Dans un entretien accordé au site d’information Mediapart, Mustapha Jouili, économiste tunisien, qualifie de «colonialiste» l’Accord de libre-échange complet et approfondi (Aleca) que l’Union européenne et la Tunisie s’apprêtent à signer. Pour appuyer son affirmation, l’expert cite trois domaines qui lui semblent déterminants: les droits de propriété intellectuelle, l’investissement et le domaine réglementaire et législatif.
Pour ce qui est de l’investissement, l’économiste reproche au projet d’interdire «tout traitement favorable aux investisseurs nationaux ou à un secteur spécifique». «Le projet accorde toute la liberté à l’investisseur européen qui ne sera plus obligé de consacrer une partie de sa production au marché local, d’employer une main-d’œuvre locale, de lier les rentrées des devises à la valeur des exportations et de transférer une technologie ou un savoir-faire aux investisseurs locaux», a-t-il ajouté.
Quant au dernier point, l’économiste met en lumière le fait que le projet Aleca «propose un "rapprochement réglementaire" qui oblige la Tunisie à intégrer les "acquis européens" dans sa législation». «Autrement dit, c’est l’UE qui va nous tisser notre législation», a-t-il poursuivi, soulignant que ceci constitue «une atteinte à la souveraineté nationale, voire à la démocratie». «Car cela veut dire qu’une loi votée "démocratiquement" au parlement tunisien peut être abolie si elle n’est pas conforme à la législation européenne», a-t-il poursuivi.
Pour toutes ces raisons, M.Jouili affirme que «l’Aleca est un projet colonialiste et ne diffère pas du pacte colonial de 1881». «Cela nous rappelle la période de la colonisation directe lorsque toute loi promulguée à la métropole était suivie par un décret beylical d’application», a-t-il conclu.