C'est une première dans le monde arabe et le geste a été unanimement salué. Le parlement tunisien a approuvé, le 9 octobre, à la quasi-unanimité un projet de loi contre les discriminations raciales.
«La Tunisie était invitée, dès 1967, année où elle a ratifié la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, à se conformer à ses obligations internationales en la matière. C'est désormais chose faite», note avec satisfaction Omar Fassatoui, officier des Droits de l'Homme, au sein du Haut-Commissariat des Droits de l'homme (HCDH), dans une déclaration à Sputnik.
Ce texte, déposé en janvier 2018 par le ministère chargé des Relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et des droits de l'Homme, a vu le jour après une tentative infructueuse portée par la société civile, en mai 2016. En décembre de la même année, et à la veille d'une rencontre organisée par le HCDC à l'occasion de la journée nationale contre la discrimination raciale, trois étudiants congolais sont violemment agressés, en plein centre-ville.
«Même si l'agression en question tombait, d'abord et avant tout, sous le coup du droit pénal commun, la motivation manifestement raciste du crime a fait que notre événement a gagné en ampleur. On a reçu la visite du Chef du gouvernement qui nous a fait la promesse que tout sera fait pour que la Tunisie se dote d'une loi incriminant toute forme de discrimination raciale», se rappelle Fassatoui.
Un projet de loi est déposé par le ministère des Droits de l'homme, début 2018, à l'élaboration duquel ont pris part, tant le HCDC, pour garantir sa conformité avec les standards internationaux, qu'une bonne partie de la société civile qui mène ce combat depuis des années. Aujourd'hui, Saadia Mosbah, de l'Association Mnemty (mon rêve, en référence au fameux discours de Martin Luther King), est comblée.
La même satisfaction prévaut du côté des étudiants subsahariens en Tunisie. L'Association des étudiants et stagiaires africains en Tunisie (AESAT) s'est félicitée de l'adoption de la loi sanctionnant le racisme. Coiffant quelque 4.500 étudiants et stagiaires en Tunisie, l'AESAT s'inquiétait, depuis quelques années, de l'ampleur prise par les agressions à caractère raciste.
L'image du pays, pourtant à l'avant-garde de la lutte pour les droits de l'homme dans le monde arabe, s'en était trouvée quelque peu écornée en Afrique subsaharienne. En l'espace de 7 ans, le nombre des étudiants subsahariens a enregistré une baisse de près 70%. Si des tracasseries administratives sont avancées comme la principale raison de ce désamour, la montée du racisme n'est pas pour inverser la tendance.
Les autorités tunisiennes tablent, aujourd'hui, à travers un faisceau de mesures, sur la réanimation de l'engouement subsaharien pour la Tunisie. Visites officielles en Afrique subsaharienne, lancement d'une Agence d'accueil des étudiants africains, mais la loi adoptée mardi fait aussi partie du dispositif.
Une exception arabe, s'enorgueillissent des Tunisiens, qui rappellent que leur pays a été l'un des premiers à abolir l'esclavage, dès 1846, bien avant la France et les États-Unis. En novembre 2017, l'expérience tunisienne en matière d'abolition de l'esclavage, qui s'étendit de 1841 à 1846, a été inscrite au «registre de la Mémoire du monde» de l'Unesco.