En quoi l’Accord de libre-échange UE-Tunisie serait-il «un projet colonialiste»?

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L’Accord de libre-échange complet et approfondi UE-Tunisie «ne diffère pas du pacte colonial de 1881», a affirmé à Mediapart Mustapha Jouili, économiste tunisien. Pour lui, rien qu’à voir les dispositions de cet accord en matière de propriété intellectuelle, d’investissement et de législation, il est possible de s’en convaincre.

Dans un entretien accordé au site d’information Mediapart, Mustapha Jouili, économiste tunisien, qualifie de «colonialiste» l’Accord de libre-échange complet et approfondi (Aleca) que l’Union européenne et la Tunisie s’apprêtent à signer. Pour appuyer son affirmation, l’expert cite trois domaines qui lui semblent déterminants: les droits de propriété intellectuelle, l’investissement et le domaine réglementaire et législatif.

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Concernant les droits de propriété intellectuelle, M.Jouili souligne que «le projet Aleca va au-delà de l’accord de l’OMC: champ d’application plus large, standard de protection plus élevé, prolongation de la durée de protection pour les médicaments en particulier, protection du "secret d’affaires", réduction de la marge de l’État en matière d’attribution des "licences obligatoires"». Ainsi, selon lui, l’accord établit la «suprématie des intérêts des multinationales sur les droits économiques et sociaux des citoyens».

Pour ce qui est de l’investissement, l’économiste reproche au projet d’interdire «tout traitement favorable aux investisseurs nationaux ou à un secteur spécifique». «Le projet accorde toute la liberté à l’investisseur européen qui ne sera plus obligé de consacrer une partie de sa production au marché local, d’employer une main-d’œuvre locale, de lier les rentrées des devises à la valeur des exportations et de transférer une technologie ou un savoir-faire aux investisseurs locaux», a-t-il ajouté.

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Mais pour Mustapha Jouili, le plus grave c’est que l’investisseur européen «devient, désormais, en vertu des dispositions sur le règlement des différends plus fort que l’État». «Autrement dit, l’État tunisien n’a plus la possibilité de décider de sa politique d’investissement, tout sera décidé par les firmes multinationales européennes», a-t-il confié, précisant que «la seule mission de l’État est de les protéger».

Quant au dernier point, l’économiste met en lumière le fait que le projet Aleca «propose un "rapprochement réglementaire" qui oblige la Tunisie à intégrer les "acquis européens" dans sa législation». «Autrement dit, c’est l’UE qui va nous tisser notre législation», a-t-il poursuivi, soulignant que ceci constitue «une atteinte à la souveraineté nationale, voire à la démocratie». «Car cela veut dire qu’une loi votée "démocratiquement" au parlement tunisien peut être abolie si elle n’est pas conforme à la législation européenne», a-t-il poursuivi.

Pour toutes ces raisons, M.Jouili affirme que «l’Aleca est un projet colonialiste et ne diffère pas du pacte colonial de 1881». «Cela nous rappelle la période de la colonisation directe lorsque toute loi promulguée à la métropole était suivie par un décret beylical d’application», a-t-il conclu.

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