Marine Le Pen aurait-elle utilisé Monsanto pour couper l'herbe sous le pied d'Emmanuel Macron? La question du financement des partis politiques au niveau européen est, à moins de deux mois des prochaines élections européennes, au cœur du débat politique en France, et c'est la dirigeante du Rassemblement national (RN) qui a rendu le sujet aussi explosif.
En critiquant, le 7 mars dernier, la façon dont se financent certains partis européens, Marine Le Pen a frappé là où le bât blesse:
«Les lobbies financent les partis politiques européens et ils financent l'ADLE, le parti d'Emmanuel Macron au Parlement européen. Le parti politique l'ADLE […] est financé par Bayer Monsanto», a-t-elle déclaré sur RTL.
Alors, certes, le parti d'Emmanuel Macron n'est pas officiellement membre de l'ADLE (Alliance des démocrates et libéraux européens), ce que se sont empressé de faire valoir les soutiens du Président de la République, criant à la manipulation de l'information, à l'instar de Stéphane Séjourné, directeur de campagne de LREM pour les Européennes.
Après la polémique sur le financement de l’ALDE par de grandes entreprises privées (Bayer, Google, etc), LREM et le MoDem assurent n’être pas "membre du parti libéral européen" et jurent qu’ils n’ont pas "vocation à être membres de ce parti" (communiqué) pic.twitter.com/ccWBqwBJPE
— Arthur Berdah (@arthurberdah) 12 mars 2019
Pour autant, les liens entre la formation européenne et celle d'Emmanuel Macron existent bel et bien. En septembre dernier, alors que le Président de la République se posait en premier opposant à Matteo Salvini et Viktor Orban, il avait reçu le soutien de Guy Verhofstadt, président du groupe ADLE au Parlement européen.
«Avec Emmanuel Macron, on n'a pas seulement la même analyse, mais plus ou moins les mêmes propositions. Le discours de la Sorbonne est très largement soutenu chez les partis de l'ALDE. On est prêts à créer avec Macron cette alternative», avait déclaré l'ancien Premier ministre belge dans une interview à Ouest France.
Effectivement, les libéraux-démocrates européens sont bien ceux qui ont le plus bénéficié du soutien des entreprises en 2018. Alors qu'il existe dix groupes représentés au Parlement européen, seuls cinq ont reçu des financements d'entreprises ou de lobbies. Mais, alors que trois partis — les socialistes, les verts et le PPE — ont reçu des contributions pour leur fondation, l'ADLE et les Conservateurs de l'ACRE (Alliance des conservateurs et réformistes en Europe) ont bénéficié du soutien de multinationales pour financer leur parti.
Ce qui change entre les libéraux et les conservateurs, c'est l'origine des contributions pécuniaires. Tandis que les conservateurs ont reçu des dons de compagnies européennes (un fabriquant de logiciels néerlandais, un transporteur anglais et un promoteur immobilier italien) pour des montants compris entre 500 et 3.000 euros, les contributeurs au parti libéral-démocrate ont dépensé entre 7.000 et 18.000 euros et sont tous de grandes multinationales. On y retrouve le cabinet d'audit Deloitte, les géants Uber, Google et Yelp, ou encore Bayer, propriétaire de Monsanto, et son concurrent direct, Syngenta.
«Aucun de nos députés européens ne siègera lors de la prochaine mandature dans un groupe politique ou dans une formation politique européenne qui tolère de tels financements», a écrit Stéphane Séjourné, dans un communiqué de presse, assurant que LREM n'était «pas membre du parti libéral européen» et n'avait pas «vocation» à le devenir.
Si les libéraux de l'ADLE n'ont pas été prévenus que LREM ne s'allierait pas à eux, il y a peu de chance que le revirement du Président de la République ne soit plus qu'un symbole.