Pour l'instant, l'image d'une dentelle noire d'échafaudage calciné, à la place de la flèche s'élevant jadis fièrement au-dessus de Notre-Dame, fait partie du paysage parisien. D'après Elizaveta Likhatcheva, directrice du musée russe d'Architecture, «ce n'est pas pour rien que l'échafaudage pour les travaux ne s'appuyait ni sur les murs, ni sur les voûtes de la Cathédrale», et la jonction entre les éléments modernes de la toiture et les murs historiques inquiétaient déjà avant l'incendie.
«La vraie raison de ces propositions de matériaux alternatifs, c'est le manque de bois, assure Elizaveta Likhatcheva. Même au XV et XVIe siècle, quand on terminait les cathédrales, on avait de vrais problèmes avec les matériaux. On a besoin de bois non seulement d'une certaine longueur, mais d'une qualité spéciale.»
Pour cette architecte russe, s'il est difficile de décider d'utiliser pour la réfection de poutres des matériaux composites ou des plastiques modernes en toute conscience, c'est surtout que l'on «ne peut comprendre comment vont se comporter ces matériaux dans les 500 prochaines années.»
«Il ne reste que deux pays dans le monde qui possèdent suffisamment de ressources forestières pour assumer la restauration de Notre-Dame de Paris: c'est le Canada (et une partie des USA) et la Russie.»
Un constat qui amène Elizaveta Likhatcheva à conclure que «le choix de matériaux modernes serait plutôt une nécessité.» D'autant plus qu'il ne reste pas beaucoup de chênes anciens: «Il ne reste qu'une petite parcelle de ces forets primaires qui recouvrait jadis toute l'Europe, elle s'appelle La forêt de Białowieża», précise la directrice, et elle se situe à cheval entre la Pologne et la Biélorussie.
Le deuxième point d'inquiétude pour la communauté architecturale est le fameux «concours international», parce que
«si suite à un concours, les architectes contemporains s'en mêlent, on ne parlerait plus de restauration, mais d'"actualisation du patrimoine"», se désole Elizaveta Likhatcheva.
«La spiritualité ou l'alchimie peuvent influencer la restauration d'un monument ancien, dans la mesure de la réceptivité (et de la sensibilité) du restaurateur. Il y a une qualité très importante, dont malheureusement la majorité de bâtisseurs est dépourvue, c'est la foi», avance Elizaveta Likhatcheva.
Ce dont elle est certaine, c'est que la conscience que Notre-Dame est un monument non seulement cultuel, mais «également culturel, faisant partie de la civilisation européenne et russe», devra se faire sentir dans le travail des restaurateurs.