Dans son dernier roman, Sérotonine, Michel Houellebecq présente une scène où un agriculteur ruiné s'enlève la vie devant une caméra de télévision. Depuis plusieurs années en France, le suicide touche particulièrement les agriculteurs et les policiers. Mais Houellebecq aurait-il pu s'imaginer que cette scène deviendrait presque réalité au Québec?
Le 29 mars dernier, un chauffeur de taxi a tenté de s'enlever la vie en direct à la télévision québécoise. Durant une entrevue sur la célèbre chaîne LCN, le militant pro-taxis a tenté de se trancher les veines d'un bras. Heureusement, il n'a pas perdu la vie et a rapidement été emmené à l'hôpital. 55
«Je n'ai absolument rien à perdre. M.Legault n'a pas de cœur, il m'a enlevé mon cœur», a lancé le chauffeur avant de commettre son geste en direct.
Pour les représentants du taxi «traditionnel», ce nouveau régime réduira à néant la valeur des permis de taxi existants, certains valant jusqu'à 200.000 dollars CAD (132.000 euros). Des chauffeurs de taxi perdront des sommes investies considérables. Le gouvernement Legault a débloqué 500 millions de dollars CAD (334 millions d'euros) pour dédommager les chauffeurs, mais ce montant est jugé nettement insuffisant.
Valeur des permis: un dédommagement jugé insuffisant
Hicham Berouel est un leader pro-taxis qui était présent sur le plateau lorsque l'incident a eu lieu. Il s'est confié à Sputnik juste après cet incident tragique.
«Je suis bouleversé. Plusieurs chauffeurs de taxi pleuraient aussi ce matin en apprenant la nouvelle, et certaines de leurs femmes pleuraient aussi à la maison. Ma femme aussi est inquiète. Ça commence à être dur sur le moral», a affirmé M.Berouel en entrevue avec Sputnik France.
«C'est lui [le chauffeur de taxi en question, ndlr] qui m'avait demandé de prendre rendez-vous à la télévision pour exposer sa situation. Il voulait que les gens comprennent que si la loi est adoptée, ce sera la faillite pour lui et de nombreux chauffeurs de taxi. Ça fait dix-sept ans qu'il travaille pour bâtir son entreprise familiale. Il travaillait aussi pour laisser son entreprise à sa fille. Maintenant, on lui annonce qu'il va tout perdre», a expliqué M.Berouel.
Le 27 mars dernier, M.Berouel avait déjà affirmé à Sputnik que les compensations financières du gouvernement étaient insuffisantes. En entrevue le 29 mars après l'incident, il a réitéré sa position.
Des familles entières affectées
Hicham Berouel estime que plusieurs chauffeurs de taxi québécois vivent actuellement une «grande détresse». Si le ministre des Transports, François Bonnardel, s'est dit «bouleversé» par l'événement, M.Berouel juge toujours sa position «insensible».
«Les chauffeurs de taxi vivent une grande détresse depuis que Uber a commencé à s'implanter il y a environ trois ans. C'est une accumulation. Avec ce projet de loi, c'est comme la goutte qui a fait déborder le vase», a conclu le militant pro-taxis.