«À la fin de cette année, les trois voiliers de la pêche russe commenceront une expédition unique autour du monde. Unique, car pour la première fois, les trois voiliers russes se rencontreront au point le plus proche de l’Antarctique», a déclaré ce matin aux journalistes Ilya Chesstakov, le chef de l’Agence fédérale russe de pêche.
Ce tour du monde est dédié au 75e anniversaire de la victoire de la Seconde Guerre mondiale.
«L’expédition se déroulera sous le drapeau de la Russie et portera les “voiles blanches de la paix” dans le monde entier», a souligné Ilya Chesstakov.
«Le voyage le plus difficile à faire est, bien sûr, pour Sedov, a déclaré Mikhaïl Novikov, le chef du département de la navigation et de la formation pratique de l’Académie de la flotte de pêche en Mer Baltique. Cette expédition durera plus d’un an. Si les conditions relatives à la glace le permettent, vers les 10-12 décembre il quittera Kronstadt, d’où le fameux voyage de Lazarev et Bellingshausen a commencé il y a 200 ans».
C’est un challenge de taille pour un bateau construit en 1921 à Kiel qui porte plus de 4.000 m2 de voilure. Et ce challenge est pris avec sérénité par Victor Nikoline, engagé à bord du Sedov depuis 15 ans, dont il est capitaine depuis novembre 2014. C’est peu de dire que le commandant expérimenté connait le navire comme sa poche.
«Il faut constamment garder l’œil ouvert, tout connaitre personnellement, rentrer dans le moindre détail de navigation et de la vie de l’équipage», confirme à Sputnik le capitaine de Sedov Victor Nikoline.
Malgré le fait «que les conditions de vie au quotidien sont dix fois meilleurs sur d’autres navires modernes», l’équipage du Sedov n’a pas hésité à s’engager sur un voilier centenaire. Peut-être par ce que l’ambiance à bord de ce bateau-école est spéciale? En effet, en plus des 58 personnes de son équipage permanent se trouvent 120 cadets d’écoles russes de la marine y suivent leur stage.
«Parfois, en plaisantant, je dis que c’est un navire de blancs-becs et du troisième âge, rit le capitaine, mais ils ne sont pas là par hasard. Notre équipage n’est composé que de ceux qui sont passionnés par la voile».
Pour le capitaine, issu d’une famille des militaires, qui a grandi dans un village-garnison loin de la mer, dans la région de Mourmansk, la voile a toujours fait partie de sa vie. Ce dernier a participé aux régates au niveau régional depuis le lycée. Victor Nikoline n’a jamais abandonné le rêve du grand large, ce qui fait qu’après son service militaire, il est entré à l’école de la Marine. Ça a scellé le destin du capitaine de Sedov.
«On peut dire que chaque marin a un bureau avec vue mer, rit le capitaine de Sedov. Mais contrairement aux bateaux à moteur, ici on ne connait pas la routine. Notre équipage ne peut que travailler comme un seul organisme. Même quand on donne des ordres, on utilise la première personne du pluriel — ʺprenons!ʺ, ʺlâchonsʺ, c’est très rare qu’on entende ʺprends!ʺou ʺlâche!»
Le capitaine de Sedov est certain que «la force du voilier réside dans le fait que tout l’équipage participe à sa gouvernance».
«C’est bien la première chose qu’apprennent les cadets — travailler ensemble, assure Victor Nikoline, cela nous distingue des bateaux modernes où certains corps de métier ne mettent jamais les pieds sur le pont».
«L’État doit prendre soin des bateaux-écoles, c’est la seule possibilité d’une vraie “école de mer” dans son essence historique, assure Victor Nikoline. Le cadet, une fois sorti de l’école de la marine, se retrouve dans le monde ʺ libreʺ, avec ce qui nous lui avons appris. Mais notre bateau a 100 ans, c’est l’âge respectable, et c’est une limite fragile de la vie d’un bateau».
Les conditions de vie à bord diffèrent dans leur côté confort des bateaux modernes, ce qui fait qu’«il n’y a pas foule» pour s’engager à bord d’un voilier chargé d’histoire. Quant à la navigation, la Convention, la protection et la préservation du milieu marin, tout devient de plus en plus «rigide». Le capitaine ne cache pas son «appréhension du jour où on annoncerait que la modernisation du bateau ne serait plus possible et, par conséquent, qu’il n’aurait plus le droit de prendre la mer».
Il en faut, néanmoins, plus de tempêtes législatives et naturelles pour faire peur aux marins aguerris:
«On se prépare de fond en comble pour le tour de monde. Les moteurs sont modernes, la partie mécanique est en bon état, confie à Sputnik le capitaine de Sedov. Désormais, on travaille sur les systèmes de survie, d’eau courante, d’air conditionné. Ce sont des travaux habituels entre les navigations et nous serons prêts».
Qui sait, peut-être nos lecteurs auront une possibilité un jour faire un bout du chemin à bord d’un voilier russe…