Mais cette question n'est manifestement pas close car elle semble déjà «opportune» pour certains politiciens américains.
Compte tenu de la situation économique au Groenland-même, de l'incapacité du Danemark à développer son immense région autonome et de l'impossibilité de l'UE d'y participer économiquement et politiquement, la région devra tôt ou tard se doter d'un «propriétaire responsable» des actifs locaux, écrit le site d'information Vestifinance.
C'est pourquoi les autorités danoises (et du Groenland-même) seront contraintes de décider entre vendre et exploiter. Et il se peut que le choix soit fait au profit de la première option. Même si ce sera bien des années après Donald Trump, qui pourra tout de même entrer dans l'histoire américaine en tant qu'initiateur de la transaction.
- A première vue, on comprend pourquoi il sera difficile d'acheter le Groenland indépendamment de la somme. Premièrement, les ventes de territoires n'ont pas été pratiquées dans le monde depuis plus de 100 ans (les États-Unis ont acheté en 1803 la Louisiane à la France, en 1867 l'Alaska à la Russie, en 1917 les Indes occidentales danoises au Danemark pour les renommer Îles Vierges). Mais l'échec économique de certains pays dans l'exploitation des territoires et l'expansion des affaires d'autres pourront encore placer certains gouvernements face au choix «vendre ou perdre». Sachant que les gouvernements qui ne seront pas prêts à vendre pourraient perdre le pouvoir avant le territoire. Et après cela, suite à l'effondrement du pays ou au séparatisme soutenu par un riche investisseur, les territoires intéressant ce dernier seront de toute façon détachés. Et dans le cas du Groenland, dont l'autonomie a été considérablement élargie en 2009, la séparation de l'ancienne métropole ne nécessitera aucune manifestation séparatiste s'accompagnant de violences et pourrait se produire par référendum, qui sera d'abord reconnu par les États-Unis puis sera transformé en processus de création d'un nouvel État.
- Deuxièmement, dans un pays vraiment démocratique il est difficile de s'imaginer que l'idée de vente des territoires puisse être soutenue par l'électorat. Mais si le gouvernement le voulait, il serait possible d'acheter ce dernier - même l'électorat riche d'un pays prospère. Et pour cela il ne faudrait pas forcément proposer à la population beaucoup d'argent, mais plutôt expliquer que le développement et tout simplement le maintien du contrôle d'un territoire gigantesque nécessiteront de nouvelles dépenses (le budget du Groenland est déjà financé au deux tiers par le Danemark) et de nouveaux impôts. Or les dépenses augmenteront à cause du nombre grandissant de problèmes écologiques, du reflux de la population (qui se maintient depuis 1990 à hauteur de 56.000 habitants et se réduit de facto à cause du chômage et des départs pour travailler à l'étranger).
- Troisièmement, sans pratiquement rien produire, en exportant seulement du poisson et sans exploiter de minerais (les réserves pétrolières sont immenses mais la production n'est pas rentable dans un avenir prévisible), à première vue, le Groenland dépend effectivement du Danemark. Mais d'après les statistiques, le commerce de la région est surtout rattaché à sa métropole, mais pas à l'UE (quittée en 1985 par le Groenland, jugeant qu'il était plus bénéfique d'obtenir de l'UE des revenus annuels pour la pêche dans ses eaux). Près de 55% des exportations (poisson et fruits de mer) partent au Danemark, 15% en Chine et jusqu'à 10% en Russie. Les importations d'environ 600 millions de dollars (navires, avions et pièces détachées, matériaux de construction et nourriture) proviennent également en grande partie des compagnies danoises, mais dans la mesure où ce montant n'est pas très important les importations pourraient être réorientées sur les États-Unis à tout moment.
Ainsi, il n'existe aujourd'hui aucune raison fondamentale qui empêcherait le passage pacifique de cette autonomie quasiment indépendante sous la juridiction des États-Unis. Il serait plus intéressant de voir quels facteurs pourraient contribuer à cette transaction. Il seraient politiques, financiers et démographiques.
Le Danemark est un allié américain de longue date. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Groenland avait été placé sous contrôle américain, poursuit Vestifinance. Aujourd'hui, cela se traduit par un régime de travail favorable, sur le territoire du Groenland, de la base américaine la plus septentrionale et par l'entrave, économiquement néfaste pour le Danemark mais bénéfique pour les États-Unis, à la construction du gazoduc Nord Stream 2. Copenhague ne doit pas examiner la question de la «vente» pour ne pas désappointer son allié par un refus et ne pas engendrer une crise dans les relations avec l'autonomie. Il suffirait d'entamer de longues négociations sur la location du territoire du Groenland (par exemple, sur 99 ans). De tels précédents sont bien connus (de Hong Kong, dont la location s'est terminée, à la location «partielle» du Svalbard à l'URSS, qui n'était plus rentable mais aurait pu progressivement devenir «permanente» si le locataire avait eu les forces et les moyens pour cela). Il serait facile pour Washington de verser non pas au Danemark mais à l'autonomie une somme proche du PIB du Groenland (environ 1 milliard de dollars par an) en échange du droit de créer des entreprises, une infrastructure, un système fiscal et légal selon ses propres normes. Après quelques dizaines d'années d'exploitation de la région et un décuplement de la population, au prochain référendum personne ne voudrait rompre l'accord de location et la question de l'unification avec les Etats-Unis se réglerait d'elle-même.
«Nouvel ordre mondial»
L'initiative de Donald Trump n'est pas un signe de son inadéquation, qui a été immédiatement pointée par certains politiciens européens, mais une conséquence inévitable de l'établissement du «nouvel ordre mondial» et de la mondialisation. Les processus d'intégration d’États et de changement du rapport de forces étaient principalement déterminés par la dynamique de leur PIB et du commerce international. Aujourd'hui, cela représente de plus en plus un facteur des finances internationales. La Fed et le Trésor américain au lieu des canons: c'est ainsi que l'on pourrait décrire la méthode contemporaine d'expansion de «l'espace vital» américain.
Même si le prix de la location et de l'exploitation du Groenland coûtait des dizaines de milliards de dollars au budget américain dans les années à venir, et le futur achat des centaines de milliards de dollars, cet argent ne sera pas très notable sur la toile de fond des autres dépenses budgétaires (rien que la charge de la dette publique américaine actuelle dépasse 600 milliards de dollars).
Il serait plus facile de faire valider de telles dépenses par le Congrès que quelques milliards pour la construction d'un mur à la frontière avec le Mexique (une question de politique nationale). Il serait facile d'imprimer des obligations pour financer la location (l'achat) du Groenland, d'autant qu'il est possible de faire participer au financement de cet événement fatidique le capital privé - du capital-investissement (private equity) aux fonds de capital-risque.
Il sera très simple de justifier l'importance politique de l'acquisition et des dépenses au Congrès en parlant non seulement de la nécessité de lutter contre les menaces étrangères en Arctique, mais également en citant des exemples concrets de «pénétration chinoise» au Groenland (la promotion d'équipements chinois bon marché pour la communication et les aéroports au Groenland via les appels d'offre gouvernementaux locaux et ainsi de suite).
La transaction, si elle avait lieu (sous forme de location à l'étape actuelle), ouvrirait de nouvelles opportunités aussi bien pour les États-Unis dans l'expansion de leur influence sur l'économie non seulement des voisins les plus proches (pas seulement du Canada et de la Russie, mais également de l'Islande, qui se retrouverait sous une influence bien plus forte des États-Unis que de l'UE), mais aussi pour les compagnies américaines qui se rapprocheraient ainsi des frontières de l'UE. Cela entraînerait la révision de nombreux accords sur les bio-ressources maritimes, l'exploitation du plateau maritime de l'Arctique et du Nord de l'océan Atlantique.
La démographie deviendra indéniablement un facteur primordial de l'éventuelle absorption. L'exemple de l'Islande voisine montre que l'absence d'un afflux de population dans ce petit pays (même si la population de l'Islande est 25 fois plus nombreuse qu'au Groenland) entraîne une réduction de la population, un reflux de cadres compétents et des problèmes médicaux. En Islande on parle notamment de la tendance au départ des jeunes hommes pour travailler aux États-Unis, sans trouver un substitut à ce reflux. La population peu nombreuse du Groenland pourrait être dissoute dans l'afflux de main d'œuvre américaine, mais être sauvée de la disparition.
Précédent important pour d'autres pays
Si cette transaction avait lieu (probablement sous la forme d'une location à long terme), elle constituerait un précédent important pour d'autres pays. De nombreux États pourront se référer à cet exemple positif de développement territorial et mettre en location des terrains, par exemple aux Chinois.
Existe-t-il des menaces militaires pour la Russie dans l'absorption du Groenland? Cette question s'adresse aux experts militaires. Mais de telles menaces pour la Russie résident probablement déjà dans le secteur économique (qui doit être pris en charge non seulement par des méthodes monétaires standards, mais également par une planification à long terme) et démographique, car plusieurs régions du nord de la Russie se distinguent du Groenland uniquement par leur éloignement des États-Unis et un niveau de vie très bas, conclut le site.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.