À l'approche de la prochaine campagne électorale, Justin Trudeau n'avait pas besoin d'une histoire de déchets pour son image de dirigeant vert et progressiste… Une histoire pour laquelle il n'est toutefois pour rien, car elle remonte avant son arrivée au pouvoir en 2015. Entre 2013 et 2014, au moins 103 conteneurs d'ordures ménagères ont été expédiés du Canada aux Philippines. Ceux-ci contenaient notamment des bouteilles et des sacs en plastique recyclable, des journaux et des couches usagées.
«Je vais leur déclarer la guerre. Nous pouvons leur faire face. Je vais leur renvoyer ces ordures. Mettez ça sur un bateau et je vais dire au Canada que leurs poubelles sont en route. Qu'ils préparent une grande réception. Mangez-les si vous voulez», avait-il déclaré en avril dernier.
Pour le chef du Parti vert du Québec, Alex Tyrrell, la déclaration du Président Duterte était «exagérée», mais a eu l'utilité d'être entendue par les Canadiens. Par la suite, Manille a aussi rapatrié du Canada son personnel diplomatique. Le gouvernement philippin estime qu'Ottawa n'a pas respecté le délai de récupération des déchets, dont certains auraient été illégalement expédiés.
«Cette déclaration était exagérée, c'est excessif d'utiliser ce genre de langage pour ça. Ce langage doit être réservé aux cas plus graves. En même temps, il [Rodrigo Duterte, ndlr] a fait passer son message. À ce que je comprends, les déchets sont en route à l'heure actuelle. C'est malheureux que le Président Duterte ait été obligé d'aller jusque-là pour se faire comprendre par le gouvernement Trudeau», a souligné M. Tyrrell lors d'une entrevue avec Sputnik.
«Nous exhortons les pays développés à cesser d'expédier leurs déchets dans notre pays. Nous les retournerons sans pitié à leur pays d'origine. […] La Malaisie ne sera pas la décharge du monde. Nous ne nous laisserons pas intimider par les pays développés», a fermement averti la ministre malaisienne.
Au Canada, des groupes écologistes n'ont pas tardé à se ranger symboliquement derrière les Philippines et la Malaisie. En février dernier, la branche canadienne de Greenpeace exhortait déjà le pays à ne plus se débarrasser de ses propres ordures:
«Exporter nos déchets plastiques vers des pays déjà aux prises avec un problème de pollution plastique est déplorable. Nous partageons la même planète et celle-ci est noyée sous les déchets plastiques. Le Canada doit rapidement agir […] et se pencher sérieusement sur la pollution qui résulte de la surproduction et de la consommation de plastique à usage unique», a fait savoir par communiqué Sarah King, responsable de la campagne Océans et Plastiques de Greenpeace Canada.
«Nous devrions être en mesure de traiter tous nos déchets, ici, sans dépendre de l'étranger. Pour y arriver, ça prend quand même des investissements importants dans le domaine du recyclage. En ce moment, le recyclage est géré plus ou moins par le marché libre. […] Il faut que le gouvernement prenne ses responsabilités pour la gestion des déchets produits au Québec et au Canada. Il faut s'arranger pour qu'on ait tous les centres de traitement et processus nécessaires», a précisé M. Tyrrell.
Alex Tyrrell croit également que l'image du Canada en prend pour son grade dans ce nouvel épisode:
«Ça fait longtemps que l'image du Canada, sur la scène internationale est ternie par les sables bitumineux. […] Maintenant, avec l'exportation de déchets et la continuation par Justin Trudeau des sables bitumineux, la réalité le rattrape», a-t-il ajouté.
Le Canada s'est engagé à rapatrier ses déchets des Philippines d'ici juillet prochain. Quant à ses ordures en Malaisie, nul ne sait encore ce qu'il en adviendra. Chose certaine, les relations diplomatiques entre le Canada et ces deux pays asiatiques ne sont pas sorties renforcées de cette affaire.