Vers une alliance stratégique Turquie-Qatar-Iran?

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Peut-on parler d'un nouvel arc d'alliances dans la zone la plus instable de la planète? Pour contrecarrer l'alliance Israël- Arabie saoudite- Émirats arabes unis, la Turquie, le Qatar et l'Iran ne cessent de se rapprocher les uns des autres, sur les plans diplomatique, financier, mais surtout géopolitique et stratégique. Analyse.

L'information est passée totalement inaperçue dans la presse française, mais est pourtant primordiale pour expliquer les relations au Moyen-Orient en pleine affaire Khashoggi et conflit entre l'Iran et Israël. 

Le Cheikh Tamim ben Hamad Al Thani, Émir du Qatar a de nouveau été reçu ce 26 novembre à en Turquie par Recep Tayyip Erdogan. Un tête-à-tête entre les deux hommes avait déjà eu lieu en août dernier, rencontre durant laquelle l'émir avait apporté au «sultan» d'Ankara une aide financière considérable. Un investissement de 15 milliards de dollars en Turquie, principalement consacrés au secteur bancaire pour empêcher une crise économique et financière à Istanbul, en conflit économico-diplomatique ouvert avec Washington.

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Cette fois-ci, de nombreux protocoles de coopération ont été signés dans des domaines comme ceux du commerce et de l'économie, du transport ou encore de la culture. Mais au-delà de ces renforcements structurels bilatéraux, les deux pays, par l'intermédiaire de leurs dirigeants, ont affiché une entente solide:


«La Turquie et le Qatar ont montré à plusieurs reprises qu'ils étaient de véritables amis.»


Rappelant les épisodes d'entraide du passé, Erdogan va jusqu'à définir les relations entre la Turquie et le Qatar, d'amitié. En effet, avant les évènements d'août dernier, Doha avait déjà manifesté son soutien à Ankara lors de la tentative de coup d'État de juillet 2016, où Erdogan avait été brièvement menacé d'être renversé par un putsch militaire appuyé, selon le maître du «palais blanc», par des puissances étrangères, États-Unis en tête. De son côté, Erdogan n'a cessé d'agir pour briser le blocus terrestre, maritime et aérien que subit le Qatar depuis juin 2017.

Finalement, si ces deux États ont des objectifs distincts —la Turquie veut s'imposer comme la puissance régionale et le Qatar cherche une reconnaissance internationale- ils ont choisi de s'unir face à leur ennemi commun: l'Arabie saoudite en tête et les Émirats arabes unis.

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Pourtant, au-delà du principe «des ennemis de mes ennemis sont mes amis», le rapprochement entre Ankara et Doha peut surprendre. S'ils sont tous sunnites, les premiers promeuvent la doctrine des Frères Musulmans (FM), tandis que les seconds celle du wahhabisme. De manière très concrète, deux cas illustrent cette opposition.
Le premier est l'opposition frontale des deux puissances régionales en Égypte. En effet, le pouvoir du Caire ne cesse d'être déstabilisé par les rivalités entre Wahhabites et Fréristes: révolutions, guérillas, purges, etc. Par ailleurs, la Turquie et le Qatar sont en rivalité autour du conflit israélo-palestinien. De manière très schématique, l'Arabie saoudite, après avoir été le plus grand défenseur de la cause palestinienne, s'en est détournée en accordant ses intérêts régionaux avec Israël, laissant de facto, le leadership au Qatar et à la Turquie.

Et c'est de cette alliance géostratégique wahhabito-sioniste qu'est né l'arc Israël-Arabie saoudite-Émirats arabes unis, avec comme but initial et probablement final, de détruire l'Iran, qui leur conteste le leadership régional. La conséquence a été que leurs ennemis, en réaction, se sont rapprochés et ont formé à leur tour un arc Turquie-Qatar-Iran.

Les évènements prouvant ce rapprochement sont légion ces dernières années. Outre l'alliance turco-qatarie évoquée précédemment, Ankara ne cesse de consolider sa relation avec Téhéran, notamment en se moquant de la réimposition des sanctions américaines découlant de la sortie des États-Unis de l'accord nucléaire signé en 2015, et se place donc en opposition directe avec les intérêts de Tel-Aviv et de Riyad.
Durant la crise diplomatique du Golfe contre le Qatar, en plus de la Turquie, l'Iran avait envoyé des tonnes de vivres (notamment des fruits et légumes) et avait ouvert son espace aérien et ses eaux territoriales, réduisant l'efficacité du blocus imposé par Abu Dhabi et Riyad. En mai 2018, l'émir avait, selon l'agence de presse officielle QNA,


«exprimé sa gratitude au président iranien pour la position de l'Iran vis-à-vis du siège imposé au Qatar.»


Cette bonne entente s'explique aussi par l'exploitation commune du plus grand gisement gazier au monde (North Dome, North Field, South Pars, à cheval entre les eaux territoriales qatariennes et iraniennes) qui exige une coordination permanente entre les deux pays.

Le rôle de chacun dans la guerre en Syrie avait longtemps empêché la formation de cet arc finalement très hétéroclite et pourrait, ces prochaines années, le détériorer. Mais force est de constater qu'aujourd'hui, l'influence du Qatar, qui soutenait des factions rebelles et djihadistes, a été considérablement réduite et que pour le moment, la Turquie et l'Iran se mettent souvent d'accord, souvent via leur «ami» russe. Et ils devraient continuer à s'entendre puisqu'ils partagent l'objectif d'empêcher toute formation d'un Kurdistan au Proche et au Moyen-Orient —le territoire situé à l'ouest de l'Euphrate étant déjà au centre des enjeux des conflits syriens et irakiens. D'autant plus —même si ces informations doivent être encore confirmées- que des forces armées d'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis pourraient être présentes sur ce territoire. Et si tel est le cas, elles se retrouveraient directement en confrontation avec des soldats turcs ou iraniens ou du moins des factions soutenues par Téhéran et Ankara.

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Cependant, il convient de nuancer la solidité de cette alliance Turquie-Qatar-Iran. En effet, il n'est pas inenvisageable que le Qatar se rapproche de nouveau de son puissant voisin saoudien et que les ambitions de dominations régionales de Téhéran et d'Ankara se percutent à long terme. Tout est une question de circonstances et de moment, surtout au Moyen-Orient.

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