Les membres du groupe palestinien Abou Nidal soupçonné d’avoir perpétré le 9 août 1982 un attentat dans le restaurant juif Jo Goldenberg, dans le quartier du Marais, ont joui un temps après la tuerie de la possibilité de se réfugier en France sans risquer d'être poursuivis, à condition qu’ils ne se livrent à aucune action violente sur le territoire du pays.
Selon Le Parisien, un tel accord a été conclu entre le groupe armé et Yves Bonnet, à l’époque patron de la Direction de la surveillance du territoire (DST). M.Bonnet, en personne, l’a reconnu le 30 janvier dans le bureau du juge chargé d'enquêter sur l'attentat de la rue des Rosiers.
«On a passé une sorte de deal verbal en leur disant: Je ne veux plus d'attentat sur le sol français et en contrepartie, je vous laisse venir en France, je vous garantis qu'il ne vous arrivera rien», a-t-il alors indiqué, d’après Le Parisien.
Le haut fonctionnaire retraité a précisé que ce n’était pas lui qui négociait avec les membres de l’organisation, mais «ses collaborateurs». Toutefois, il a reconnu que «la responsabilité de l'accord» reposait sur lui. Quoiqu’il en soit, il ne s’agissait pas, d’après lui, des auteurs de l’attentat, mais de leurs «comparses».
Réaction des victimes
Si M.Bonnet prétend que l’accord avait pour but d’«assurer la sécurité des Français» et qu’il «a marché» car «il n'y a plus eu d'attentats à partir de fin 83 en 84 et jusqu'à fin 1985», les victimes se disent choquées par une telle révélation. «C'est une honte […] Imagine-t-on les services secrets négocier aujourd'hui avec Daech», estime Yohann Taieb, proche d'une des victimes. Pour Me Avi Bitton, avocat des parties civiles, il s’agit d’«une affaire d'État»
«Il faut qu'une enquête parlementaire soit créée et pas uniquement sur le dossier de la rue des Rosiers. De tels pactes ont-ils été noués avec d'autres organisations ? C'est possible lorsqu'on voit les agissements de l'entreprise Lafarge en Syrie», indique ce dernier, cité par le quotidien.
Quant à Yves Bonnet, il affirme que Gilles Menages, alors directeur de cabinet de François Mitterrand, était au courant de l’accord, mais qu’officiellement «l'Élysée ne savait rien».