Alors que «punir» Riyad ne fait toujours pas partie des projets de Trump, plusieurs sénateurs américains continuent d'exiger du Président qu'il éclaricisse la question de la culpabilité du prince héritier saoudien, écrit le quotidien Kommersant.
Le monde est un endroit «dangereux»
D'après le site d'information américain Axios, lors d'un entretien privé Donald Trump aurait même qualifié «d'aberrant» le fait que les gens «exagèrent l'importance de l'assassinat d'un seul homme par les Saoudiens compte tenu des pratiques impitoyables de pays comme la Chine».
Dans les semaines qui ont suivi, Donald Trump a tout fait pour ne pas détériorer les relations de son pays avec l'Arabie saoudite. Le communiqué publié mardi s'inscrit dans cette ligne: le journaliste n'est mentionné qu'au quatrième paragraphe du document. Avant cela, le président évoque la menace que représente à ses yeux l'Iran pour l'Arabie saoudite, les USA et Israël.
Il rappelle également la somme de 450 milliards de dollars que Riyad est prêt à investir aux USA, dont 110 milliards de dollars pour l'achat de matériel militaire.
L'Arabie saoudite a été le premier pays visité par Donald Trump en tant que président. Après Riyad, il s'était rendu à Tel-Aviv. L'axe était ainsi tracé: les USA, l'Arabie saoudite et Israël face à l'Iran. Cette alliance a été inspirée par le gendre et le conseiller du président Jared Kushner. Les accords politiques ont été scellés par des contrats de plusieurs milliards de dollars qui, selon Donald Trump, «pourvoiront des centaines de milliers d'emplois aux USA».
Les journalistes américains ont déjà calculé que c'était faux, que ces contrats étaient une déclaration d'intention et non des transactions réelles, mais Donald Trump ne revient pas sur ses propos. La collaboration avec le royaume est devenue un élément primordial de la politique nationale et étrangère de son administration.
Daniel Levy, directeur du centre de recherche américain USA/Moyen-Orient, note que l'establishment américain s'est retrouvé face à un dilemme compliqué. D'un côté, beaucoup ont cru aux réformes entreprises en Arabie saoudite, assimilées au nom du prince héritier. De l'autre, il est impossible d'ignorer les échecs du royaume en politique étrangère, notamment la catastrophe au Yémen ou les tentatives de retenir et de faire démissionner le premier ministre libanais Saad Hariri. «Ce dilemme est apparu avant l'assassinat de Jamal Khashoggi, mais sa mort a créé une immense épine dans le pied de l'administration américaine», constate Daniel Levy.
Selon l'expert, certains acteurs du système politique américain ont conclu que Mohammed ben Salmane était dangereux pour les intérêts des USA.
«Néanmoins, pour des raisons pas toujours évidentes, qu'il s'agisse des intérêts du monde des affaires ou des engagements financiers de Riyad vis-à-vis des USA, Kushner reste attaché au maintien de la coopération avec l'Arabie saoudite», souligne Daniel Levy. D'après lui, le gendre du Président apprécie Mohammed ben Salmane pour son «attitude amicale envers Israël et l'agression envers l'Iran».
Mais certains désapprouvent la politique du locataire de la Maison-Blanche, et ce même dans les rangs de son administration. En fin de semaine dernière a été annoncée la démission de Kirsten Fontenrose, collaboratrice du Conseil de sécurité nationale auprès de la Maison-Blanche qui supervisait la politique relative aux pays du Golfe. Le New York Times écrit qu'elle était partisane d'une ligne dure vis-à-vis de l'Arabie saoudite après l'assassinat du journaliste.
Les sénateurs US ne sont pas non plus satisfaits de la position du Président
«Nous exigeons que vous indiquiez clairement dans votre réponse si le prince héritier Mohammed ben Salmane est responsable du meurtre de Khashoggi. Nous attendons votre réponse dans un délai de 120 jours à partir de notre requête initiale (10 septembre)», stipule la lettre.
Par conséquent, malgré les tentatives du président d'échapper à la réponse concernant la culpabilité du prince, il devra se prononcer d'ici février. The Washington Post espère que si la Maison-Blanche «continuait d'encourager le mensonge du prince héritier», le Congrès agirait «rapidement et résolument».
Le Président Trump n'exclut pas la possibilité d'un entretien avec Mohammed ben Salmane en Argentine.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.