Décidément, il y a des sujets qui divisent plus que d'autres. Au Québec, la nouvelle loi sur la laïcité retient presque toute l'attention médiatique. Depuis que le gouvernement Legault l'a déposée, le 28 mars dernier, le climat est tendu dans la Belle Province. Les optimistes y voient une victoire pour la raison et l'identité québécoise, tandis que les pessimistes y voient un recul pour les droits des minorités.
«On ne gouverne pas par sondages. Les droits fondamentaux ne sont pas assujettis à l'opinion majoritaire. Si 99% des gens pensaient que je n'avais pas le droit de dire ce que je dis, j'en aurais quand même le droit. Sur les questions fondamentales —la discrimination, la dignité, etc.- l'opinion de la majorité ne compte pas», a tranché Me Grey en entrevue avec Sputnik France.
«Le compromis Bouchard-Taylor, bien que M. Taylor n'y souscrive plus, est peut-être défendable. Je suis à la même page que M. Taylor. C'est peut-être un peu trop restrictif, mais défendable. Par contre, la loi telle qu'elle est maintenant est complètement indéfendable. Le rapport Bouchard-Taylor était clairement discriminatoire, mais défendable en regard de l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés», a affirmé Me Grey.
Le premier article de la Charte canadienne des droits et libertés, enchâssée dans la Constitution, permet effectivement aux provinces d'ignorer certaines de ses propres dispositions. Le gouvernement Legault utilisera cet article pour faire appliquer une loi injuste et excessive, selon Me Grey.
«Le rapport Bouchard-Taylor se limitait à des positions de contrainte —juges et policiers- alors que le projet de loi de la CAQ vise aussi les professeurs. Le projet de loi prévoit aussi que les services publics soient donnés à visage découvert. La loi couvre beaucoup plus de territoire, ça va beaucoup trop loin», a-t-il ajouté.
«Le gouvernement Legault a la majorité, il peut voter sa loi. […] La Cour suprême ne pourra pas s'en saisir à cause de l'exclusion [garantie par l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés, ndlr]», s'est désolé l'avocat.
Puisque la loi ne sera probablement pas invalidée par les tribunaux canadiens, Julius Grey estime que la cause doit être portée devant les tribunaux internationaux. Il parle notamment de l'éventualité d'un recours aux Nations unies. Un recours qu'il n'exclut pas de piloter lui-même.
«C'est une disposition discriminatoire, injuste, qu'on peut combattre devant les tribunaux internationaux. Il n'y a pas d'autre choix. Si le Parlement exclut les Cours canadiennes, il faudra le faire devant les instances internationales», a conclu Me Julius Grey.