Les médias publics russes persona non grata dans les rencontres internationales organisées au Canada? Oui, à en croire la décision du ministère des Affaires étrangères du Canada, qui a refusé d'accréditer les journalistes de Sputnik et Ria Novosti à la rencontre du groupe de Lima, qui s'est tenue le 4 février à Ottawa. Une attitude qui rappelle celle du gouvernement Macron en France, qui a récemment encore critiqué Sputnik et RT. Emmanuel Macron a déjà accusé lui-même ces médias de propager de fausses nouvelles dans l'Hexagone.
«Merci de votre intérêt pour la 10e réunion ministérielle du groupe de Lima à Ottawa. Cette lettre vous informe que vous n'avez pas été accrédités en tant que médias», a indiqué le ministère canadien des Affaires étrangères à Ria Novosti et Sputnik.
Cette importante rencontre du Groupe de Lima était destinée à faire le point sur la situation au Venezuela. Le Groupe de Lima est une organisation interétatique créée à Lima le 8 août 2017 pour tenter de trouver une issue pacifique à la crise vénézuélienne.
Rappelons que le 23 janvier, le président du parlement et l'un des leaders de l'opposition, Juan Guaido, s'est autoproclamé chef par intérim du gouvernement provisoire. Comme les États-Unis, le Canada a décidé de reconnaître le président autoproclamé Guaido, contrairement à la Russie et la Chine, qui soutiennent Maduro.
À l'issue de cette rencontre, le Groupe de Lima a décidé de reconnaître la «légitimité constitutionnelle» de Guaido en attendant que des élections soient déclenchées. Quant à lui, le Canada a annoncé qu'il verserait 53 millions de dollars (35,3 millions d'euros) aux Vénézuéliens pour les aider à surmonter la crise. Le gouvernement canadien veut surtout venir en aide aux Vénézuéliens qui auraient quitté leur pays en raison des politiques de Maduro. Le Canada ne versera pas d'argent à l'un des deux camps, mais se range définitivement du côté du président autoproclamé Guaido.
Le Canada derrière Juan Guaido
Les motifs exacts du refus d'accréditer les médias russes n'ont pas été mentionnés dans la lettre du ministère des Affaires étrangères canadien. Toutefois, le représentant du service de presse de la réunion du groupe de Lima et porte-parole de l'agence diplomatique canadienne, Richard Walker, a précisé sa décision. Selon lui, Sputnik ne s'est pas montré assez «aimable» envers la ministre des Affaires étrangères du Canada, Chrystia Freeland, qui est entrée en fonctions en janvier 2017. Cette ancienne journaliste a succédé au ministre Stéphane Dion (2016-2017), dont le style semblait plus apprécié par ses homologues et dans les milieux diplomatiques.
«Dans le passé, Sputnik ne n'est pas montré assez aimable avec le ministre Freeland», a affirmé à Sputnik Richard Walker.
L'attitude du Canada face aux médias russes apparaît donc comme manière de s'opposer à la décision du Kremlin d'appuyer le président Maduro. Cette nouvelle survient à un moment où les relations entre le Canada et la Russie se trouvent dans une impasse. Elle survient aussi dans un contexte où le gouvernement Trudeau semble multiplier les impairs diplomatiques, particulièrement depuis la nomination de la ministre Freeland.
Refus d'accréditation: un geste symbolique?
Précisons qu'une partie de la politique étrangère du Canada face à la Russie serait actuellement inspirée par des intérêts ukrainiens, selon certains observateurs. Jocelyn Coulon, qui a conseillé l'ancien ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, estime que les Canadiens d'origine ukrainienne utilisent leur influence pour favoriser leur ancien pays. Le million de Canadiens d'origine ukrainienne contribuerait à fabriquer une mauvaise image du pays de Dostoïevski. C'est du moins l'analyse que fait M. Coulon dans son livre Un Selfie avec Justin Trudeau, un succès de librairie au Canada.