L'honnêteté a beaucoup été étudiée par les psychologues et les économistes, mais rarement dans la vie réelle - et jamais dans 40 pays à la fois, où une équipe de chercheurs a testé le civisme de milliers de personnes à qui étaient confiées un portefeuille «perdu».
Mais un phénomène remarquablement similaire a été observé dans quasiment tous les pays: plus le montant dans le portefeuille augmentait, plus les gens contactaient son propriétaire.
En moyenne, 40% des portefeuilles sans argent ont été rendus, contre 51% de ceux contenant de l'argent. La malhonnêteté n'augmente apparemment pas avec le montant du gain potentiel du vol, contredisant la vision d'un être humain purement motivé par l'intérêt matériel, indique l'AFP.
Pour l'équipe de chercheurs, des universités de Zurich, du Michigan et de l'Utah, ces travaux et des sondages complémentaires démontrent deux ressorts fondamentaux du comportement humain: l'altruisme, mais aussi le rôle moteur de l'image de soi et de la peur de se voir en voleur.
«Quand les gens peuvent profiter grandement d'un comportement malhonnête, le désir de tricher augmente, mais le coût psychologique de se voir soi-même comme un voleur augmente aussi - et parfois, celui-ci domine celui-là», écrivent les auteurs.
Ils déclaraient à un employé avoir trouvé le portefeuille par terre et lui demandait de s'en occuper, avant de filer.
Chaque portefeuille, en plastique transparent, contenait trois cartes de visite (avec adresse mail), une liste de course, une clé et soit aucun argent, soit l'équivalent en pouvoir d'achat et en monnaie locale de 13,45 dollars.
La proportion de portefeuilles rendus a dépassé 70% en Norvège et en Suisse. En Chine moins de 10% des employés l'ont fait pour un portefeuille vide, et plus de 20% quand il y avait des yuans.
Aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Pologne, les chercheurs ont aussi fait l'expérience avec 94,15 dollars, dopant les retours à... 72%.
Preuve de l'altruisme, des portefeuilles déposés sans clé étaient moins rendus.
L'équipe a aussi demandé à 279 économistes de prédire si les portefeuilles garnis seraient plus ou moins rendus. Moins d'un sur trois a prédit correctement le résultat.
Ce qui fait dire à Alain Cohn que «même les experts ont une vision trop pessimiste des motivations de gens».
Les gens sont plus moraux que l'on ne croit; les pouvoirs publics feraient mieux de s'en inspirer pour manier plus de carottes morales et moins de bâtons, dit-il.
Quant à la première place de la Suisse, d'où viennent trois des quatre coauteurs, Alain Cohn répond: «Bien sûr, nous étions heureux de voir la Suisse en haut du classement».