Catalogne, un cas d’école pour les indépendantistes en France?

© AFP 2024 Josep LagoDrapeau de la Catalogne
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La Catalogne se détachera-t-elle de l’Espagne? La question est sur toutes les lèvres alors que Carles Puigdemont pourrait déclarer unilatéralement l’indépendance ce mardi. Cela va-t-il donner des idées aux indépendantistes de notre côté des Pyrénées? Éléments de réponse.

«Nous avons ouvert la porte à la médiation, nous avons dit "oui" à toutes les possibilités de médiation qui nous ont été présentées. Les jours passent et si l'État espagnol ne répond pas de manière positive, nous ferons ce que nous sommes venus faire». Carles Puigdemont, le Président du gouvernement autonome catalan, a été clair quant à la possibilité de déclarer unilatéralement l'indépendance de la Catalogne. Une déclaration qui pourrait intervenir à 18h devant le Parlement régional.

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Un cas de figure sans précédent dans l'Union européenne, les Écossais ayant rejeté lors du dernier référendum l'indépendance vis-à-vis du Royaume-Uni et qui «donne quelques idées» à Olivier Berthelot, Président du Parti Breton, qui évoque des «préoccupations communes» de part et d'autre des Pyrénées. Des préoccupations face à des logiques étatiques très centralisatrices, face auxquelles il estime que Bruxelles n'intervient pas:

«Malheureusement on se rend compte que cette maison commune est en train de devenir une prison commune, puisque ce qu'on peut constater c'est que l'Europe ne répond pas à la demande de médiation des indépendantistes catalans.»

Cet «indépendantiste de raison», qui estime que la Bretagne s'en tirerait mieux sans une France qui «gère mal ses affaires», juge «préoccupant —pour ne pas dire plus» les «obstacles» mis en place par l'État espagnol face à la décision d'un peuple «qui n'est pas respectée». Il regrette la crise dans laquelle se sont enfermées les deux parties: «on peut être indépendantiste sans être antiespagnol. Ce qui caractérise la Catalogne comme la Bretagne, c'est le côté pacifique des gens: des gens calmes, on aime discuter, on aime convaincre.»

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«Les Catalans sont des gens qui sont pro-européens, tout comme l'est l'ensemble des Bretons, il y a une majorité qui se reconnaît en Bretagne dans la maison commune de l'Europe.»

Tendre les bras à l'Europe, un phénomène observé tant en Écosse —qui souhaite, contrairement au Royaume-Uni, rester dans l'Union- qu'en Catalogne. Pourtant, si les Catalans plébiscitent une Union européenne, qui elle-même favorise les cultures régionales et dans une certaine mesure les velléités autonomistes, voire sécessionnistes, pas dit que leur profil soit des plus compatibles avec les «valeurs européennes». En effet, le désir de préserver la culture catalane et de ne pas redistribuer les richesses de la région aux autres sont deux gros accrocs auxdites valeurs.

«C'est quand même très dramatique, parce qu'on a un processus électoral démocratique, qui aboutit avec une absence totale de dialogue alors que les Catalans comme les Bretons sont des gens pacifiques qui sont prêts à discuter, à écouter, ce sont des gens très raisonnables. On leur dit simplement que la maison commune Europe est une maison commune, ce n'est pas une citoyenneté —alors qu'on nous parlait de citoyenneté européenne- "si vous partez, vous serez déchu de votre citoyenneté européenne et en plus on essaiera de vous voler vos fleurons économiques". Ce sont quand même des choses qui interpellent.»

Votée début septembre, la loi sur l'indépendance prévoit que celle-ci soit proclamée dans les 48 heures suite à l'annonce d'une victoire du «oui» au référendum. Un «Oui» qui l'a emporté à 90,18% des suffrages (43% de participation), le dimanche 1er octobre lors d'un référendum «illégal» selon Madrid et contre lequel le gouvernement espagnol, ainsi que la rue se sont mobilisés. Dimanche 8 octobre, entre 350.000 selon la police, et 950.000 personnes, selon les organisateurs, ont défilé dans les rues de Barcelone en faveur de l'unité de la Nation. Du jamais vu de mémoire de Barcelonais.

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Car les indépendantistes ont-ils réellement le vent en poupe? Le support de l'électorat? À titre de comparaison, en Corse, région —par excellence- pressentie pour quitter le giron de Paris notamment en cas d'indépendance de la Catalogne, Jean-Guy Talamoni, Président de l'Assemblée de Corse et militant du parti indépendantiste Corsica libera déclarait sur France info au lendemain même du référendum catalan qu'«un scrutin d'autodétermination ne recueillerait pas une majorité de suffrages» dans l'île de Beauté.

Une semaine plus tard, Gilles Simeoni- Président du Conseil Exécutif de Corse- balayait au micro de RTL la perspective de la tenue d'un référendum en Corse au cas où la Catalogne quitterait le giron de Madrid.

«Aujourd'hui, la situation entre la Corse et la Catalogne présente un certain nombre de points communs, il y a des deux côtés des aspirations à la reconnaissance de la langue, de la culture, à plus de pouvoir, mais il y a aussi des différences qui sont fondamentales au niveau économique, au niveau institutionnel, au niveau démographique. Donc je crois qu'agiter le spectre d'un référendum d'indépendance, en Corse, aujourd'hui, n'a vraiment aucun sens.»

Rappelons que la Catalogne représente un cinquième du PIB espagnol, faisant d'elle la région la plus riche d'Espagne, ce qui est loin d'être le cas de la Corse en France. Mais Olivier Berthelot ne perd pas pour autant espoir, on comprend que l'indépendance est un objectif à long terme. Il évoque les «solutions très avantageuses» obtenues pas à pas au Pays basque espagnol et en Écosse:

«Si vous prenez l'exemple des Écossais, ils ont démarré en étant tout petits: le SNP [Scottish National Party] faisait 3% il y a un peu plus de 20 ans, mais simplement ils ont eu à cœur d'expliquer aux Écossais que le bien-être des Écossais passait par plus de pouvoirs- plus d'autonomie- ils ont eu leur Parlement. Ils ont montré à leurs citoyens que c'était bénéfique et même s'ils n'ont pas eu l'indépendance, parce qu'ils ont perdu au dernier référendum, ils ont une relation apaisée avec les Britanniques qui ont reconnu qu'ils étaient une nation, ce que refusent les Espagnols à la Catalogne, ce que refusent les Français à la Bretagne.»

Quoi qu'il en soit, la France a fait passer le message à ses propres indépendantistes en évoquant la situation en Catalogne: «s'il devait y avoir une déclaration d'indépendance, elle serait unilatérale, elle ne serait pas reconnue,» a ainsi précisé lundi matin Nathalie Loiseau, ministre française des Affaires européennes, sur la chaine Cnews. Il faut dire qu'il n'est dans l'intérêt d'aucun pays d'encourager les régionalismes, pouvant déboucher sur des velléités indépendantistes.

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