Début juin, le projet de santé est examiné, d’abord par l’Assemblée, puis par le Sénat qui devra se prononcer aujourd’hui lors d’un vote solennel. Le 20 juin, députés et sénateurs devront trouver un accord sur une version commune. Au menu de ce projet, des mesures pour lutter contre les déserts médicaux, telles que la fin du numerus clausus ou l’augmentation des hôpitaux de proximité, mais aussi le renforcement du droit à l’interruption volontaire de grossesse.
Parmi les amendements proposés, le retrait de la clause de conscience relative à l’IVG portée par Laurence Rossignol depuis septembre dernier, de nouveau rejeté, la commission ayant demandé un scrutin public, lors de l’examen du projet de loi, ce qui permet de voter pour les absents, facilitant ainsi son rejet. La clause de conscience permet à un professionnel de santé de ne pas accomplir un acte qu’il estimerait contraire à ses propres convictions. Résultat, de nombreuses femmes se voient refuser une demande d’IVG. En France, il n’y a pas de données officielles sur ces objecteurs de conscience, mais en Italie, ils sont 80% à invoquer cette clause. Concernant sa suppression, Agnès Buzyn et Marlène Schiappa se disent contre, estimant que cela augmenterait les cas de maltraitance de la part de certains médecins.
En Europe, l’avortement est légalisé ou dépénalisé dans la majeure partie du continent, rendant l’IVG possible jusqu’à 12 semaines de grossesse en moyenne. D’ailleurs, la France a prolongé le délai à 14 semaines depuis le 7 juin, lors du vote d’un amendement toujours porté par Laurence Rossignol. Seules Malte ou la Pologne restreignent l’IVG et l’avortement est légal en Irlande seulement depuis le 1er janvier 2019.
Ailleurs, dans le monde, il en est autrement. Récemment, un État des États-Unis a voté la loi la plus restrictive du pays concernant le droit à l’avortement: 25 sénateurs républicains de l’Alabama ont interdit sa pratique, même en cas de viol ou d’inceste, s’opposant ainsi à l’arrêt historique Roe v.Wade de la Cour Suprême, qui en 1973 garantissait à une femme le droit à l’avortement. Malgré la jurisprudence de cet arrêt, qui rend possible l’IVG tant que le fœtus n’est pas viable, au minimum 24 semaines, de nombreux États ont mis en place des dispositions contribuant ainsi à restreindre le droit à l’avortement. Des cliniques qui ferment, des hôpitaux ayant l’autorisation de refuser l’IVG, des États qui autorisent même les assurances privées à refuser de couvrir les frais liés à l’IVG.
Conséquences? Au mieux, des heures de route pour l’État où la pratique est encore possible sans trop de conditions restrictives. Au pire, le recours à l’avortement clandestin. Selon l’Organisation Mondiale de Santé, environ 25 millions d’avortements à risque sont pratiqués chaque année, entraînant la mort d’une femme toutes les 9 minutes. Tout comme l’a déclaré Tatiana Yakovleva, vice-ministre de la Santé russe, lors du Forum économique à Saint-Pétersbourg, «rendre l’avortement illégal ne conduira qu’à l’augmentation de la mortalité maternelle et infantile ainsi qu’à une criminalisation de la situation. Il n’en est pas question!» L’Église orthodoxe a récemment appelé à l’interdiction de l’avortement.
L’exemple de la politique anti-IVG, mise en place de 1966 à 1989 par Nicolae Ceaușescu, ancien dirigeant de Roumanie, a eu de graves conséquences. Avec le souhait de relancer la démographie du pays et de créer la «Grande Roumanie», il a multiplié les naissances par deux et en même temps triplé le taux de mortalité maternel suite aux avortements clandestins.