pas non plus reproduire le manque de nourriture dont ont souffert les soldats de Souvorov en 1799. Nous mangeons assez pour avoir des forces pour la campagne», a précisé M.Megorski.
Du corned-beef et… du chocolat
«Nous avons du corned-beef et des craquelins de seigle, mais nous essayons de manger mieux [que les soldats de 1799, ndlr] car nous sommes des gens plus modernes et notre projet ne prévoit pas la mort d'épuisement, la diarrhée ou de nombreuses autres pertes possibles hors de combat», a avoué M.Gouzevitch.
80 reconstitueurs attendus à la bataille de Muotathal
Le 28 septembre, les amateurs d’Histoire reconstitueront la bataille de Muotathal qui a vu s’opposer des milliers de Russes et autant de Français entre le 27 septembre et le 4 octobre 1799 dans le canton de Schwytz.
«Ce sera une bataille intéressante. Nous essayerons de montrer la tactique de l’infanterie de ligne et des chasseurs», a raconté à Sputnik M.Megorski.
Le groupe russe est composé de deux unités: celle des mousquetaires du régiment d’Apchéron de l'armée impériale et une vingtaine de chasseurs du régiment du général Bagration.
D’après Maxime Gouzevitch, qui fait partie des chasseurs, la reconstitution de la bataille de Muotathal réunira en outre près de 40 Français et Suisses.
«Fait curieux, les Français ne sont pas trop nombreux à reconstituer leur propre Histoire […]. Et les rôles des Français ne sont pas très souvent interprétés par des Français», a-t-il ajouté.
Pendant la marche, cinq Russes ont représenté les soldats de l’Armée révolutionnaire française, selon lui.
«Nous avons très bien communiqué avec les Russes, qui ont joué le rôle des Français. Nous les avons invités à boire un verre avec nous, avant de commencer à les régaler avec nos baïonnettes. Ce sont vraiment des gars sympas», a-t-il déclaré.
Rendre hommage aux soldats morts des deux côtés
Pendant la traversée des Alpes, les passionnés entendent commémorer les soldats morts pendant la campagne de 1799.
Ils ont notamment participé à des cérémonies au col de Saint-Gothard, au mémorial de Souvorov, dans la commune d’Andermatt.
La cérémonie du mémorial Souvorov mêlant «des caractéristiques culturelles, politiques et religieuses» en présence de quatre prêtres orthodoxes de la Suisse italienne et romande, de Zurich et de l’Italie, a précisé à Sputnik Jan Borgnini, un membre de la communauté orthodoxe du Tessin, qui vient tous les ans au col du Gothard.
«Cette cérémonie avec les autorités suisses et russes n’est pas simplement une tradition mais une amitié qui unit deux pays aux histoires différentes. Nous connaissons le général Souvorov en tant que soldat doté d'une intelligence, d'une humanité et d'un courage considérables. Naturellement, le sentiment de fierté laisse aussi la place à l’honneur des morts, tant d’un côté que de l’autre», a indiqué M.Borgnini.
Le projet Souvorov 220 est organisé par la fondation pour la renaissance et la protection de la culture russe Derjava et plusieurs clubs russes d’Histoire militaire avec le concours du Musée russe de Saint-Pétersbourg.