Après que le directeur de cabinet du Président, Patrick Strzoda, a affirmé devant le Sénat qu'Alexandre Benalla avait utilisé «régulièrement des faux pour obtenir un certain nombre de titres officiels», Mediapart a identifié des documents sur lesquels planent des soupçons de faux, mais aussi des «mensonges proférés dans le cadre professionnel par l'ancien collaborateur d'Emmanuel Macron pour obtenir certains avantages.»
Le journal a également publié les copies de ces documents sur son site.
Un contrat dont l'un des signataires ne sait rien
L'homme d'affaires a déclaré à Mediapart avoir découvert avec surprise ce contrat, qu'il qualifie de «faux grossier», rempli de «fausses informations»: «Je ne suis pas né à Paris le 18/05/1955, je ne suis pas français mais israélien, le numéro de sécurité sociale est faux, mon adresse est fausse, ce n'est pas ma signature.». Il a en revanche confirmé avoir versé 15.000 euros sur le compte d'Alexandre Benalla, mais sous forme de prêt et en aucun cas d'une quelconque rémunération.
Les signatures d'un contrat soulèvent des questions
Comme Mediapart l'a révélé en février, M. Benalla gérait en sous-main la société France Close Protection. Sur le papier, celle-ci avait été créée par son demi-frère, Kevin Piquet, 18 ans, et était présidée par l'un de ses amis, Yoann Petit, un ancien militaire de 44 ans. Toutefois, selon une graphologue, le document a été signé d'une seule et même écriture pour les deux dirigeants.
Fausses notes au sein de l'Élysée
«Quand on a vu ce document, bien évidemment, on a demandé au chef de cabinet si c'est lui qui avait adressé ce document au ministère de l'Intérieur, et il n'est pas l'auteur de cette note. Donc, soupçonnant une falsification faite par M. Benalla, nous avons signalé ce fait au procureur de la République par un article 40 [le 16 janvier 2019 — ndlr]», a déclaré, sous serment, le directeur de cabinet de l'Élysée.
Passant sous silence pendant des mois le fait qu'un collaborateur aurait multiplié les faux documents, l'Élysée ne l'a signalé que le matin de l'audition du 16 janvier devant la commission d'enquête.
Voitures et pistolet à Bercy
Les cinq semaines passées par Alexandre Benalla comme chauffeur du ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg ne sont également pas passées inaperçues. À l'époque, il se serait prévalu «d'un soutien du Ministre pour une demande de port d'arme auprès des services du ministère de l'intérieur, sans que le Ministre ait été informé préalablement de cette demande», a annoncé une source au sein du cabinet de Montebourg. «Ironie de l'histoire, l'attestation de formation au pistolet automatique qu'il avait fournie était signée de la main du gendarme…Vincent Crase», écrit Mediapart.
Un accrochage automobile a enfin entraîné le licenciement d'Alexandre Benalla. Un samedi, à Paris, il a tenté de s'enfuir après avoir accroché une voiture près de la gare de Lyon tandis que le ministre Montebourg se trouvait à l'intérieur. Ce dernier lui a alors ordonné de s'arrêter pour faire un constat, finissant le reste du trajet à pied et ordonnant dans la foulée son licenciement.
Toutefois, lorsque l'épisode a refait surface cet été suite aux révélations du Monde, Alexandre Benalla a expliqué devant la commission d'enquête sénatoriale avoir été licencié parce qu'il s'était opposé au ministre, lequel avait voulu circuler à Vélib sur le périphérique, ce que M. Montebourg a démenti fermement.
«Benalla, c'est Rocancourt en politique», selon la source du journal. «Très sympathique, agréable, instinctif, avec cette faculté à séduire quel que soit le milieu dans lequel il se trouve, et à raconter une histoire tellement bien faite — en tout cas au départ — que personne ne vérifie et tout le monde pense qu'elle est vraie, d'autant qu'il est bien introduit à haut niveau. Hier, c'était dans le champ politique, mais demain, ce sera peut-être dans le champ des affaires. Il était blacklisté à Bercy mais il est arrivé à l'Élysée. Macron est victime de son entourage qui ne l'a pas suffisamment protégé.»