Né au Cameroun il y a 28 ans, Philippe Nkouaya est le fondateur de Phil John Technologies, une entreprise qui propose des solutions numériques aux sociétés et particuliers. Une startup qui veut s’imposer sur le marché du big data, que l’on présente aujourd’hui comme l’or noir du numérique. Nanti d’un diplôme en management des systèmes d’information obtenu au Cameroun, il quitte le pays pour compléter sa formation à la 3iL Academy de Limoges, une école supérieure d’informatique française.
Contrairement à de nombreux jeunes Camerounais qui ne rêvent que de s’installer définitivement en Europe pour bénéficier d’un meilleur écosystème entrepreneurial, Philippe Nkouaya, qui a cumulé quelques années d’expérience dans le monde de la data (données informatiques) au sein des groupes Sanofi Pasteur et Business & Décision en France, a choisi de revenir au Cameroun. Philippe va fonder sa propre entreprise, en compagnie de ses amis à Douala, sa ville natale:
«Si j’ai décidé de revenir m’installer au Cameroun en 2016, c’est parce que j’étais bien accompagné avec des collaborateurs enthousiastes. Nous souhaitions mettre au service du continent africain nos compétences dans le domaine de la Business Intelligence et le big data [données numériques, ndlr]. Avec l’évolution des Technologies de l'information et de la communication [TIC, ndlr] dans le monde, je me suis rendu compte que l’Afrique avait besoin de profiter de ces innovations qui facilitent la vie des utilisateurs au quotidien», confie Philippe Nkouaya au micro de Sputnik.
Un pari que le jeune entrepreneur va tenir en lançant officiellement début 2018 Phil John Technologies. Son entreprise propose notamment la dématérialisation des documents en faisant usage du data management. Une idée qui a germé dans son esprit à l’issue d’une expérience malheureuse de l’un de ses proches.
«L'un de mes proches a subitement réalisé qu’il perdait 5.000 € par semaine dans son commerce. Comme il pilotait son entreprise à distance, il y a découvert d’importantes divergences entre le statut de ses comptes en temps réel et les rapports qu’il recevait. Grâce à l’installation d’un tableau de bord montrant en temps réel tous les indicateurs de performance clés de son entreprise, il est alors passé de 200.000 € de pertes annuelles à un gain considérable de l’ordre de 40.000 €. Ayant observé cela, nous avons mené une étude de marché pour évaluer la similarité de la récurrence de ce problème dans les entreprises africaines et camerounaises, en particulier, et nous avons pu à chaque fois renverser la tendance», explique-t-il au micro de Sputnik.
«La non utilisation de ces outils modernes d’aide à la gestion des entreprises équivaut à un énorme déficit de réactivité, de productivité et d'efficacité, dans le développement et la croissance des organisations. Nous avons décidé de nous lancer dans le domaine du business intelligence [informatique à l’usage des décideurs et dirigeants d’entreprises, ndlr] et big data, afin de permettre aux responsables de prendre la bonne décision, au bon moment, avec les bonnes informations, car les conséquences et les risques sont de plus en plus importants en fonction de la nature des données», souligne-t-il.
Ce spécialiste des data, qui sont des données informatiques précieuses pour les entreprises, est aujourd’hui à la tête d’une équipe de 30 collaborateurs, «30 data enthousiastes», comme il aime les appeler, sélectionnés pour prêcher la bonne nouvelle de l’utilité de la collecte et de l’exploitation des données informatiques auprès des entreprises.
«Nous sommes 30 data enthousiastes qui proposons au quotidien des solutions business intelligence et big data, afin de permettre aux entreprises de gagner en temps, d’économiser de l’argent et de maitriser leurs activités. C’est notre challenge de tous les jours», assure-t-il au micro de Sputnik.
Pour développer son activité et la faire connaitre, l’entrepreneur camerounais souhaite lever 700.000€, une somme qui servira à la construction du premier centre d’analyse en business intelligence et big data en Afrique centrale. Elle doit également permettre de renforcer le positionnement de l’entreprise sur le marché du digital dans la sous-région Afrique centrale.
«Nous nous sommes engagés dans l’entrepreneuriat, l'innovation et l'entreprise inclusive tant au niveau de la formation qu’à celui de la recherche. Cette démarche nous a déjà permis de former plus de 20 stagiaires au sein de l’entreprise en 2018, et plus de 500 jeunes entre 2017 et 2018 dans l’entreprenariat. Pour une parfaite couverture du continent, nous envisageons la multiplication de nos points de contact avec les clients à travers toute l’Afrique», poursuit-il.
La production musicale en plus du big data
Une vision qui a poussé ce passionné de l’entrepreneuriat à vouloir rivaliser avec les grandes entreprises internationales. Les challenges, le jeune homme les a d’ailleurs affrontés très tôt en lançant à 20 ans sa première entreprise: Hope Music Group, une maison de production musicale qui a pignon sur rue au Cameroun et dans la sous-région.
«Nous vendons des compositions musicales (Beat) et produisons également des artistes locaux bien connus. À ce jour, nous détenons 60% du marché de la distribution musicale en Afrique Centrale. Certains de nos artistes occupent encore la tête des classements dans les hits parades. Nous y mettons beaucoup de passion et de détermination», confie-t-il au micro de Sputnik.
«Avant de se lancer, il est important de se demander ce que l’on apporte comme innovation dans le secteur d’activité et le marché que l’on désire conquérir. Je pense aussi particulièrement qu’un entrepreneur doit toujours garder la tête haute. Croire en lui, à son projet et à l’avenir, c’est fondamental», insiste-t-il.
Alors que le continent accuse encore un retard dans la collecte et l’exploitation des données numériques dû au manque d’infrastructures adaptées, les entrepreneurs du domaine du big data comme Philippe Nkouaya espèrent vulgariser la pratique et en faire un outil déterminant, au cœur des décisions managériales des entreprises africaines. Y parviendront-ils? Pour les experts du domaine, cela ne fait aucun doute en raison des besoins énormes. L’accès au financement pour ces pionniers du numérique sera toutefois déterminant pour savoir en combien de temps la révolution du big data aura transformé l’Afrique.