La réunification de la Bretagne met-elle à l'épreuve la démocratie française?

© AFP 2024 JEAN-SEBASTIEN EVRARDDrapeaux bretons
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Une pétition pour la tenue d'un référendum sur le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne a déjà recueilli plus de 103.000 signatures. Mais sera-t-elle prise en considération par le Conseil départemental? Romain Bily, secrétaire général de Bretagne Réunie, a partagé avec Sputnik ses craintes.

Cela fait déjà plus de 40 ans que la Loire-Atlantique cherche sans résultat à être réunie à la Bretagne, nous explique Romain Bily, secrétaire général du mouvement Bretagne Réunie. Depuis 40 ans, souligne-t-il, tous les sondages montrent qu'environ 70% de la population tant en Loire-Atlantique qu'en Bretagne est pour que le département fasse partie de sa région historique.

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Le moyen légal qui permet à un département de changer de région, c'est le droit d'option, qui a été adopté par le Sénat en août 2015 et restera effectif jusqu'au 1er mars 2019. C'est pour cette raison, poursuit M. Bily, qu'après plusieurs demandes adressées en vain à Philippe Grosvalet, président du conseil général de Loire-Atlantique, afin d'organiser le débat sur la tenue du référendum au sein du Conseil départemental, les partisans de la réunification ont lancé une pétition. Celle-ci a déjà recueilli plus de 103.000 signatures, soit 10% du corps électoral du département. Ainsi, la pétition doit obliger M.Grosvalet à mettre la question du referendum à l'ordre du jour de la prochaine réunion qui se tiendra lundi 17 décembre.

Dans une vidéo postée vendredi 30 novembre, M.Grosvalet a déclaré avoir «entendu les habitants de la Loire-Atlantique».

«La démocratie m'oblige à poser la question [du rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne, ndlr] aux élus du département lors de la prochaine session, soit dès le 17 décembre prochain», a-t-il indiqué.

​Pourtant, selon M.Bily, ce n'est pas ce genre de «démocratie» que Bretagne Réunie et les pétitionnaires veulent.

«L'objet de notre pétition, c'était l'organisation d'une consultation d'un département, un référendum et pas qu'ils [les élus, ndlr] en discutent entre eux, entre les conseillers départementaux.»

Ici, a souligné M.Bily, c'est la question de la vraie démocratie qui est même plus importante que la question de la tenue d'un référendum:

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«Ce que nous critiquons, nous, c'est la démocratie en France, puisqu'un président d'un conseil, un président d'un département qui est contraint par la loi de discuter de la tenue d'un référendum dans le département, et ils ne veulent pas le faire parce qu'ils veulent en discuter entre eux. Nous ce qu'on dénonce ce n'est pas le fait qu'ils ne veulent pas faire le référendum, c'est le fait qu'ils ne veulent pas le mettre à l'ordre du jour parce que normalement ils sont obligés de le faire.»

Entendre les habitants de la Loire-Atlantique est d'autant plus important, insiste M.Bily, que les conseillers départementaux n'ont pas été élus pour se prononcer à ce sujet:

«Les électeurs, les habitants de la Loire-Atlantique, sont demandeurs de ce genre de consultation, ils veulent donner leur avis et ils ne veulent pas forcément que ce soit des conseillers départementaux qui n'ont pas été élus sur ce point-là. M.Grosvalet, il a bien précisé le jour de sa conférence de presse en disant qu'il avait convoqué les présidents des autres groupes du département pour leur en parler parce qu'ils n'étaient pas élus pour ça. Nous, on lui retourne l'argument en disant: "vous n'êtes pas élus pour ça, donc laissez le peuple décider". Nous, ce qu'on demande c'est un référendum, une consultation.»

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Face au risque que la demande des pétitionnaires soit ignorée le 17 décembre, le récent communiqué de Bretagne Réunie pose la question «faut-il mettre un gilet jaune ou un bonnet rouge pour être enfin entendu?». M.Bily nous a expliqué ce que son organisation voulait dire par cet avertissement:

«Si le seul outil légal dont on dispose pour pouvoir arriver à notre but est balayé de la main d'un seul coup, on peut se poser une question: nous avons organisé les manifestations tous les ans, on a réuni jusqu'à 40.000 personnes en 2014, on n'a pas été écoutés, c'est pour ça qu'on a décidé de passer à la pétition. On voit que, pour l'instant, il n'y a aucun suivi. C'est pour ça qu'on fait des parallèles avec les Gilets jaunes et les Bonnets rouges, on est dans la même thématique d'élus qui sont complètement déconnectés de la population et qui n'écoutent pas leurs électeurs.»

Ce refus permanent de mettre en œuvre le droit d'option pour la réunification de la Bretagne est d'autant plus étrange, selon M.Bily, que c'était initialement les élus bretons qui avaient proposé ce mécanisme pour que la Loire-Atlantique puisse revenir en la Bretagne.

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«Pour nous, c'était inconcevable que la région Pays de la Loire soit fusionnée avec la Bretagne. Ça posait un certain nombre de soucis. Il y a des élus qui ont proposé justement ce droit d'option qui permettait à un département de quitter une région pour rejoindre une limitrophe qui est juste à côté. Lors de la réforme, c'était des régions entières qui devaient fusionner entre elles. Elles ne pouvaient pas "réajuster" et juste avant la réforme territoriale de 2015 le seul endroit où il y avait une revendication de changer la région c'était la Loire-Atlantique, en Bretagne, et le seul endroit qui n'a pas été redécoupé, c'est l'ouest de la France».

Quoiqu'il en soit, même si le droit d'option expire le 1er mars 2019, c'est au début de la semaine prochaine que la question de référendum doit être décidée. «S'ils ne font rien lors de cette session du Conseil départemental, c'est fini. Nous, au niveau du calendrier, on voulait absolument les déposer pour la session du mois de décembre puisque ça laisse encore le temps d'organiser la consultation», a conclu M.Bily.

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