Le 15 mai, le département d'État américain a ordonné d'évacuer son personnel diplomatique non-essentiel de l'ambassade de Bagdad et du consulat d'Erbil (Kurdistan irakien), rappelle le quotidien Kommersant. La cause n'est pas précisée, mais dimanche déjà le département d'État américain préconisait aux Américains de ne pas se rendre en Irak à cause de la «tension accrue» dans le pays. Les ambassades américaines au Liban, en Irak et aux Émirats arabes unis (EAU) ont également averti les citoyens américains du renforcement de la tension dans la région.
Début mai, le conseiller du Président américain à la sécurité nationale John Bolton a annoncé l'envoi dans le golfe Persique d'un groupe aéronaval autour du porte-avions USS Abraham Lincoln. Les médias américains, se référant aux services de renseignement, rapportaient alors une menace émanant des forces iraniennes et pro-iraniennes pour les soldats américains en Syrie, en Irak et dans le golfe Persique. D'après les médias, c'est l'Iran qui est soupçonné par les USA de l'attaque de dimanche visant des cargos dans la zone économique exclusive des EAU, qui a entraîné un sursaut du prix du baril. Cette diversion a été suivie mardi par une attaque de drones contre des stations de pompage de pétrole en Arabie saoudite. L'attentat a été revendiqué par le mouvement houthi Ansar Allah, accusé de relations avec l'Iran.
Les sanctions américaines contre les importateurs de pétrole iranien ajoutent à l'incertitude qui règne actuellement sur le marché. D'après le Président iranien Rohani, la situation dans laquelle les Iraniens se sont retrouvés est encore pire qu'à l'époque de la guerre Iran-Irak de 1980-1988 — l'une des périodes les plus difficiles dans l'histoire du pays.
«Pendant la guerre nous n'avions pas de problèmes avec nos banques, ni avec la vente de pétrole, les importations et les exportations», dit-il. Alors que l'ayatollah Khamenei, guide suprême de la Révolution islamique, appelle à mener une dure politique de «résistance» basée sur la recherche de solutions pour contourner les sanctions, renforcer les forces armées et promouvoir les intérêts iraniens dans la région.
Techniquement, c'est déjà le cas. Selon l'Opep, en avril, la production en Iran a diminué jusqu'à 2,55 millions de barils par jour, ce qui est le chiffre annualisé le plus bas depuis 1989. L'AIE estime les exportations pétrolières iraniennes en avril à 1,3 million de barils par jour, soit deux fois moins par rapport à 2018. En 2014, quand l'embargo pétrolier contre l'Iran était soutenu non seulement par les États-Unis, mais également par les pays de l'UE, la production pétrolière iranienne était largement plus élevée qu'aujourd'hui — environ 3,1 millions barils par jour.
Toutefois, les informations sur la production et les exportations sont recueillies à partir de sources secondaires, alors que l'Iran a cessé de fournir à l'Opep des informations sur sa production depuis le dernier trimestre 2018, après l'entrée en vigueur des sanctions américaines. Étant donné que l'une des principales méthodes de l'Iran pour contourner les sanctions consiste à échanger son pétrole contre celui d'un autre pays du Golfe (en général de l'Irak, dont les ports délivrent de faux documents pour le fret), les informations secondaires peuvent être sous-estimées. Ainsi, en avril, la production iranienne a baissé de 164.000 barils par jour, alors que celle de l'Irak a augmenté de 113.000 barils par jour.
«Je ne pense pas que l'Iran ait pu oser une diversion contre les cargos juste pour influer sur le prix du baril. C'est un coup à se faire attaquer», analyse Vladimir Sajine de l'Institut d'études orientales affilié à l'Académie des sciences de Russie. Mais il n'exclut pas qu'en Iran «certaines forces pourraient théoriquement se décider à aggraver la situation». Et les États-Unis joueraient en faveur de ces forces.
L'expert rappelle qu'en avril l'Iran a inscrit le CENTCOM sur la liste des organisations terroristes en réponse à la décision similaire de Washington visant le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI).
«En fait, les Iraniens ont rendu légitime la lutte contre les militaires américains, qui sont désormais des terroristes à leurs yeux. Washington a lui-même provoqué l'escalade dans la région, tout comme dans l'ensemble la tension de la situation autour de l'Iran. Tout a commencé il y a un an quand les États-Unis se sont retirés de l'accord nucléaire — le Plan d'action global commun. Depuis, la situation n'a fait qu'empirer. Il n'y aura pas de grande guerre entre les USA et l'Iran. Mais cela ne signifie pas qu'un incident accidentel n'entraînera pas une escalade du conflit», estime Vladimir Sajine.
«Un événement accidentel pourrait entraîner un conflit, même si aucune partie n'y aspire», a déclaré en début de semaine le ministre britannique des Affaires étrangères Jeremy Hunt. C'est également l'avis du Président autrichien Alexander Van der Bellen. «Si les Américains durcissaient leur pression sur l'Iran, il y aurait un grand risque d'apparition d'une nouvelle crise comparable à celle de l'Irak. Personne, en UE, ne le souhaite», a-t-il déclaré à l'issue de son entretien avec Vladimir Poutine à Sotchi. Le Président autrichien a également qualifié les nouvelles sanctions américaines contre l'Iran de «provocatrices».
Le chef de l'État russe, pour sa part, a exprimé son regret concernant la «destruction» du Plan d'action. Moscou n'exclut pas que l'escalade autour de l'Iran ne fera que s'intensifier.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.