Best of 2018: l'Iran au pied du mur, les 4 +1 impuissants face aux diktats des États-Unis

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Le retrait américain de l'accord sur le nucléaire iranien a été au centre de la scène géopolitique de 2018. Voulant faire chuter le pouvoir de Téhéran, Washington a contraint rivaux et alliés à abandonner leurs projets, notamment économiques, en Iran. Retour dans notre anthologie 2018 sur ce bras de fer, un mois après la décision de Donald Trump.

[Texte initialement publié le 06/07/2018]

Une énième réunion sur l'accord iranien? Pas vraiment. Pour quoi? Probablement pour rien.
La Russie, la Chine, la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne se réunissent ce vendredi 6 juillet à Vienne, une première depuis que les États-Unis sont sortis de l'accord, le 8 mai dernier.

Ces 4 +1 proposent actuellement à leur homologue iranien une «offre attractive» afin de permettre aux entreprises étrangères de commercer avec Téhéran et donc de parer aux sanctions américaines. Si aucune information n'est encore sortie de cette réunion, aucune solution présentée aux Iraniens ne changera probablement le destin du gouvernement de Téhéran et de l'économie de l'Iran. Toutes annonces et déclarations pourraient être résumées en un mot: rhétorique.
Depuis des mois, les autorités politiques européennes et leurs alliés n'ont cessé de soutenir officiellement le deal de 2015, le JCPOA. On allait voir ce qu'on allait voir, les 4 +1-et surtout les trois pays européens- allaient parvenir à convaincre Donald Trump de ne pas déchirer l'accord. Ce dernier avait alors reçu Emmanuel Macron, Angela Merkel et Theresa May à quelques jours d'intervalle en avril et mai dernier, pour finalement faire ce qu'il avait promis. Si le locataire de la Maison-Blanche ne cesse de réclamer un nouvel accord, il ne cherche finalement qu'une seule chose: que l'Iran mette deux genoux à terre, que le peuple iranien se révolte contre le Guide suprême Khamenei et le Président Rohani, et que des alliés de Washington, de Tel-Aviv et de Riyad s'emparent de Téhéran. Par quels moyens? L'économie.

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Dans leur «offre attractive», les signataires de l'accord de 2015 devraient proposer des facilités financières et commerciales à leurs partenaires iraniens. En effet, en se retirant du JCPOA, Trump a annoncé le rétablissement des sanctions américaines pour les entreprises voulant commercer avec la République des Mollahs. Jean-Yves le Drian, ministre des Affaires étrangères, affirmait à nos confrères de RTL ce vendredi 6 juillet:

«Il faut qu'on cherche les solutions pour que l'Iran puisse avoir les compensations économiques nécessaires qu'il doit avoir et qu'il faut maintenant imaginer, sachant que les États-Unis ont décidé de mettre des mesures extraterritoriales, qui visent des entreprises qui en gros, utilisent le dollar pour leurs négociations commerciales, donc il faut mettre en place avec nos partenaires, un dispositif qui permet à l'Iran de continuer à commercer temps qu'il respecte ses engagements.»

En effet, après avoir dénoncé les agissements de Washington le 16 mai, Bruno Lemaire, ministre de l'Économie, faisait savoir le 6 juin dernier qu'il avait envoyé une lettre avec ses partenaires européens pour demander: «une exemption de toute sanction extraterritoriale américaine pour les entreprises européennes opérant légitimement en Iran et qui doivent pouvoir continuer à le faire!»

Mais pour finalement annoncer le 19 juin que «la plupart des entreprises françaises ne pourront pas rester en Iran.» Ainsi, Total, PSA, Engie, Thalès, AccorHotels et tant d'autres ont déjà annoncé leur prochain départ; comme un grand nombre d'entreprises européennes et même chinoises.

Choix cornélien pour les entreprises présentes aux États-Unis et en Iran: elles délaisser l'un des deux marchés; mais si elles optent pour Téhéran, elles devront faire face au problème évoqué par Jean-Yves le Drian lui-même: le dollar. La monnaie américaine, même fragilisée, continue de régir les grands échanges internationaux. Et sans mécanisme européen indépendant, les banques ont déjà annoncé leur refus de participer financièrement aux projets d'investissement à destination de Téhéran.
Ainsi, les entreprises étrangères n'investissent plus en Iran, l'économie du pays est de nouveau touchée de plein fouet, la monnaie ne cesse de chuter… Et le pétrole?

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Fortement dépendant de l'or noir, l'Iran se voit contraint, indirectement, par les États-Unis, de ne plus vendre ses ressources pétrolières à partir du 4 novembre, qui atteindront près d'1,2 milliard de barils/jour, représentant trois milliards de dollars par mois. Si la Chine, l'Inde et la Turquie ont déjà annoncé qu'ils refuseraient de respecter l'embargo pétrolier iranien, la Russie, elle, semble avoir déjà accepté cette situation. En effet, en marge du sommet de Saint-Pétersbourg en mai dernier, les ministres de l'énergie russe, saoudien et émirati s'étaient entendus pour faire remonter leur production journalière.

La situation économique actuelle est donc difficile et devrait se détériorer ces prochaines semaines, mettant encore davantage la pression sur les épaules du Président Hassan Rohani, grand architecte et défenseur de l'accord de 2015 dans son pays.

Ce dernier hausse donc le ton en direction des 3E (France, Royaume-Uni et Allemagne) en menaçant de rompre ses engagements pris en juillet 2015. Conscient des limites de ces pays, Hassan Rohani, qui ne peut se passer du savoir-faire et de la monnaie européenne pour développer son économie, a rencontré ces derniers jours ses homologues suisses et autrichiens. Si l'on pouvait imaginer que le Président iranien était cette semaine en Europe pour diversifier ses soutiens au sein de la communauté européenne, il convient de préciser que ces rencontres étaient prévues bien avant le 8 mai 2018, date d'annonce du retrait américain.
Mais quoi qu'il en soit, un évènement est venu quelque peu ternir son opération de séduction: un projet d'attentat. Lundi 2 juillet, les autorités policières françaises et belges ont annoncé l'arrestation d'un couple de Belges d'origine iranienne, qui projetait de fomenter un attentat contre les moudjahidin du Peuple (MEK). Cette organisation iranienne, fortement opposée aux pouvoirs des Mollahs, est interdite par Téhéran, qui la considère comme terroriste. Le chef de la diplomatie iranienne, Jarif Zayid a dénoncé une mise en scène, affirmant que les deux membres arrêtés font partie des MEK.

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Se réunissant à Villepinte près de Paris, les MEK accueillaient cette année, de nombreuses personnalités anti-Rohani/Khamenei, dont l'ancien maire de New York, ami et avocat de Donald Trump, Rudy Giuliani. Celui qui aurait l'oreille du Président Trump était donc invité par les MEK pour discourir sur un changement de régime en Iran. Si la pression d'un «# IranRégimeChange» sur l'Iran provient des États-Unis, d'Israël et de l'Arabie saoudite, elle s'exerce aussi à partir de la France. En effet, le député de la République française Meyer Habib ne cesse de dénoncer les politiques de Téhéran:

Pourquoi la France accueille-t-elle les moudjahidin du Peuple? Pourquoi permet-elle que des autorités officielles appellent à une révolution dans un pays qu'elle est censée défendre?
Si le discours qui se veut clair ne l'est pas, les faits exposés ci-dessus, eux, mettent en lumière le peu d'espoir qu'il reste à une application de l'accord du nucléaire iranien.

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