«L'exploitation des données publiques, aux États-Unis, indique que, en dix ans, le nombre d'incidents liés [aux dispositifs médicaux, ndlr] approche des cinq millions et demi, avec comme conséquence près d'un million et demi de blessés et plus de 80.000 morts» affirme l'enquête internationale «Implant Files».
L'enquête «Implant Files», qui a été menée sur un an par 250 journalistes de 59 médias internationaux, coordonnée par le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ), révèle des failles dans la surveillance des dispositifs médicaux et des implants. Ces failles entraîneraient la mise sur le marché de produits défectueux ou pas suffisamment testés, pouvant entraîner des accidents graves et des décès.
«Tous les incidents ne sont pas forcément dommageables au patient. Une agrafeuse chirurgicale qui dysfonctionne ou une poche d'infusion qui fuit par exemple sont comptabilisés comme des incidents médicaux, alors qu'ils n'ont que peu voire pas d'impacts sur le patient.»
D'ailleurs, l'ANSM distingue les dispositifs médicaux selon quatre classes de risque, depuis le risque le plus faible (par exemple les compresses, les lunettes, les béquilles etc.) au risque le plus élevé (par exemple les implants mammaires, les stents, les prothèses de hanche, etc.).
Michèle Rivasi, députée européenne EELV et agrégée en biologie, confirme et renchérit:
«Le scandale des prothèses PIP entre 2010 et 2013, que j'ai dénoncé à l'époque au Parlement européen, n'était pas un épiphénomène mais le révélateur d'un système qui dysfonctionne au détriment de la santé de nos concitoyens.»
Or, en 2017, l'ANSM a relevé en France 18.208 «incidents» liés à des dispositifs médicaux, soit plus de deux fois plus qu'en 2008. Alors même que seuls 1 à 10% des incidents survenus seraient effectivement déclarés.
La députée Michèle Rivasi dénonce «un système de mise sur le marché et de surveillance défaillant» qui entraîne des cas de décès tous les ans. Le dysfonctionnement du système de contrôle des dispositifs médicaux en France se déclinerait à quatre niveaux:
«Au niveau tout d'abord de l'évaluation et de la mise sur le marché au niveau européen avec des organismes notifiés délivrant le label CE non évalués et non contrôlés. Au niveau national avec une absence de contrôle à priori de l'ANSM qui ne fait qu'enregistrer les organismes notifiés pour les dispositifs médicaux commercialisés en France alors qu'elle est en charge de leur contrôle. Au niveau de l'ANSM avec une défaillance de la pharmacovigilance (avec un registre de données inefficace et incohérent) alors que l'agence a la charge de la surveillance du marché des dispositifs médicaux. Enfin, au niveau du contrôle des données avec une opacité intolérable masquant la défaillance du système.»
«J'ai demandé à la Commission européenne d'opter pour un système d'autorisation avant commercialisation pour certaines catégories de dispositifs médicaux (implantés dans le corps).
J'ai également demandé à la Commission d'exiger une évaluation toxicologique appropriée de tous les dispositifs médicaux, et de proposer l'élimination graduelle de l'utilisation des substances qui sont carcinogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction.»
Contactée par Sputnik pour répondre à ces critiques, l'ANSM ne s'est pas encore manifestée.