Fake news, complotisme: «vous êtes bête ou méchant si vous ne pensez pas comme les élites»

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François-Bernard Huyghe - Sputnik Afrique
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Comment expliquer le succès des Gilets jaunes? Comme Emmanuel Macron l’a induit, sont-ils victimes de désinformation et de Fake news, venues de l’étranger? Que signifient réellement ces accusations? François-Bernard Huyghe, spécialiste de la communication à l’IRIS et auteur de «Dans la tête des Gilets jaunes» répond à Sputnik.

Emmanuel Macron serait «métacomplotiste». Le chef de l'État a déclaré la semaine dernière au Point que Sputnik et RT contribuent à grossir le mouvement des Gilets jaunes: «ce sont des gens qui achètent des comptes, qui trollent. C'est Russia Today, Sputnik, etc.».
Pour analyser ces propos et le phénomène des Fake news d'une manière plus générale, nous sommes allés à la rencontre de François-Bernard Huyghe. Ce spécialiste de la communication à l'IRIS et auteur de l'ouvrage, Dans la tête des Gilets jaunes (Éd. VA) travaille depuis des années sur les Fake news. C'est lui qui qualifie l'affirmation sans preuve de Macron de «métacomplotisme», soit le fait de dénoncer le complot des complotistes en pratiquant soi-même du complotisme.

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Les membres du gouvernement ne sont pas en reste. Benjamin Griveaux, le porte-parole du gouvernement, a ainsi estimé que des comptes liés à la Russie avaient été détectés et Mounir Mahjoubi, Secrétaire d'État chargé du Numérique, a évoqué des «forces étrangères» et «des groupuscules qui ne sont pas forcément des Nations» et investissent «massivement dans les réseaux sociaux». Le Président de la République s'est aussi illustré sur ce terrain en janvier dernier, expliquant le Brexit par des Fake news diffusées par les partisans du «Leave». Le chercheur nuance fortement cette affirmation:

«Si on prend l'exemple du Brexit, il y a eu des propos délirants des deux côtés.»

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François Bernard Huyghe rappelle ainsi les prédictions catastrophistes d'avant le référendum britannique des tenants du «Remain». Il estime également que ces infox constituent un symptôme et non une cause des crises populistes, c'est-à-dire qu'elles traduisent la méfiance chronique vis-à-vis des institutions, des partis politiques et des médias. Des fausses nouvelles qui ne viendraient que confirmer des préjugés idéologiques.
D'ailleurs peut-on mesurer l'impact de ces infox sur les votes? Le spécialiste de la communication se réfère à des études d'universités américaines, concernant l'élection de Donald Trump. Leurs résultats montreraient que ces fausses rumeurs sont noyées dans une masse d'infos plus véridiques, qu'elles sont extrêmement vite démenties et qu'il est très compliqué de mesurer leurs effets sur le vote. Il conclut ainsi:

«Donc attribuer un vote au fait que vos adversaires sont des méchants qui osent mentir, c'est enfantin, franchement enfantin et c'est même grave, parce que ça fait un effet boomerang, ça prouve le mépris dans lequel on tient les électeurs et le fait qu'on pense qu'il suffit que votre adversaire mente pour gagner.»

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Prenons deux cas d'école assez similaires, les signatures par le gouvernement et Emmanuel Macron du Pacte de Marrakech et du traité d'Aix-la-Chapelle. Deux textes qui ont suscité de nombreux commentaires complotistes, c'est vrai, mais qui posent certaines questions politiques qui auraient dû être débattues en place publique. Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan les ont vivement dénoncés, Jean-Luc Mélenchon s'est fendu lui aussi d'un billet vidéo pour dénigrer le second document. Le gouvernement et certains médias traditionnels ont coupé court au débat, accusant les responsables politiques de Fake news. Ne peut-on plus avoir en France un débat idéologique sans se faire accuser de mensonge?

«On l'assimile à du mensonge, ou à une volonté de déstabilisation, c'est à dire l'opinion critique est soit réduite à la stupidité et à la bêtise, soit assimilée à la méchanceté, puisque ce serait des subversifs qui essaieront de s'en prendre aux valeurs républicaines. Donc vous êtes ou bête ou méchant si vous ne pensez pas comme les élites.»

Et le chercheur de rappeler l'adoption récente de la loi sur les Fake news:

«Si maintenant le fait d'avoir une opinion négative sur un traité international ou sur une question géopolitique est passible de poursuites judiciaires, que ça soit Mélenchon ou Le Pen, peut importe, on rentre dans une criminalisation de la critique, du moins dans la confusion entre l'idéologique, la Fake news, la désinformation et le complot. Là, on est en train de rentrer dans quelque chose qui devient assez grave.»

François-Huyghe analyse très bien ce sentiment de méfiance que ressentent les Gilets jaunes qui en manifestant, qui en se mobilisant sur les ronds-points, rejettent les élites. Il y associe le rejet du mépris, un sursaut de fierté collective de la France périphérique:

«Ils se sentent socialement rejetés. Leurs enfants ont très peu d'avenir et surtout ils se sentent méprisés par la France d'en haut et méprisés plus que tout autre par Emmanuel Macron et ses petites phrases.»

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