Après la signature du Pacte de Marrakech, «la situation en Belgique est assez exotique»

© AFP 2024 JONAS ROOSENS / Belga Démonstrations en Belgique
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La décision du Premier ministre belge de signer le Pacte de Marrakech sur les migrations a provoqué la sortie des indépendantistes flamands du gouvernement et des manifestations dans le centre de Bruxelles. Selon des experts interrogés par Sputnik, Charles Michel a pris ce risque pour conserver l’image de Bruxelles en tant que capitale européenne.

Bien que menacé par l'éclatement de la «suédoise», Charles Michel s'est toutefois rendu à Marrakech où il a signé le 10 décembre le Pacte mondial pour les migrations sûres, ordonnées et régulières. Quelques jours plus tard, environ 5.500 personnes sont sorties dans les rues de Bruxelles afin de réclamer le rejet de ce document. Comment expliquer cette détermination du Premier ministre belge qui n'a pas reculé devant le danger de la déstabilisation de la situation intérieure en signant ce Pacte rejeté par plusieurs pays européens?

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L'intransigeance de Charles Michel peut s'expliquer par le fait que Bruxelles abrite plusieurs institutions européennes et se sente lié à la position de l'UE sur ce sujet, estime Vladimir Zorine, membre de la présidence du Conseil pour les relations interethniques auprès du Président russe, interrogé par Sputnik lors d'une conférence sur la migration organisée à Moscou le 17 décembre, la veille de la Journée internationale célébrée ce mardi.

«Il ne faut pas oublier que Bruxelles est la capitale de l'exécutif européen. Je pense qu'il [le Premier ministre belge, ndlr] était sous la pression de la responsabilité et du politiquement correct», a déclaré M.Zorine.

Fin novembre, Federica Mogherini, la haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a réitéré le «plein soutien» de l'UE au Pacte de l'Onu sur les migrations. En déplorant la décision de certains pays-membres de l'UE de ne pas y adhérer, elle a qualifié ce document d'«instrument adéquat» pour gérer les flux migratoires. Selon elle, «aucun pays ne peut remédier seul à cette problématique».

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Néanmoins, la situation actuelle en Belgique témoigne de la divergence entre ce point de vue et celui de certaines forces politiques belges dont le parti flamand N-VA qui faisait partie du gouvernement du pays depuis quatre ans. Le 9 décembre, les ministres N-VA ont annoncé leur départ du gouvernement de coalition suite à la décision de Charles Michel de se rendre à Marrakech pour signer le pacte.

Jan Jambon, vice-Premier ministre belge représentant la N-VA, a déclaré que ce pacte contredisait les fondements de la politique migratoire belge, notamment en ce qui concerne le regroupement familial, les prestations sociales destinées aux migrants et le retour des immigrés clandestins.

«La situation en Belgique est assez exotique. Le parti N-VA […] s'est définitivement opposé à la position du Premier ministre de signer ce document même s'il n'est pas contraignant. Et ils [les ministres N-VA, ndlr] sont partis du gouvernement. En fait, une crise gouvernementale est en train de se déclencher en Belgique», explique Nikolaï Topornine, maître de conférences de l'Institut d'État des relations internationales de Moscou, interrogé par Sputnik.

La politique migratoire plus stricte prônée par la N-VA est également soutenue par de nombreux citoyens du pays. D'après un sondage réalisé en septembre dernier par Le Soir — RTL Info — Ipsos, 55% des personnes interrogées ont jugé «trop laxiste» l'actuelle politique envers les migrants en transit.

Le mécontentement de la population s'est manifesté lors des manifestations du 16 décembre organisées à Bruxelles par plusieurs associations de droite flamandes comme KVHV, NSV, Schild & Vrienden, Voorpost et Vlaams Belang Jongeren et réunissant quelque 5.500 manifestants.

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Bruxelles a donc préféré rester fidèle à son soutien au pacte à l'inverse de certains autres pays et malgré les sentiments de nombre de citoyens. Comme l'explique Nikolaï Toporninela volte-face de plusieurs pays peut s'expliquer par l'évolution du contexte.

«Les pays qui n'ont pas signé [le pacte de Marrakech, ndlr] estiment qu'il a été élaboré par inertie, comme toujours au sein des Nations unies[…] Le contexte a radicalement changé», précise-t-il.
Parmi ces pays, figure notamment la Suisse, coprésidente des négociations, qui au dernier moment a refusé de s'associer au Pacte de Marrakech.

Il est à rappeler que c'est en septembre 2016 que les 193 membres de l'Assemblée générale de l'ONU avaient adopté à l'unanimité un texte appelé «Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants». Depuis ce moment, plusieurs dirigeants reflétant les sentiments anti-immigration ont pris le relais de ceux qui avaient à l'époque soutenu la Déclaration de New York.

Les États-Unis ont été les premiers à signaler un changement d'attitude à l'égard de cette question après l'arrivée au pouvoir de Donald Trump. En décembre 2017, Washington s'est retiré des négociations sur le pacte en le jugeant «incompatible» avec la politique migratoire du nouveau Président.

«La Déclaration de New York comprend plusieurs dispositions qui sont incompatibles avec les politiques américaines d'immigration et des réfugiés et les principes édictés par l'administration Trump en matière d'immigration», peut-on lire dans le communiqué de la mission des États-Unis auprès de l'ONU publié après le retrait américain.

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L'Europe a également connu le renforcement des partis qui prônent une politique migratoire plus stricte. En décembre 2017, un gouvernement de coalition a été formé en Autriche à la suite d'un accord entre le Parti de la liberté d'Autriche et le Parti populaire autrichien présidé par l'actuel chancelier du pays Sebastian Kurz. Par conséquent, Vienne a refusé de signer le Pacte de Marrakech en évoquant des préoccupations pour sa souveraineté nationale».

L'Italie est un autre pays européen qui ne participe pas à ce pacte. Fin mai, la Lega et le Mouvement 5 Étoiles ont formé un gouvernement de coalition suite à leur victoire aux législatives du mois de mars 2018. Depuis, la législation italienne en matière d'accueil des réfugiés s'est durcie. En septembre dernier, le conseil des ministres du pays a adopté le décret Salvini, du nom du ministre italien de l'Intérieur, Matteo Salvini, qui élargit notamment la liste des délits prévoyant la suspension de la demande d'asile et l'expulsion du demandeur.

Le Pacte mondial sur les migrations des Nations unies a été formellement approuvé lundi à Marrakech, après la proclamation orale et le traditionnel coup de marteau, devant quelque 150 pays réunis en conférence intergouvernementale.

Ce document vise en premier lieu à renforcer «la coopération relative aux migrations internationales sous tous leurs aspects». Le pacte n'est juridiquement pas contraignant, mais les pays qui l'ont rejeté ont fait valoir qu'ils voulaient conserver une gestion nationale des flux migratoires et qu'ils redoutaient l'utilisation du Pacte lors de recours devant la justice. Le 19 décembre, il doit être soumis à un vote de ratification au sein de l'Assemblée générale.

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