Annoncé en grande pompe à l’automne 2018 par le Premier ministre, le programme «bienvenue en France» prévu pour la rentrée 2019 avait pour but d’attirer plus d’étudiants étrangers (500 000 à l’horizon 2027 contre 320 000 aujourd’hui). Selon les établissements concernés, c’est pourtant l’inverse qui s’est produit. Les inscriptions d’étudiants étrangers ont diminué de 30 à 50 % dans les universités françaises pour la rentrée 2019. En cause, la hausse des frais d’inscriptions liée au programme. Une hausse qui a découragé de nombreux candidats en provenance de l’étranger dont les dossiers ont pourtant été acceptés.
Les inscriptions des étudiants étrangers dans les universités françaises ont baissé de 30 à 50% #BienvenueEnFrance https://t.co/Kyxijh5Ir9
— David Fofi (@davidfofi) August 14, 2019
2770 euros contre 170 euros auparavant pour une inscription en licence, 3 770 euros contre 243 euros par le passé en master. Cela représente 16 fois le prix que payent les étudiants français et européens. Calquée sur le modèle nord-américain, cette différenciation des frais d’inscriptions entre étudiants européens et étudiants extraeuropéens est contestée. Au-delà des premiers concernés, une large partie de l’opposition, les syndicats étudiants ainsi que certains présidents d’université dénoncent un programme insidieux. Ceux-ci voient dans ce programme la mise à l’écart des étudiants venant de pays en voie de développement.
Mais assumez le hashtag #dehors plutôt que le cynique #BienvenueEnFrance quand vous interdisez de facto la venue d'étudiants africains en leur imposant des frais d'inscription prohibitifs. @EPhilippePM, vous faites honte à la tradition et à la vocation de l'université française. https://t.co/7AQg1BGM2U
— Benoît Hamon (@benoithamon) November 20, 2018
Qu’en pensent les étudiants d’origine extraeuropéenne en cette rentrée 2019? Pour ceux que nous avons interrogés, c’est une réforme difficile à digérer:
«Pour ma part je suis déjà inscrit dans un cycle d’études donc la mise en place de la réforme ne s’applique pas à moi. Ceci dit, rétrospectivement, je ne pense pas que j’aurais pu intégrer le programme de master dans lequel je suis si la hausse tarifaire des inscriptions s’appliquait à moi. Le coût de la vie est déjà très élevé en France, donc si on y ajoutait aussi plusieurs milliers d’euros de frais d’inscription, je ne pense pas que j’aurais pu venir étudier en France» explique Salah-Eddine, un étudiant algérien en master à l’université de Lille, contacté par Sputnik France.
Néanmoins, tous n’ont pas eu la chance de commencer un cycle d’études avant la mise en place du programme «bienvenue en France». Pour certains, c’est un obstacle qui a été ajouté aux conditions déjà difficiles des étudiants en France: prix du logement, coût de la vie, transports… Joint par Sputnik France, Zeynep, une étudiante d’origine turque auparavant étudiante à l’École normale supérieure-PSL, explique comment, à cause de ce programme, elle a dû renoncer à reprendre ses études interrompues peu avant en France:
«Pour moi, cette hausse de frais d’inscription des étrangers a été la goutte qui a fait déborder le vase. Mon expérience en tant qu’étudiante a été très négative en France et le fait de devoir payer des frais beaucoup plus important a mis un coup d’arrêt à mon parcours académique en France. C’est la raison principale qui a motivé mon départ».
Celle-ci a d’ailleurs eu la chance d’avoir pu achever un cycle d’études avant de décider de quitter la France. Ce n’est pas le cas des étudiants à l’étranger qui voulaient commencer un cycle à la rentrée 2019. Pour, Guedy Ehntoni-Ehouloung, étudiant congolais qui souhaitait venir étudier dans l’hexagone, l’augmentation des frais d’inscription l’a tout simplement empêché d’étudier en France:
«J’ai soumis trois candidatures à travers la procédure Campus France et j’ai reçu une acceptation à l’université d’Aix-en-Provence, mais je n’étais pas en capacité financière d’assumer la hausse des frais d’inscription, surtout si on y ajoute les frais de logement et le coût de la vie. J’ai dû renoncer à venir et France et je me suis rendu à Dakar où j’ai reçu une acceptation également et c’est là que j’étudie aujourd’hui», explique l’étudiant à Sputnik France.
Au-delà des étudiants, ce programme divise également les directeurs d’université, car il fait perdre toute attractivité à l’enseignement supérieur public français. En effet, à ce prix-là, de nombreux candidats préfèrent se diriger vers des écoles privées comme l’explique Fabien Desage, maître de conférences à l’université de Lille:
«Les étudiants étrangers vont aller dans une université privée plus prestigieuse qui va leur donner un titre plus valorisant pour la suite. À Lille, on n’est pas Harvard. Ça va jouer sur notre attractivité. Aujourd’hui, le fait que les frais de scolarité soient peu élevés nous rend attractifs.»
[#VeilleESR] Bilan universitaire 2018-2019, partie 2 : la hausse des frais d'inscription.#BienvenueEnFrance, DU, CMI... On fait le point sur ce qu'on trouve dans les poches des étudiants. https://t.co/ntbew1I2P4
— Julien Gossa (@JulienGossa) August 13, 2019
Pourtant, au moment de présenter ce nouveau programme, Édouard Phillipe justifiait cette hausse de tarifs par la nécessité d’attirer les meilleurs éléments uniquement pour la qualité de l’éducation et des établissements. Pour lui, il s’agit:
«d’opérer une forme de révolution pour que notre attractivité ne soit plus tant fondée sur la quasi-gratuité que sur un vrai choix, un vrai désir, celui de l’excellence», explique le Premier ministre.
Certaines universités se sont d’ailleurs vues accorder des exonérations de tarifs d’inscriptions à hauteur de 10 % a affirmé la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Contacté par Sputnik France, Zeidan Arby, jeune étudiant mauritanien souhaitant se rendre en France détaille sa situation pour la rentrée 2019:
«J’ai été doublement chanceux, car j’ai été accepté en licence à l’université Paris XIII, Villetaneuse — Bobigny — Saint — Denis et j’ai pu obtenir une exonération des frais d’inscriptions, ce qui n’est pas le cas de tous mes camarades ici en Mauritanie».