«Ce qui est évident, c'est que d'abord, il y a le développement de l'apprentissage des langues, et l'arabe est une langue très importante, comme d'autres grandes langues de civilisation, je pense au chinois ou au russe, oui, bien sûr, il faut développer ces langues»,
expliquait Jean-Michel Blanquer à nos confrères de BFMTV en septembre dernier. Au delà de la polémique un peu épidermique sur l'enseignement de l'arabe en France, la situation des autres langues étrangères n'est en effet pas très brillante, et notamment pour le russe.
L'occasion donc de se pencher sur l'enseignement du russe à l'école primaire. Pour Eleonora Mitrofanova, directrice de Rossotroudnitchestvo et Ambassadeur itinérant du ministère des Affaires étrangères russe, ce problème «n'est pas facile à résoudre». D'après Madame Mitrofanova, l'apprentissage des langues, surtout au niveau de l'enseignement primaire, est toujours poussé par les parents, un groupe d'initiative dans une école ou une classe rend l'initiation possible.
«Je trouve que l'existence de l'apprentissage du russe à l'école secondaire française est louable, commente la directrice de l'agence. Il nous arrive d'aller dans un petit village en province et d'entendre parler russe chez les commerçants, cela fait plaisir. Nous avons beaucoup de compatriotes en France qui organisent les cours du russe, des crèches "russes"… je compte plus sur ce format d'apprentissage.»
«Comment les aider? C'est une autre question… s'interroge Eleonora Mitrofanova. Malheureusement, nous sommes limités dans nos budgets, sachant que les pays de l'espace post-soviétique sont prioritaires pour nous.»
Pour Alexandre Orlov, Secrétaire exécutif du Forum du Dialogue de Trianon, il y a urgence, puisque les «deux langues, hélas, cèdent leurs positions en faveur de l'anglais, qui domine dans tous les pays. On ne peut pas permettre que deux langues vivantes —le français et le russe- porteuses d'une grande culture, disparaissent.»
«Il faut apprendre une langue [étrangère] dès le plus jeune âge. L'année prochaine est proclamée dans le cadre du Dialogue de Trianon année de l'éducation, non seulement universitaire, mais également scolaire.»
La mise en place de ce programme passe par le développement et la multiplication des contacts scolaires. Pour l'ancien ambassadeur, «avoir la possibilité d'utiliser une langue équivaut à avoir une motivation pour l'apprendre.»
«Nos amis français ont fait du progrès, affirme à Sputnik Alexandre Orlov. Je sais que cette année scolaire, pour la première fois, le russe est enseigné dans une école élémentaire, l'école Littré dans le VIe arrondissement de Paris.»
Et, effectivement, l'enseignement du russe aux plus petits n'est pas qu'une affaire de budget, mais surtout de demande et d'enthousiasme. L'école pour enfants bilingues français-russe «Chkola» existe à Lyon depuis presque 15 ans dans les locaux gracieusement prêtés par la mairie du IIIe arrondissement.
«Notre association regroupe actuellement environ 160 enfants de deux ans et demi à treize ans, explique à Sputnik Julie Sylvestre, présidente de Chkola. La plupart des enfants ont moins de 10 ans.»
«Au départ, nous n'avons pas compté sur l'aide de la Russie, c'était une initiative de parents soucieux d'entretenir le niveau de connaissance du russe chez leurs enfants. Les parents voulaient que les enfants gardent leur culture, la littérature et la langue russe.»
Pourtant, depuis quelque temps, Rossotroudnitchestvo a pris en charge les frais pédagogiques et logistiques pour plusieurs séminaires sur les méthodes d'enseignement, dans le cadre du projet «Eurêka». «Cela nous a beaucoup aidé, puisque le projet est très intéressant et a beaucoup de succès», affirme Julie Sylvestre.
Depuis sa fondation en 2004, l'association «Chkola» mène un travail de fourmi pour l'ouverture d'une section bilingue russe à Lyon. Les ministères de l'Éducation russes et français, le ministère des Affaires étrangères russe, l'ambassade de Russie en France, le Conseil de Coordination de l'Union des compatriotes russe sont d'accord et apportent leur soutien moral… mais le projet est toujours au point mort, entre-autres, en raison de l'opposition du Rectorat de Lyon et des proviseurs de la Cité Scolaire Internationale à Lyon. Pour l'instant, les parents doivent débourser, en fonction de nombre de cours par semaine, entre 195 et 914 euros pour l'année scolaire.