Cet été, avec les Gilets jaunes, le «Vrai débat» à l’assaut de vos boîtes aux lettres

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Acte 35 des Gilets jaunes à Paris - Sputnik Afrique
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Le Manifeste du Vrai débat, présentant 59 propositions issues d’une consultation nationale lancée par les Gilets jaunes, pourrait être diffusé en masse cet été. Le but? Que les mesures phares prônées par le mouvement trouvent un écho en dehors des cercles d'initiés. Priscillia Ludosky, l’une des initiatrices de l’action, s’est confiée à Sputnik.

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Priscillia Ludosky, figure «historique» des Gilets jaunes, s’interroge. Elle juge sévèrement le Grand débat national organisé par le gouvernement, qui a occupé les quatre premiers mois de l’année. Selon les chiffres officiels, un peu moins de deux millions de contributions en ligne et plus de 10.000 réunions locales ont fait remonter de nombreuses propositions, censées aiguiller le gouvernement. L’initiative a été très critiquée par plusieurs études qui remettent en cause ces chiffres et pointent une sociologie des participants très éloignée de celles des Gilets jaunes qui ont, sans surprise, lancé leur propre consultation. Intitulée «Le Vrai débat» et mise en place via une plateforme Internet et des réunions locales, elle a réuni «plus d’un million de votes sur 25.000 propositions postées», selon les organisateurs.

​Priscillia Ludosky et ses compères Maxime Souque et David Prost ont récemment publié «Le manifeste du Vrai débat», qui présente le top 59 des propositions issues de la consultation nationale à la sauce Gilets jaunes. Ils ont fait appel à «Books On Demand» (BoD), un prestataire de services qui permet de se faire publier sans passer par une maison d’édition.

«Nous avons voulu le rendre gratuit, mais la plateforme BoD ne permet évidemment pas de le faire et impose un prix minimum de vente de cinq euros afin que BoD et les auteurs se rémunèrent. Idem pour la version électronique, obligation minimum de prix de vente: 0,99 centime», explique Priscillia Ludosky.

Le manifeste fait désormais l’objet d’une campagne de communication, axée sur quatre points comme l’explique Priscillia Ludosky sur son profil Facebook:

• Adresser le lien d’achat à [nos] collègues, amis et autres connaissances non Gilets jaunes afin qu’elles puissent s’informer grâce à ce manifeste.

• Aller à la rencontre d’associations ou d’autres structures qui seraient prêtes à acheter en gros le manifeste pour leurs adhérents, étudiants, etc. …

• Acheter au moins un manifeste afin de le donner à un proche non informé, ou d’en acheter plusieurs et les mettre dans les boîtes aux lettres de nos voisins…

• Aller à la rencontre des libraires pour leur présenter le livre afin qu’ils puissent en acheter en gros en passant par la Sodis et ainsi les proposer à la vente au sein de leur boutique.

L’argent récolté grâce à la vente sera utilisé «pour acheter des manifestes qui seront distribués gratuitement dans les boîtes aux lettres de [nos] concitoyens». Sputnik France a contacté Priscillia Ludosky afin qu’elle nous en dise plus sur les modalités de cette campagne et sur l’avenir du mouvement. Entretien.

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Sputnik France: Votre ouvrage est intitulé Le Manifeste du Vrai débat. Le Grand débat organisé par le gouvernement était donc un faux débat?

Priscillia Ludosky: «Ce n’est pas ce que j’appelle un débat. Le cœur du problème concerne les contours de l’organisation. La Commission nationale du débat public (CNDP) a reproché plusieurs fois au gouvernement son opposition à respecter un certain processus, censé assurer l’impartialité et la neutralité de l’opération. Tout ceci a d’ailleurs été révélé par Mediapart, notamment via la publication de plusieurs courriels. La CNDP s’est retrouvée hors-jeu. La volonté de l’exécutif était simplement de mettre en place une grosse campagne de communication. Aujourd’hui, on ne sait pas vraiment ce qui est ressorti de ce Grand débat. Il y a peu de statistiques disponibles. Nous savons que cela a coûté 12 millions d’euros. Ce n’était pas un réel débat qui a fait ressortir des propositions claires.»

Sputnik France: Le Manifeste du Vrai débat présente un top 59 des revendications des Gilets jaunes. Pouvez-vous nous présenter quelques mesures phares?

Priscillia Ludosky: «Il y a quatre grands thèmes qui sont ressortis: les services publics, la fiscalité, l’écologie et la démocratie. Tous sont représentés dans les 59 propositions retenues. Nous proposons notamment la diminution des privilèges des élus, hauts fonctionnaires et membres de l’exécutif. Il y a bien évidemment la mise en place du référendum d’initiative citoyenne, le fameux RIC. Pas mal de revendications concernent des besoins pour plus de transparence, de justice et de démocratie. La reconnaissance du vote blanc a par exemple été balayée d’un revers de la main par le Président Macron lors de son allocution du 25 avril. Concernant les services publics, nous proposons de renationaliser les autoroutes. Question pouvoir d’achat, la réduction des taxes sur les produits de première nécessité nous semble être une priorité. Sur la sécurité, nous souhaitons l’interdiction des lanceurs de balle de défense (LBD). Sans parler de l’écologie, avec des propositions concernant l’interdiction de certains pesticides ou la priorité donnée aux circuits cours. Ces propositions sont ressorties de véritables débats, ont du sens et sont en lien avec l’actualité. C’est vraiment dommage que l’on n’en parle pas davantage. Ce sont de vrais sujets qui n’ont pas été repris par le Président lors de son intervention du 25 avril et c’est regrettable, sachant que ces propositions sont issues du mouvement social qui a lui-même entraîné le Grand débat.»

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Sputnik France: Concrètement, comment voulez-vous organiser votre campagne de communication?

Priscillia Ludosky: «Le but n’est pas de vendre et de récolter de l’argent. L’idée est de faire connaître nos propositions, à défaut d’avoir l’oreille des médias. Au lieu de lancer une collecte via un financement participatif et d’acheter en masse le manifeste pour le placer dans les boîtes aux lettres des citoyens, nous proposons que chaque livre acheté soit placé dans la boîte aux lettres d’un voisin. Le but est d’informer ceux qui ne le sont pas. De nombreux citoyens n’ont pas connaissance de la plateforme du Vrai débat. L’objectif est que nos propositions sortent de la sphère des Gilets jaunes pour arriver jusqu’au plus grand nombre. Ce que l’on voit dans les médias, c’est une chose, mais est-ce que les gens sont réellement au courant de pourquoi nous sommes dehors?»

Sputnik France: Vous avez déclaré souhaiter aller à la rencontre d’associations ou autres structures qui seraient prêtes à acheter en gros le manifeste pour leurs adhérents, étudiants, etc. … De plus, vous avez l’ambition d’aller convaincre des libraires d’acheter le livre pour le proposer à la vente. Où en êtes-vous concernant ces projets?

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Priscillia Ludosky: «Je viens à peine de recevoir les premiers manifestes que j’ai commandés, à cause d’un souci de livraison. La faute à pas de chance, les autres acheteurs ont tout reçu dans les temps. Il faut savoir que BoB imprime à la commande, il n’y a pas de stock. Il faut se rendre sur le site et commander son livre. Maintenant que je possède mes exemplaires, je compte commencer à aller voir les associations et les libraires à partir de la semaine prochaine, de même que plusieurs bibliothèques. J’envisage également de faire quelques salons.»

Sputnik France: La rentrée sociale risque d’être chaude. Vous attendez-vous à un fort regain populaire pour le mouvement et des rues pleines de Gilets jaunes en septembre?

Priscillia Ludosky: «Nous réfléchissons à différents types d’actions. En ce moment, il y a beaucoup de grèves qui se préparent et dont certaines sont déjà en cours comme dans les services hospitaliers. C’est vrai qu’à la rentrée, nous espérons de nouveau pouvoir mobiliser en masse. L’été est une période compliquée. Chacun à sa vie à mener, les coûts pour aller manifester sont importants et il y a des difficultés logistiques. À la rentrée, nous verrons s’il n’y a pas la possibilité de co-organiser des grèves et de se greffer aux différentes luttes. Nous souhaitons aussi faire de la date anniversaire du 17 novembre 2019 une journée de mobilisation de masse, qui verrait des actions se produire dans toute la France. Nous sommes en train de construire un lobby citoyen.»

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