L'antisémitisme est (re)devenu un sujet sociétal majeur, et ce, bien au-delà des frontières françaises. Si la parole du chef de l'État était attendue en France après la marche pour lutter contre l'antisémitisme du 19 février dernier, c'est dans toute l'Europe que les dirigeants s'attaquent désormais au problème.
Dans un sondage commandé par la France et conduit dans 12 pays auprès de 16.000 citoyens européens, 89% des personnes interrogées ont estimé que l'antisémitisme est le problème le plus récurrent sur les réseaux sociaux et 70% d'entre eux considèrent que les politiques de lutte contre cette forme de racisme étaient inutiles. Des chiffres qui ont poussé le vice-président de la Commission européenne à se dire «profondément préoccupé» par les résultats obtenus:
«Il est essentiel que nous combattions vigoureusement et collectivement contre cette malédiction. La communauté juive doit se sentir en sécurité et chez elle en Europe», a déclaré Frans Timmermans.
Le problème, justement, c'est que les témoignages de haine à l'encontre de la communauté juive resurgissent aux quatre coins du vieux continent, au point que la Bulgarie ait fait de «la lutte contre le racisme, l'intolérance, le populisme et l'antisémitisme» l'un des points-clés de sa présidence de l'Union européenne, entamée début janvier.
Un mois avant, en Espagne, une affaire liée à l'antisémitisme avait fait couler beaucoup d'encre. Lors d'une opération qui a nécessité la coopération d'Europol et des forces de l'ordre helvètes, la police espagnole a en effet arrêté mi-décembre 2.018 trois personnes, après les avoir identifié comme les responsables d'un site néonazi «influent».
Dans le même temps, l'Italie a elle aussi eu droit à sa polémique nationale. Et cette fois, pas de quidam vociférant sa haine des juifs. Chez nos voisins transalpins, c'est le tweet d'Elio Lanutti, sénateur du Mouvement 5 Etoiles, dans lequel ce dernier fait un rapprochement entre le protocole des sages de Sion —un plan de conquête du monde par les juifs, paru en 1901 et attesté comme étant un faux- et le fondateur de la banque Rothschild, qui a provoqué une levée de boucliers des associations représentatives du judaïsme.
«J'ai attendu 24 heures avant d'intervenir. J'attendais une réaction, j'espérais que le Mouvement 5 Etoiles, comme tous les autres, prendrait position clairement contre l'antisémitisme», a déploré la présidente de la communauté juive de Rome, Ruth Dureghello.
Même au sein des pays considérés comme les plus fervents défenseurs d'Israël au sein de l'Union européenne, à savoir le groupe de Visegrad, des tensions liées à l'antisémitisme ont récemment resurgi. Alors qu'un sommet devait réunir le 18 février les représentants des quatre pays du groupe de Visegrad —la Pologne, la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie- et leur homologue israélien, Varsovie a annoncé qu'elle ne participerait pas en conséquence des déclarations du ministre des Affaires étrangères, Israël Kast. Ce dernier avait en effet déclaré quelques jours plus tôt que les Polonais étaient «allaités à l'antisémitisme»; une déclaration qualifiée de «message raciste impardonnable» par les conservateurs polonais au pouvoir.
S'exprimant sur les raisons de son départ du groupe travailliste, la députée Luciana Berger a assuré que l'un des motifs l'ayant conduit à prendre cette décision était justement la «honte» qu'elle ressentait face à «l'antisémitisme institutionnel» dont elle avait été témoin.
La question de l'antisémitisme resurgit donc sur la place publique un peu partout en Europe à trois mois des élections européennes, bien que pour des raisons différentes dans tous les pays.