Dans une interview accordée à des médias allemands, le président de la Conférence sur la sécurité de Munich, le diplomate allemand Wolfgang Ischinger, a parlé des dangers du déploiement de nouveaux missiles à moyenne portée en Europe, du rôle de la France et de son arsenal nucléaire sur le continent européen et des relations des pays européens avec les États-Unis.
Il estime «très dérangeante» la rupture du Traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI). Pour lui, cela signifie «la destruction du réseau de coopération et de confiance qui existe depuis des décennies entre l'Est et l'Ouest», relate notamment le Berliner Morgenpost.
«Les négociations entre les États-Unis et la Russie devraient reprendre au plus tard en 2021. Sinon, toute la construction de la maîtrise des armes nucléaires menace de s'effondrer», a-t-il indiqué.
«Si la Russie développe de nouveaux systèmes, cela ne signifie pas qu'ils seront stationnés en Europe. Et même si c'est le cas, l'Occident ne devra pas nécessairement réagir en 2019 comme il l'a fait dans les années 1980, lorsque les Américains avaient installé des missiles Pershing II et des missiles de croisière basés sur terre en réaction aux missiles soviétiques SS-20 à moyenne portée», a-t-il poursuivi.
Aujourd'hui, il existe d'autres solutions technologiques et il n'est pas nécessaire de concevoir de nouvelles armes nucléaires, car il existe des armes classiques extrêmement bien performantes, a expliqué Wolfgang Ischinger.
Pendant des décennies, l'Union européenne a bénéficié du parapluie américain en matière de sécurité, ce qui n'est plus aussi évident aujourd'hui, a-t-il encore dit. Par conséquent, il est temps qu'elle se transforme en union de défense sans pour autant renoncer à ses objectifs économiques, sociaux ou commerciaux. L'UE doit être capable de protéger elle-même ses habitants et son territoire. La population veut que l'UE assure sa sécurité externe et interne.
«C'est la nouvelle tâche supplémentaire de l'Union européenne: assurer la sécurité!», a-t-il lancé.
«La communauté européenne doit abandonner le principe de l'unanimité dans la prise des décisions. Les questions de politique étrangère devraient être réglées à la majorité qualifiée», a-t-il affirmé dans l'interview.
Pour ce qui est des arsenaux nucléaires de la France, leur importance «ne peut être mésestimée».
«En effet, après la sortie du Royaume-Uni de l'UE, la France sera la seule puissance nucléaire européenne. En outre, le pays est le seul membre de l'UE à être membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. À cet égard, la France jouera à l'avenir un rôle particulièrement important au sein de l'UE en matière de défense et de sécurité», a constaté Wolfgang Ischinger.
En outre, il estime qu'il faudrait réfléchir à «l'européanisation du potentiel nucléaire français». Il s'agit de savoir si et comment la France pourrait rendre sa capacité nucléaire stratégiquement disponible pour l'ensemble de l'UE.
Et si le coûteux potentiel nucléaire français devait être développé, il ne faudrait pas s'attendre à ce que Paris le finance avec son budget. Les autres pays devront fournir des contributions appropriées.
«Il serait nécessaire de préciser les contributions que les partenaires européens devraient apporter pour partager équitablement les charges», a expliqué Wolfgang Ischinger.
Toutefois, il estime qu'il serait dommage de faire comprendre à Washington que l'Europe n'a plus besoin de son aide.
«Notre dépendance des capacités militaires américaines est essentielle pour la sécurité de l'Europe et de l'Allemagne à court, moyen et long terme. Nous sommes aveugles, sourds et impotents sans notre partenaire américain. Nous devons plutôt prouver que nous sommes des alliés efficaces avec qui il est possible de coopérer en matière de défense.»