L'armée européenne, si elle est créée, fera concurrence à l'Otan, mais il est peu probable qu'elle voie le jour avant dix ans, a déclaré à Sputnik Jean-Vincent Brisset, général de brigade aérienne en retraite et directeur de recherche à IRIS.
«Si on veut faire une armée européenne qui soit totalement indépendante de l'Otan, des forces de l'Otan, il n'est pas possible d'avoir des forces qui soient affectées à l'une et qui soient en même temps affectées à l'autre. Donc cela veut dire qu'il y aura effectivement une sorte de concurrence», a indiqué M.Brisset.
«L'armée européenne, c'est une utopie. Comme je vous l'ai dit,l'armée européenne, c'est quelque chose qui ne peut pas voir le jour avant dix à vingt ans», a déclaré M.Pinatel à Sputnik.
Selon lui, la première étape est de créer une alliance européenne contre les menaces qui n'existaient lors de la création de l'Otan.
«Ce qui est important […], c'est créer une alliance européenne face au terrorisme islamiste parce que la France notamment est engagée au Sahel […]. L'Otan n'est pas configurée pour traiter des problèmes comme ce qui se passe au Sahel. On a bien vu ça en Afghanistan où l'Otan n'a pas vraiment réussi à stabiliser la situation», a estimé le général Pinatel.
Un autre domaine est la cyber guerre où là encore les Européens peut créer une alliance hors Otan.
«Je pense que les pays qui sont historiquement les premiers à avoir créé l'Union européenne seraient assez naturellement membres de cette armée», a estimé M.Brisset, avant de préciser qu'on pourrait aussi y ajouter le Danemark et des pays du sud de l'ancien Pacte de Varsovie, la Hongrie, la Tchéquie ou la Slovaquie.
M.Pinatel a d'abord mentionné la France, l'Allemagne, l'Italie, la Belgique et les Pays-Bas tout en soulignant qu'une telle armée pourrait être formée par étapes, après la création d'un pouvoir politique européen qui n'existe pas aujourd'hui sous une forme capable de diriger une armée et qu'il fallait plutôt commencer par créer une alliance qui lutterait contre le terrorisme islamiste et la menace cyber qui sont des menaces actuelles, estime le général Pinatel.
Et là, l'alliance pourrait être beaucoup plus large et réunir aussi l'Albanie, la Grèce et d'autres pays du sud de la Méditerranée et d'Europe, d'après lui.
«Les pays qui peuvent participer concrètement à cette alliance de défense contre le terrorisme islamiste, c'est l'Allemagne et tous les pays du sud de la Méditerranée et les pays de l'Europe qui ont déjà été dans l'Empire ottoman», a dit M.Pinatel.
«Il n'est pas question pour les Américains, tant qu'ils dirigent l'Otan, qu'il y ait un rapprochement avec la Russie », a-t-il déploré.
«Il faut aussi construire une base industrielle de la Défense car il n'y a pas d'autonomie stratégique si nous dépendons d'autres puissances pour nos équipements», souligne le Général.
Les deux généraux interrogés par Sputnik considèrent le projet de l'armée européenne comme un long chemin qu'il faut parcourir pas à pas. Il pourrait, selon eux, voir le jour qu'après la création d'un gouvernement européen unique.
Selon M.Pinatel, il s'agit d'une «utopie souhaitable», d'un projet qui ne peut «pas être réalisé avant dix ans».
M.Brisset estime pour sa part que les pays membres de l'UE n'ont actuellement pas la volonté politique de former une gouvernance unique ce qui entraînerait comme conséquence la formation d'une armée européenne.
«Je crois tellement peu à la formation d'une armée européenne que j'ai beaucoup du mal à projeter des choses que cela pourrait faire par la suite […]. Pour le moment, il n'y a absolument pas de volonté commune de la faire», a conclu M.Brisset.
Dans une interview accordée le 6 novembre à la radio Europe 1, Emmanuel Macron s'est déclaré favorable à la création d'une «vraie armée européenne» indépendante des États-Unis, y compris pour garantir la cybersécurité de l'Europe. Cette idée a été reprise quelques plus tard par la chancelière allemande Angela Merkel. Entre-temps, Donald Trump a qualifié d'«insultante» l'idée du Président français et proposé aux Européens de payer leur part à l'Otan, subventionnée largement par Washington.