Loi Pacte: le droit au compte, clef de voûte d'un écosystème blockchain français

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Le texte de la loi Pacte est de retour devant l'Assemblée nationale après les rectifications du Sénat. Bien moins médiatique que le volet des privatisations, celui-ci est dédié aux cryptoactifs visant à faire de la France une nation leader en la matière. Cependant, un obstacle se dresse toujours face aux députés: la question du droit au compte.

«S'il n'y a pas d'accès au compte, qu'il n'y a pas de droit au compte effectif, cela ne sert pas à grand-chose d'avoir une fiscalité attractive et d'attirer des investisseurs, des cerveaux et des actifs financiers dans la mesure où vous ne pourriez pas développer votre entreprise faute d'un compte bancaire,» tranchait, fin février, Pierre Person au micro de Sputnik.

Rapporteur de la mission d'information parlementaire sur les «monnaies virtuelles», présidée par Éric Woerth, il avait donné rendez-vous à l'Hôtel de la Questure aux acteurs de la cryptosphère qu'il avait été amené à rencontrer au gré des nombreuses auditions et propositions ayant servi de base pour son rapport, rendu public par l'Assemblée nationale le 1er février.

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Taxation des cryptomonnaies: reflet des paradoxes français
Une opportunité, pour le député de la majorité, tant de remercier «ceux qui ont tant contribué» à ce rapport, que de répondre aux questions et de faire le point sur les inquiétudes de ces «pionniers» — comme il aime à les qualifier — alors même que le texte de la loi Pacte revenait en seconde lecture au Palais Bourbon.

«La demande est extrêmement forte de la part des interlocuteurs,» nous confiait le député, avant d'ajouter «le temps juridique, le temps législatif, le temps politique est toujours beaucoup plus lent que le temps de la techno et donc il faut essayer d'y pallier.»

«Il faut s'attaquer à la racine du problème», estime le numéro deux de LREM, aux yeux duquel la loi Pacte est «une première étape, un modèle de réglementation». Pour autant, pas question pour le député d'imposer bêtement des règles, «l'enjeu c'est comment on arrive à mettre tout le monde autour de la table et à partager des grandes lignes directrices» précise-t-il.
Rassembler «superviseurs, banques commerciales et acteurs économiques, afin d'arriver à un terrain d'entente», développe Pierre Person, avant de poursuivre: «après, l'enjeu c'est de le faire extrêmement rapidement», dans un secteur qui «évolue beaucoup», évoquant un rendez-vous prévu au premier trimestre 2019 avec le gouverneur de la Banque de France.

«C'est un enjeu de premier ordre si on veut que l'écosystème se développe en France,» insiste le cryptodéputé.

Un écosystème qu'entend développer la loi Pacte via son article 26 en créant en France un cadre législatif, juridique et fiscal, se voulant clair et incitatif pour les activités liées à la blockchain. Mais comment? En encadrant les Initial Coin Offering (ICO) — ou émissions de jetons numériques — ces appels de fonds publics réalisés en cryptomonnaies qui ont fait beaucoup parler d'eux dans la presse. Une première européenne, voire même «une première mondiale», comme se félicitait à l'automne devant l'hémicycle la député de la majorité Valéria Faure-Muntian concernant ce fameux régime des ICOs.

Cependant, une question revient dans toutes les bouches: celle du droit aux comptes pour les différents acteurs de ce secteur en France. Qu'il s'agisse des émetteurs d'ICOs, des plateformes d'échanges de cryptomonnaies ou encore de ceux qui souhaitent investir dans les cryptoactifs, les banque de l'hexagone sont particulièrement frileuses. Des établissements bancaires qui n'hésitent pas à fermer les comptes de leurs clients — voire même de les faire ficher auprès de la Banque de France — dès lors qu'ils envoient ou tentent de rapatrier de l'argent depuis des plateformes d'échanges de cryptomonnaies. Telle est la problématique à laquelle se sont attelés les «cryptodéputés», surnom donné à ces députés de tous bords politiques qui se sont penchés sur la question des protocoles décentralisés blockchain.

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Fiscalité des cryptoactifs: «sans droit au compte, ce sont des conversations de salon»
Lorsqu'à la mi-septembre, le texte de loi quitte le Palais Bourbon pour celui du Luxembourg, il est alors question de mettre en place un label «optionnel» de l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) pour les émetteurs d'ICO. En contrepartie d'accepter de se conformer aux règles du régulateur financier, le sésame décerné viserait notamment à garantir un droit au compte, auprès de la Caisse des Dépôts et des Consignations (CDC), pour les entreprises opérant dans la cryptosphère et qui se serait vu refuser l'ouverture d'un compte de dépôt et de paiement dans les banques commerciales.

En plus d'une obligation d'information à destination des investisseurs, l'AMF pourrait à l'avenir veiller à la mise en place d'un séquestre pour les fonds levés ou encore à ce que l'émetteur se conforme bien à la règlementation en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme car c'est justement cette dernière que les banques françaises mettent en avant pour fermer leurs portes aux personnes physiques et morales présentant un intérêt trop prononcé pour le monde des cryptos.

Problème de taille cependant pour les «cryptodéputés»: cette obligation qu'aurait eue la CDC d'ouvrir un compte aux cryptoinstitutions régulées a été supprimée du texte adopté à la mi-février par les sénateurs, allant ainsi dans le sens de la Caisse des dépôts. Il faut dire que l'institution financière, détentrice notamment des fonds placés sur les Livrets A, n'avait pas vu d'un bon œil cette perspective d'accueillir des fonds issus de la vente de cryptoactifs, mettant elle aussi en avant le «risque de blanchiment» d'argent, ainsi que le fait de ne pas être destinée à prodiguer à des entreprises des activités bancaires de détail.

«L'amendement adopté sur l'accès au compte des acteurs des cryptodevises ne peut absolument pas rester en l'état. Ces acteurs présentent un risque de blanchiment d'argent et on ne peut pas mettre en danger la Caisse des Dépôts qui centralise les avoirs des Français», avait déclaré, au quotidien Les Echos, la député LREM Sophie Errante.

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Cryptomonnaies: les autorités financières sifflent la fin de la récré
Présidente de la Commission de surveillance de la CDC, Sophie Errante explique à nos confrères qu'elle ne ferme pas pour autant la porte à toute discussion, avec les autres acteurs du milieu, quant «au fait de réfléchir à la bancarisation de ces acteurs». Notons également que cet amendement, présenté par Pierre Person, Éric Bothorel (LREM) et Jean-Michel Mis (LREM) fut adopté contre l'avis du gouvernement.

Depuis le retour du projet de loi à l'Assemblée, deux amendements de «cryptodéputés» concernant la contestation du refus d'ouverture de compte bancaire et visant à rétablir la rédaction de la version du texte voté en première lecture, ont été adoptés en commission. 

Le premier, présenté par Laure de La Raudière et Paul Christophe (UDI, Agir et Indépendants), concerne les modalités de recours en cas de refus d'ouverture de compte bancaire. Le second, défendu par Pierre Person, Valeria Faure-Muntian, Jean-Michel Mis et Éric Bothorel, de la majorité, vise à garantir que «des règles claires et connues de tous soient établies afin de régir les conditions d'accès à un service de dépôt et de paiement pour les entreprises blockchain». Deux amendements adoptés, sur les treize déposés. L'examen, en deuxième lecture, du projet de loi Pacte à l'Assemblée doit s'achever ce vendredi 15 mars au soir.

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