«Déby dégage!», «des passeports!»: l'ambassade du Tchad attaquée à Paris

© REUTERS / Moumine NgarmbassaIdriss Déby
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L'ambassade du Tchad à Paris a été attaquée le 26 mars, au cri de slogans réclamant le départ du Président Idriss Déby et des forces françaises stationnées dans ce pays. Ces «migrants venus par la mer» protestaient également contre la non-délivrance de passeports par l'antenne diplomatique.

Une vingtaine de personnes a été interpellée, mardi 26 mars à Paris, après avoir fait irruption à l'ambassade du Tchad à Paris, a informé le ministère tchadien des Affaires étrangères. Les individus ont «agressé le personnel et vandalisé les documents consulaires et autres biens matériels», a précisé le porte-parole du ministère tchadien dans un communiqué que Sputnik a consulté.

Une vidéo tournée par l'un des assaillants montre des centaines de documents éparpillés dans les escaliers et le premier étage. Les employés de l'ambassade s'étaient quant à eux réfugiés au deuxième étage, les assaillants s'étant spontanément engagés à ne pas les inquiéter, ainsi qu'il ressort d'un échange filmé avec la police française.

Particulièrement excités, les assaillants menaçaient de «tout casser», en lançant dans cette vidéo, publiée en direct sur les réseaux sociaux, un appel aux Tchadiens résidant à Paris, pour venir les «rejoindre».

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Plusieurs propos et slogans hostiles au président tchadien Idriss Déby et à la présence militaire française au Tchad ont été proférés, en arabe ou en français. «Déby dégage», «on n'a pas besoin de l'armée française chez nous!», pouvait-on notamment entendre. D'autres ont protesté également contre le fait que «des papiers étaient délivrés aux étrangers, et pas aux Tchadiens».

«Nous sommes venus investir l'ambassade avec des revendications précises. Le départ de Déby, là, tout de suite, et le départ des forces françaises», affirmait l'un d'eux en arabe.

Auparavant, l'un des meneurs a affirmé aux policiers français postés devant l'ambassade qu'«on veut parler à l'ambassadeur [lui —] même, parce qu'il ne donne pas de passeports aux migrants, aux gens venus par la mer. Il donne [des passeports] juste aux bourgeois qui nous tuent, qui nous assassinent au Tchad. Tu demandes un passeport, tu ne l'obtiens pas. Et ce mec au pouvoir, il est soutenu par vous», a-t-il lancé.

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Le ministère tchadien des Affaires étrangères a «condamné avec force» le jour même «un acte de vandalisme que rien ne justifie», sans toutefois commenter les motifs présumés des assaillants. «Leurs slogans sont confus. Mais à première vue, il s'agit de jeunes migrants illégaux déboutés du droit d'asile en France», précise à Sputnik un diplomate tchadien ne souhaitant pas être nommément cité.

«Les vidéos postées par les initiateurs montrent une vingtaine de jeunes, dont certains ont un accent soudanais. Ils protestent contre le fait que l'ambassade ne leur donne pas de passeport, alors qu'elle traite les dossiers des étrangers. Ils ne savent pas qu'en tant que demandeurs d'asile, ils ne peuvent pas faire des démarches auprès de l'ambassade et que c'est le rôle de l'ambassade que de traiter les demandes de visas des étrangers. Les passeports tchadiens ne sont plus délivrés par les ambassades à l'étranger, de toute façon. Ceux qui veulent rentrer définitivement au Tchad peuvent obtenir un laissez-passer temporaire», a précisé la source diplomatique tchadienne à Sputnik.

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Des opposants politiques tchadiens ont de leur côté minimisé la portée de cette revendication à caractère «administratif». Ils invoquent, plutôt, «un acte de militantisme» de la part de jeunes demandeurs «d'asile politique», centré autour de deux principales revendications, le départ du Président Idriss Déby et la cessation du soutien français à N'Djamena.

«Ils sont choqués par les récents bombardements de l'armée française contre des rebelles, en février dernier. C'est donc un message envoyé à la France pour lui dire d'arrêter son soutien inconditionnel à Déby. Il y a également l'accumulation de frustrations politiques et sociales dans leur pays et c'est pourquoi ils exigent le départ d'Idriss Déby», a déclaré à Sputnik, Makaila Nguebla, journaliste blogueur, réfugié politique en France et opposant au régime d'Idriss Déby.

«On ne peut pas complètement occulter l'aspect désespoir face à l'absence de perspective pour une bonne partie de la jeunesse, qui mène parfois jusqu'au piège du terrorisme», tempère, pour sa part, le diplomate tchadien, en relevant toutefois que «l'un des meneurs qu'on voit sur la vidéo a déjà été emprisonné en France pour violation de domicile et violence.»

Du 3 au 6 février, des Mirage de la Force française Barkhane, dont le centre opérationnel interarmées se trouve à N'Djamena, ont arrêté la progression d'une colonne armée des rebelles de l'Union des Forces de la Résistance (UFR), dans le plateau de l'Ennedi, dans le nord-est du Tchad.
Cette intervention a été saluée par N'Djamena, mais dénoncée par l'opposition tchadienne qui y a vu «un acte d'ingérence», alors même que les autorités tchadiennes avaient officiellement demandé l'aide de la France.

Il ne s'agit pas de la première intervention française en soutien au pouvoir du Président Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis 1990, et considéré par Paris comme un partenaire important dans la lutte contre le terrorisme. En 2008, une colonne armée de l'UFR, en provenance de l'Est, avait atteint le cœur de N'Djamena. La France avait alors apporté son aide aux forces loyalistes, notamment en contrôlant l'aéroport afin de les ravitailler en munitions.

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